Impossible de résumer ce roman long de plus de 1500 pages. Disons qu'il y est question de guerre en Afghanistan (en 2008, très exactement), de talibans, de l'armée américaine, d'espions, de mercenaires et paramilitaires, de trafiquants en tout genre aux ramifications internationales, surtout d'armes et d'héroïne, de journalistes, de géopolitique, d'une guerre sans fin, de drones, de violence, de sexe, de passions, de vengeance, de religion et de plein de choses encore. Les personnages sont nombreux mais l'auteur très rapidement se focalise sur quelques-uns seulement (principalement sur ceux qui étaient déjà dans ses précédents romans «
Citoyens clandestins » et «
le serpent aux mille coupures », même si la lecture de ces livres n'est pas indispensable à la compréhension du livre).
Tout commence par un drone américain qui, en visant un dirigeant taliban, tue les enfants de Sher Kahn, son fils et surtout sa fille chérie, qu'il s'apprêtait à envoyer en occident pour les préserver de la guerre. L'homme qui jusqu'alors se contentait de trafiquer au niveau de la frontière afghano-pakistanaise, refusant de prendre parti, se lie alors avec les talibans pour retrouver les assassins de ses enfants. Son parcours sera particulièrement sanglant. Les cibles ? Un groupe de paramilitaires, appartenant à une société privée au service de l'armée américaine, mêlés à un trafic d'opium à grande échelle. Dans ce roman,
DOA dénonce d'abord la privatisation de la guerre, avec ces sociétés dont le but principal est de faire de l'argent et non apporter la paix en Afghanistan (d'ailleurs la guerre aujourd'hui perdure encore).
Mais il nous fait découvrir certains aspects cachés de ce conflit : le trafic de drogue qui alimente la guerre, le double jeu des autorités pakistanaises, la corruption à tous les étages, notamment autour du président afghan élu, choisi par les occidentaux (sic), l'économie de la guerre et les intérêts de certains de laisser perpétuer un tel conflit, l'incompréhension entre belligérants, les occidentaux n'ayant jamais vraiment compris l'organisation de la société afghane. Et surtout, au final, une société civile exsangue qui subit encore et toujours un conflit qui n'a pas vraiment de sens (notamment les femmes).
Et malgré la longueur du roman et les nombreux personnages,
DOA sait nous prendre à la gorge et nous emmener jusqu'au bout de son périple. Malgré deux petits bémols : parfois, l'auteur semble submergé par sa documentation et nous noie avec des sigles, détails sur les armes, etc. qui n'apportent pas toujours grand-chose au récit. Enfin les personnages semblent tirés d'un même moule. Des personnages qui ne connaissent qu'un langage, la violence, envers les autres ou autodestruction et ce quelle que soit la situation : pendant les conflits bien sûr, mais même pendant les scènes de sexe, de fête, les relations entre personnages, tout est occasion de faire parler le langage du plus fort. Malgré tout, «
Pukhtu » est un très bon roman noir, démontrant s'il en était besoin, tout le talent de son auteur.