Une plongée dans le coeur du Paris des années 50. Petites bandes, musique, politique à tous les étages, quand elle savait donner un sens à la vie. Quand elle participait à la vie des citoyens. Plongée dans les débuts d'un certain Charles Azanavour au plus froid d'un hiver froid, où la Seine monte, monte, le sol de Paris gèle et où l'on découvre que les amis, mêmes résistants ne sont pas toujours fiables et envoient les plus valeureux au pilori. Où la bassesse est plus forte que l'amitié, la confiance et l'espoir. Mais la haine ne gagne pas, jamais. Missak Manouchian, exécuté au Mont Valérien en février 1944, chef des FTP-MOI (Francs Tireurs Patriote-Main d'Oeuvre Immigrée) connu par l'affiche rouge et sa lettre à Mélinée, faisait partie de ces hommes qui avaient une haute idée de la vie et de la liberté. Sans haine et sans ressentiment.
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/manouchian.html
Missak...c'est Missak Manouchian chef d'un groupe de résistants d'origine arménienne tombés aux mains de l'armée nazie et fusillés le 21 février 1944.
Le secrétaire de Jacques Duclos, secrétaire général du PC convoque Louis Dragère, journaliste à l'Humanité, afin que celui-ci lui fournisse des renseignements sur ce groupe de résistants, et ceci en vue de l'inauguration d'une rue dans XXème arrondissement de Paris ...
Qui les a trahis? Pourquoi?
Ce réseau de résistants d'origine étrangère a accompli des dizaines d'attentats et causé un nombre important de morts parmi les troupes nazies. On doit notamment mettre à leur actif l'exécution du général Julius Ritter dont la mission était de superviser le recrutement de la main d'oeuvre destinée au service du travail obligatoire (STO).
Missak Manouchian est finalement arrêté en novembre 1943, avec vingt-deux autres de ses compagnons. Leur procès qui s'est en février 1944 a fait l'objet d'une très importante propagande nazie. Une affiche, devenue célèbre, l'Affiche rouge, fut placardée sur les murs de Paris. Elle devint le symbole de l'engagement des étrangers dans la Résistance et notamment des réfugiés arméniens. Sur celle ci figurent les visages torturés de Missak Manouchian et de ses camarades.
Peu avant de mourir, au coté de ses camarades, tous d'origine étrangère, Missak Manouchian laissa une lettre destinée à son épouse Mélinée, laissant entendre qu'ils ont été trahis "Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus."
Louis Dragère a un mois pour fournir des informations au PC...un mois d'enquête dans Paris et sa banlieue inondés au guidon de sa moto...
Nous sommes en février 1955. Un mois de rencontres au cours desquelles on croise des personnes dont les noms résonneront aux oreilles de ceux qui ont connu les années 50-60, Duclos, Roger Vaillant, Krasucki, Charles Tillon, Louis Aragon, Prévert, Ferré, Kazan...
Didier Didier Daeninckx s'est appuyé sur une très importante documentation pour la rédaction de cet ouvrage captivant dans lequel apparaît notamment un petit bonhomme, Aznavour en concert au Moulin Rouge.
Roman, enquête historique, enquête journalistique et policière, ce voyage littéraire permet d'en savoir un peu plus sur Manouchian, son parcours qui l'amena à éditer un journal, sur l'extermination des arméniens par l'armée turque, les conditions de leur arrivée en France, de leur intégration, le travail en usine pour des salaires de misère, la vie dans les banlieues, les planques, les radio-crochets.....Et j'en passe
Et surtout sur les combats menés par la Résistance, ces combats menés par des groupes d'étrangers, les trahisons, le Pacte Germano-Soviétique qui déchira les communistes, la répression nazie...Et aussi sur ceux qui, au risque de leur vie, hébergeait ces combattants pour quelques heures, pour un repas....parmi eux quelques mots sur les parents de Charles Aznavour
Passionnant retour sur l'atmosphère des années 50-60 de ma jeunesse.
Missack Manoukian,
Traité par Didier Daeninckx....
Eh oui, c'est du lourd, du très lourd,
Une véritable leçon d'histoire.
Ce livre fait appel à notre mémoire et à notre "culture" !
Ou peut être simplement à notre curiosité pour les choses du monde....
Qu'a t on retenu des poèmes d' Eluard et d'Aragon de l'après guerre!
Qu' a t on retenu du film "l'affiche rouge" réalisè par F Cassenti en 1976!
Qu'a t on retenu du documentaire "la traque de l'affiche rouge" réalisé par J Amat et d'Peschanski en 2007 !
Qu'a t on retenu du film "l'armée du crime" réalisé par R Guédiguian en 2009 !
L'histoire est revue et corrigée par un maître de la mémoire de l'Histoire!
D Daeninckx nous interpelle, nous invective, nous poursuit avec l'histoire de ces petites gens que l'on pourrait remiser au fond de notre inconscient!
Il nous pousse à rechercher ce que cachent les différents personnages de ce docu-fiction, ce qu'ils ont dit, ce qu'ils ont fait ou peut être ce qu'ils n'ont pas fait!
Il ne faut pas oublier de tirer des leçons du passé, même si ça fait un peu mal, même si ça remet en cause des valeurs que l'on croyait indécrottables, même si cela rend mélancoliques et incertains qu'en à l'avenir!
N'est ce pas comme ça qu'on avance envers et contre tout?
Une plongée passionnante dans l'histoire avec Didier Daenincks...
Cet auteur de polar déroule la vie de Missak Manouchian ( de l'affiche rouge) comme dans ses polars. Preuve qu'il aime l'histoire, il était sur France Inter pendant les vacances pour arpenter le Paris de Willy Ronnis, reportage vraiment très intéressant. D'ailleurs Willy Ronnis est un personnage (très secondaire) de cette histoire, tout comme Charles Aznavour.
Il a su donner vie à une figure historique tout en évoquant les polémiques toutjours vives autour de sa dénonciation sans bien sûr fournir de solutions, puisque la vérité n'est pas connue. Il n'y a aucune frustration pourtant à la fin de ne pas savoir, le plus important n'est pas là. Il est dans cette construction d'un personnage et des hommes (et femmes) qui gravitent autour, des tensions chez ceux qui l'ont connu, chez ceux qui ont vécu l'histoire à un petit ou grand niveau et qui ont survécu à la guerre. On rentre dans les jeux du pouvoir, de la résistance, dans un monde disparu où le communisme est tellement puissant, avec des préoccupations qui paraissent si bizarres si longtemps après.
L'enquête est réalisée par un jeune journaliste de l'Humanité dont on espère qu'il sera malléable à souhait. Daguère est un journaliste "mythique" ; on l'imagine très bien : parisien, une casquette, la gouaille, 60s... Toutes les tensions transparaissent bien à travers ses propres doutes, il fait discuter archives, sources policières, témoignages autour des deux moments clés de la vie de Manouchian : génocide arménien et résistance. Si Daenincks n'avait pas utilisé ce personnage, j'aurais sans doute eu beaucoup plus de mal à rentrer dans l'histoire.
Un roman historique qui met en évidence le rôle des plus ambigu des instances dirigeantes du PCF ; et en parallèle la difficulté de se détacher d'une idéologie vécue comme une religion.
La fin de ce roman m'a laissé dubitatif en ce qu'elle m'a semblé manquer de clarté.
(nb : sur le même sujet, le livre de Alain Blottière, "Le tombeau de Tommy" est autrement plus émouvant.
En quelle année se passe l’histoire ?