Si je savais que "La passe-miroir" avait eu son petit succès, je ne m'attendais pas en revanche, en rentrant le premier tome dans ma biblio, à ce qu'il y ait autant de lecteurs et autant de critiques répertoriées. Je m'excuse donc auprès des Babelpotes que j'aurais loupés en parcourant les nombreuses critiques, mais il n'est pas facile de tous vous retrouver parmi les 1650 retours de lecture que compte ce livre à ce jour (à quand l'option "critiques de vos amis" au même titre que "les meilleures" et "les dernières" ?).
Christelle Dabos nous embarque dans un monde un peu particulier, puisque les différentes populations vivent sur des arches depuis la "Déchirure", évènement qui a marqué la fin de l'ancien monde (que l'on devine être notre monde actuel). Chaque arche regroupe une famille, représentée par "l'esprit de famille", formant à elle seule une société, un mode de vie, des us et des coutumes. Ophélie, qui vit sur Anima, est une "liseuse", c'est-à-dire qu'elle peut lire dans les objets et y déceler leurs histoires. Cette jeune fille a également la particularité rare de pouvoir se déplacer d'un endroit à un autre en passant par les miroirs. Promise à Thorn, issu du Pôle (que l'on devine être le Grand-Nord de notre monde actuel), elle doit dire adieu à sa vie paisible animiste et aux gens qu'elle aime pour s'installer dans la maison familiale de son futur époux. Après un long voyage en dirigeable, c'est sur une arche bien différente que sa nouvelle vie va débuter. En effet, en plus du froid glacial auquel elle n'est pas habituée, elle découvre la Citacielle, la citadelle flottante qui abrite les différents clans de Farouk, l'esprit de famille du Pôle. Mais bon nombre voit d'un mauvais oeil son arrivée, son mariage est loin de faire l'unanimité. À ses dépens, Ophélie se retrouve au coeur de complots politiques et familiaux, au coeur des guerres des différents clans. Rapidement, elle comprend que sa vie est en danger et qu'elle ne peut faire confiance à personne, pas même aux Dragons, le clan de son futur mari...
"Les fiancés de l'hiver", ce sont 600 pages qui se lisent sacrément vite et qui regorgent pourtant d'intensité, tant dans les événements que dans l'univers dépeint et l'atmosphère qui en découle.
Commençons par cet univers nouveau justement, et plus particulièrement la Citacielle, puisque c'est essentiellement là que tout se joue. Imaginez une sorte de citadelle flottant dans le ciel, comme suspendue par les étoiles, avec ses tours et son architecture spéciale à plusieurs étages (je vous invite à observer la première de couverture). Là-bas, il y a l'ambassade de Clairedelune dans laquelle
Christelle Dabos nous décrit chaque salle dans laquelle nous passerons, de la chambre du valet jusqu'à la salle de bal, en passant par les ascenseurs immenses, les longs corridors, les jardins suspendus ou encore les oubliettes. Nous voyons tout comme si on y était et c'est dans ce décor quelque peu extravagant que nous assistons Ophélie à déjouer les différents complots/conspirations/manigances auxquels elle est mêlée.
Car effectivement, Ophélie n'a que peu le temps de découvrir son nouvel environnement souvent fait d'illusions. Elle devra apprendre sur le tas, trop occupée qu'elle est à rester en vie et à vouloir en savoir davantage sur son nouveau mode de vie, les différents clans et leurs conflits, sur son taciturne futur époux et sa famille. Elle n'a pas le temps de s'ennuyer, et le lecteur non plus par la même occasion.
Dans ce monde trop brutal et trop mondain, Ophélie doit y trouver sa place. Et ce n'est pas chose facile, elle si discrète, si effacée, quelque peu empotée, myope, simple d'apparence physique et vestimentaire, qui tombe malade au moindre courant d'air (autant dire que depuis son arrivée, elle est constamment enrhumée). Elle doit apprendre à s'affirmer davantage si elle ne veut pas se faire manger toute crue. Mais loin d'être stupide, on découvre en elle une force que personne ne soupçonne et qui lui sauvera souvent la mise. D'autant que son futur époux n'est pas la personne la plus attirante qui soit : (très) grand et sec, taciturne, sauvage, malpoli, il n'aime personne et personne ne l'aime. Thorn est aussi chaleureux qu'un iceberg, Ophélie va devoir prendre sur elle pour le supporter...
Je n'ai pas vu le temps passer, tellement j'ai été rapidement embarquée dans ce monde rigourement développé, tellement j'ai apprécié le personnage d'Ophélie dès les premières pages. On est face à tout un tas d'intrigues engageantes, où conspirations et coups bas, suspense, rebondissements et retournements de situation ne manquent pas à l'appel. L'ambiance dépeinte grâce à la dimension fantastique et "illusoire" nous emprisonne dans une sorte de bulle dont on n'a pas vraiment envie de se libérer. On s'attache ou aime à détester les personnages, au caractère bien affirmé et énigmatique.
J'émets un tout petit bémol quant à ce qu'on appelle la "Déchirure" : j'aurais aimé savoir quel est cet événement ou cette catastrophe responsable de la fin du monde tel qu'on le connaît aujourd'hui. Mais de ne pas savoir ne change strictement rien à la compréhension et au déroulement de l'histoire.
En revanche, j'ai beaucoup aimé que chaque famille et/ou clan ait un pouvoir qui lui est propre, renforçant la personnalité de chaque protagoniste. J'ai aussi beaucoup apprécié que la romance entre Ophélie et Thorn, que je voyais prévisible, n'ait en fait pas eu lieu, bien que je ne doute pas que leur relation évoluera dans les tomes suivants (mais quand les sentiments prennent le temps de s'installer, quand les personnages n'en prennent conscience que petit à petit, je trouve ça nettement plus crédible et palpitant).
J'ai passé un excellent moment de lecture, et au vu des dernières pages qui m'ont clairement laissée sur ma faim, je ne tarderai pas à ouvrir le tome suivant que j'espère aussi passionnant.