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Citations sur Corvée de bois (11)

Quand on a du temps devant soi, il faut se fabriquer des souvenirs, ça peut servir, plus tard...
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Le commandant aurait pu faire muter directement [ceux qui avaient eu peur de sauter en parachute] dans un régime de rampants. Il préférait respecter la tradition et les mettre à notre disposition jusqu'à la fin de nos classes. Les « gonzesses », personne ne les appelait plus autrement, s'occupaient du ménage dans les piaules, briquaient les chiottes, ciraient les chaussures, raccommodaient les boutons, les épaulettes, préparaient le café à nos retours de sauts ou de crapahutage. Au dos de leur uniforme était peinte l'infamante lettre « D » comme dégonflé. Une nuit, des cris étouffés m'ont sorti de mon sommeil. Dans un coin du dortoir, deux compagnons maintenaient l'une des mauviettes sur son lit, la face écrasée dans son polochon, pendant qu'un troisième se préparait à l'enculer en se faisant reluire. Je me suis tourné la tête sur le côté et j'ai fermé les yeux. J'étais de ceux qui avaient sauté. Lui n'avait que ce qu'il méritait. C'est le lendemain qu'on nous a remis nos bérets rouges ainsi que la petite médaille figurant un parachute. Tout ce que nous avions vécu de différent n'existait plus. En quelques semaines, nous avions réussi à ne former qu'un seul corps dans lequel coulait un sang viril qui irriguait des muscles d'élite. Moi qui n'avais fréquenté que les bancs de la Sorbonne, je m'apercevais de l'existence de cette carcasse blême que les études avaient contingentée, je prenais conscience que le corps ne spécule pas, que sa vérité est éclatante, qu'il ne ment pas. C'est comme si, pendant des années, l'éducation avait mis cette machine parfaite en exil de moi-même. J'approuvais les paroles de l'instructeur quand devant une bière, au mess, il citait de mémoire Hanns Johst : « L'homme n'est pas esprit, mais viande et sang. Les lois de la vie ne sont pas spirituelles mais sanglantes. » Je riais avec lui lorsque, après avoir passé son bras autour de mon épaule, il concluait : « Dès que j'entends parler de la raison, je sors mon revolver. »
(p. 33 à 35)
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[guerre d'Algérie]
L'un des types du commando s'est mis à dépouiller les cigarettes pour remplir de tabac une petite bourse confectionnée dans un cuir aussi mince que du papier. Quand elle a été pleine, gonflée, il l'a agitée devant nos yeux en riant :
- Il ne doit pas être content, mon premier fell : le FLN lui interdisait de boire, de fumer, même de baiser à ce qu'on dit, et je viens une fois de plus de lui farcir les couilles de gris !
Il avait appris à tanner la peau humaine au Vietnam et s'est proposé pour nous fabriquer des souvenirs, blagues à tabac, crucifix en os de musulmans, colliers de dents ou d'oreilles.
(p. 65-66)
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Dans le temps des Dragonnades, on prenait les filles qui ne voulaient pas se convertir, et, pour leur faire aimer la messe, on les remplissait de poudre, avec un entonnoir enfoncé par l'anus et la matrice. On les faisait ensuite sauter comme une bombe. Il est inouï combien cela leur donnait de goût pour l'hostie et pour la confession auriculaire ! Comment ne pas aimer un Dieu, au nom duquel on fait de si belles choses ?
(p. 87-89)
[Wikipedia : Les dragonnades sont les persécutions dirigées sous Louis XIV contre les communautés protestantes de toutes les régions de France pour l’exercice de leur culte.]
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Quand on a du temps devant soi, il faut se fabriquer des souvenirs, ça peut servir, plus tard...
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« Vous allez travailler dans le bled, avec des Kabyles et des Arabes qui nous sont totalement dévoués. Votre rôle est de développer l'action psychologique, de permettre aux populations de choisir leur intérêt autrement que sous la menace du couteau des égorgeurs. Vous vous occuperez de toute la partie "intellectuelle" du boulot... Il faut bien que ça serve à quelque chose, les études en Sorbonne ! [...] »
Mon premier travail a consisté dans la rédaction d'un tract que le pilote du Piper est chargé d'aller larguer dès le lendemain au-dessus des maisons. Sur le recto du stencil, j'ai tracé au normographe les lettres majuscules du message : « LES COMPLICES DES REBELLES, EUX AUSSI, SERONT PUNIS. PARLONS ! » Zamoun, l'assistant qu'on m'a affecté, s'est ensuite appliqué à le traduire en calligraphie arabe avant de le graver de la pointe de son stylo.
Au verso, j'ai composé un texte plus explicite : « Des étrangers sont venus vers vous. Ils vous ont dit : "Nous combattons pour l'Islam et nous vous apporterons la paix et la postérité." Ce ne sont que des orgueilleux, des fils de Satan, des menteurs et des criminels. Ils ne vous amènent que le sang, la douleur, la misère. Rejetez-les loin de vous. Faites confiance à la grande France. Elle est fière et généreuse, et c'est pour ça que Dieu l'aide. »
(p. 55-61)
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— C'est hors de question. Je pense surtout que c'est vous qui n'avez pas le droit de tuer des femmes et des enfants...
Je relève le canon de ma mitraillette vers son torse. Ce n'est pas son refus qui a décidé de son sort, mais la moue méprisante qu'il a laissée traîner sur ses lèvres. La rafale disperse les pièces du boitier, le verre concave du flash, puis il s'affaisse sans un râle sur son scoop inutile.
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— On ne s'excuse jamais de ce qu'on fait chez les paras. On ne pleurniche pas. Jamais, vous entendez ? Jamais ! Il n'y a que ce torchon communiste qui ose nous montrer du doigt. Ils ne perdent rien pour attendre.
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Ce n’est pas qu’il refuse les études, ce sont elles qui se refusent à lui. La vie est généreuse, et il trouve toujours une excuse pour sécher un exposé.
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- Nous somme en opération. Vous n'avez pas le droit de faire de photo. Donnez-moi votre appareil !
Il a reculé vers la rue où passent d'autres soldats de mon unité.
- C'est hors de question. Je pense surtout que c'est vous qui n'avez pas le droit de tuer des femmes et des enfants...
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