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Critique de Eric76


Pauvre Ophélie ! Si réservée, si peu sociable, et tellement maladroite… Dissimulée derrière de grandes lunettes rondes et une vieille écharpe revêche, le corps enveloppé par des fringues ternes et démodés, elle a tout l'air d'un sac à patates binoclard. Et toujours à ruminer, toujours à renifler, à avoir le bout du nez rouge, parce qu'elle a attrapé froid… Elle n'a rien de cette légèreté, de cette grâce féminine qui font bondir les coeurs des hommes. D'ailleurs, les hommes, Ophélie s'en fout complètement… Elle est tellement heureuse dans ce musée ombreux où elle exerce le métier de liseuse. D'une simple imposition des doigts sur un objet, elle peut vivre son passé, entrevoir ceux qui l'ont possédé. Des vieux objets, pour la plupart, datant de l'ancienne Terre, avant qu'elle ne s'éparpille en mille morceaux. Accessoirement, elle se déplace en passant à travers les miroirs, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas plus bizarre et incompréhensible que de voir par écran interposé, et de lui parler, un ami situé à des milliers de kilomètres de vous…
Ophélie vit dans un monde cohérent dans son étrangeté. Un monde composé de grandes familles, chacune dotées de dons puissants, uniques, et régentées par un Esprit de famille. Ophélie appartient à celle d'Artémis. Si on se côtoie entre membres de différentes familles, on évite de se mélanger…
Mais pas cette fois, où les doyennes de la famille d'Artémis décident de fiancer de force Ophélie à Thorn, membre éminent de celle du pôle. A quelles fins la vendent-elles comme une vulgaire marchandise ? Une fois jetée dans la fosse aux lions, c'est ce que devra découvrir la fragile Ophélie, pleine de regrets et d'amertumes quand elle doit quitter tout ce qu'elle aime.
Le Pôle est un monde terrifiant où tout n'est qu'illusions, mensonges et leurres. Un nid de décadents où rien n'a de sens. On se croirait à la cour du Régent ou de Louis XV où les sans-pouvoirs triment pour servir ces puissants, emperruqués, poudrés, extravagants, pétris de bonnes manières, mais qui derrière les apparences se comportent comme de véritables canailles sans foi ni loi… Pour éviter les faux-pas qui peuvent être fatals dans ce monde plein de duperies, Ophélie peut compter sur deux alliés, ou deux ennemis, allez savoir ? Son fiancé, Thorn, l'incarnation même de l'austérité, et la théâtrale Berenilde, belle comme Vénus, capricieuse, narcissique, et calculatrice…
Ce sont les yeux écarquillés que j'ai suivi les tribulations de notre héroïne si frêle, si gauche, dans cet univers chimérique et truqué. A plusieurs reprises, je me suis demandé, souvent inquiet, parfois amusé, comment elle allait se sortir des guêpiers dans lesquelles son innocence l'avait fourrée. J'ai aimé la description de ce monde baroque et gothique, de ces personnages à plusieurs faces, fragiles et sauvages, tendres et impitoyables, perdus et cyniques.
Le début d'une saga que j'espère flamboyante….
Un beau roman jeunesse qui la pousse, cette jeunesse, jusqu'à 77 ans et plus…
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