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Critique de michfred


Une petite virée touristique de 650 pages en Afghanistan avec DOA comme « fixer » :je viens de passer un week end pascal bien dépaysant !

Enfin quand je dis virée touristique…je me comprends : depuis quelques jours les FATA -zones tribales-, les talebs et les moudges, les chefs de clan – Haqqani et Zadran- les services secrets ISI - Pakistan- , ISA - armée de terre US -, et autres CIA , n'ont plus de secrets pour moi..

Je peux aussi vous en remontrer en matière d'armes : la kalache, c'est le BA-BA pour les nuls, que dites-vous des AK47, AKM, AKMS : autrement plus bichant et plus précis, non ? Sans parler des AGM-114Hellfire ou des Airbust qui vous éparpillent un terroriste, un moudjahiddine, un taliban ou un G.I. façon puzzle –pas trop regardants sur la personne à éparpiller, ils tuent très salement de toute façon.

Mais qu'est-ce qui m'arrive, à moi qui , il n'y a pas trois jours, vous parlait poésie, métaphores et allitérations ? C'est simple, je viens de finir, au grand galop, en enchaînant séquences haletantes et guets-apens- frissons, la dernière brique de DOA. Si passionnée que je fusse, je dois quand même confesser que le lexique de fin de volume m' a bien aidée dans tous ces sigles guerriers et top secrets, et que mon meilleur ami a été…mon crayon HB pour prendre au vol quelques notes utiles !

Mais revenons à nos moutons afghans.

Sher Ali Zadran , un contrebandier pachtoune, chef de clan et père de famille, se voit brutalement privé de la joie de ses vieux jours :Adil, son fils aîné et surtout, Badraï, sa cadette adorée aux yeux verts, meurent dans la frappe « ciblée » d'un drone US visant un leader d'Al-Quaeda, provoquant son ire et sa/son ( ?) BADAL (vengeance, dans le code pachtoune). le dit chef de clan perd un oeil dans la bagarre mais y gagne le surnom guerrier de Shere Khan. Là les enfants peuvent suivre : Kipling, Disney, le Roi Lion.. folklore connu. Sans plus barguigner il s'enrôle dans la mouvance des talebs (un taliban, des talebs, non mais !), perd son indépendance et gagne une réputation de cruauté redoutable.

Ses pires ennemis deviennent les USA, et en particulier la responsable directe du meurtre de ses enfants, une petite unité de combat faite de mercenaires en civils, des durs à cuire, des tatoués, dont les noms de code –Voodoo, Ghost, Rider, Data, Tiny et Fox – camouflent à peine le passé douteux, de même que des sociétés-écrans aux noms étranges : Longhouse, Oneida, et surtout 6N masquent celui de la CIA. Mais peut-être ce commando de tueurs a-t-il aussi quelque chose à cacher à la CIA elle-même ?… Nous sommes en Afghanistan, plaque tournante du Brown Sugar, les Russes sont partis, mais le trafic de dope alimente celui des armes, et réciproquement…l'argent sale circule dans les cantines militaires, se blanchit à Dubaï, passe par le Kosovo, grand fournisseur d'armes, revient dans les poches des fonctionnaires véreux pakistanais, afghans, des sociétés bidons franco-ivoiriennes qui se sucrent au passage…et quelquefois dans les poches des gilets de combat US !

Dans ce bourbier -pour rester polie- difficile de ne pas se salir les mains. Alors, quand on veut les garder propres, attention les yeux !

Peter Dang, un journaliste canadien d'origine viet' observe et fouine, flaire un énorme scoop, un scandale à côté duquel l'Iran-Gate serait une sorte de pipi de shah ( oh, elle m'a échappé, celle-là, je ne le ferai plus, promis !). Il se met en danger.

Fox, un des mercenaires, joue double-jeu auprès du boeuf-carotte de la CIA, mais a lui aussi une sorte de code d'honneur qui l'empêche de « donner » ses petits camarades en eau trouble : il se met dangereusement en porte-à-faux…

Périlleuse aussi la position d'Amel, belle journaliste beurette qui a assez de matière pour faire tomber un des affreux du renseignement français-le plus gratiné salopard du bouquin qui pourtant n'en manque pas. Elle hésite, au bord du gouffre…

Pathétique aussi le danger –moral cette fois- auquel s'expose notre Shere Khan borgne, à l'origine de toute cette vendetta à la mode afghane , et qui s'y jette à corps perdu…Il perçoit clairement qu'en exécutant sa « badal » il perd son humanité, valeur pachtoune aussi sacrée que celles du « ghairat » et de l' « izzat ».

Un des autres charmes de ce big thriller, scénarisé comme la dernière saison de Homeland, à laquelle j'ai souvent pensé,- les personnages de Pukhtu se poudrent le nez aussi souvent que Carrie, la bi-polaire de Homeland…- c'est de se passer dans un tempo politique passionnant : juste avant l'élection de Barack Obama, à la fin des deux mandats catastrophiques de G.W.Bush, sept ans après le 11 septembre fatidique, et juste après l'élection, en France, d'un certain Sarkozy qui entreprend de fusionner les services de renseignements français avec le succès que l'on sait -guéguerre à tous les étages. le livre réserve même une petite surprise : une description de NKM en bourgeoise tout cuir, très S.M. …Elle n'est pas nommée, mais on la reconnaît très bien…

Bref : complexité de l'intrigue, contexte politique solide et d'une passionnante actualité, documentation fouillée, personnages ultra nombreux mais si bien campés qu'on les reconnaît malgré le foisonnement des péripéties et….grosse frustration finale : ce n'est que le tome « Primo »…Il faudra attendre la parution du Secondo pour trouver les réponses à nos questions, régler le sort inquiétant de nos héros préférés…vous l'avez compris, je vous recommande chaudement cette lecture captivante et dérangeante !

Merci à Babélio et aux Editions Gallimard de m'avoir permis cette équipée sauvage sur les traces du mollah Omar et de son acolyte borgne au pukhtu chatouilleux !

PS: rajouté après la rencontre organisée par Pierre Krause de Babélio :

Un grand merci à DOA en personne, que nous avons eu le plaisir de rencontrer et de questionner, dans un échange dynamique, plein d'humour et aussi d'enseignements: sur la genèse du livre,sur les finalités d'un projet littéraire ambitieux et original,sur les "modèles" voulus ou rêvés de ce type de thriller assez inclassable, entre la fresque politique, le roman de guerre et le roman" noir de noir."..
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