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Critique de Kirzy


Kirzy
25 novembre 2020
°°° Rentrée littéraire 2020 #39 °°°

Fatima Daas assume avoir mis beaucoup d'elle dans son personnage ( qui porte les mêmes nom et prénom ), mais revendique l'autofiction pour n'avoir pas chercher la vérité des détails. Il ne faut donc pas réduire ce roman très fort à un simple journal intime. C'est avant tout une oeuvre littéraire qui révèle une voix.

« Je m'appelle Fatima. »
Chaque chapitre commence avec cette anaphore ou sa variante «  Je m'appelle Fatima Daas ». Autant de fragments pour raconter les toutes les facettes d'une vie, pour dire le puzzle intérieur de la narratrice. Française nés de parents algériens, la seule de la famille à être née en France. Musulmane pratiquante. Lesbienne. Clichoise. Etudiante à Paris.

Cette façon de scander dans des phrases courtes et nerveuses les chapitres crée immédiatement un rythme. Les chapitres se répondent. Chacun mène autre part tout en reprenant, enrichissant, creusant un sillon, porté par une style proche du slam. Une écriture qui pulse, matinée de mots arabes. Cette mise en scène littéraire donne envie d'entendre les mots qui feraient un magnifique stand-up. Surtout, les mots disent parfaitement la quête identitaire de Fatima, son sentiment d'être à côté de sa vie, à côté des autres. Trop lesbienne pour être musulmane, trop parisienne pour être clichoise, trop musulmane pour être lesbienne, trop banlieusarde pour être étudiante. Jamais Fatima ne crie dans cette psalmodie mais on sent toute la douleur de ses conflits intérieurs. Dans toute leur complexité kaléidoscopique.

Certains passages sont bouleversants, tout particulièrement ceux consacrés à la religion. La sincérité de la foi de Fatima y explose. Son amour pour Allah, son besoin de s'y abandonner. Sa douleur d'être une pécheresse comme elle se définit, elle qui assume son homosexualité sans vouloir renoncer à la prière. Une scène remarquable la montre chez un imam à la recherche de réponses pour concilier ses identités contradictoires. Elle n'en trouvera pas ici. Mais elle en trouvera en écrivant. L'écriture comme une révélation, comme une évidence, comme le seul lieu où l'ambivalence peut s'exprimer sans avoir à oblitérer une part de soi, jusqu'aux dernières pages qui laisse entrevoir la lumière de la réconciliation.

Loin des clichés sur la banlieue, hors de toute volonté sociologique ou récupération politique, ce texte terriblement personnel, à la fois dur et doux, n'est pas un manifeste même si Fatima Daas se revendique féministe intersectionnelle. Une entrée en littérature forte et poignante.
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