Petit livre, fascicule presque, qui prouve une fois de plus et si besoin en était que la taille ne compte pas.
Stig Dagerman explore les limites du désespoir, se cogne à des murs, tente malgré tout de les traverser et finalement ne trouve derrière que la mort, libératrice mais non explicative. Les possibilités de la condition humaine ne sont pas infinies, Dagerman le comprend et se démène comme une beau diable pour y trouver un sens, une consolation, hélas notre destin étant inéluctable,
notre besoin de consolation est impossible à rassasier.
Un texte qui à première vue peut ressembler à l'appel désespéré d'un homme qui se noie.
Soit, mais dépassons cette apparence et penchons-nous un peu sur le pont, au delà de quelqu'un qui perd pied, c'est plutôt d'un homme qui flotte dont il est question alors que celui-ci voudrait, au choix, ou être englouti (l'humain n'ayant rien à attendre de son sort en particulier et de la vie en général, autant en finir) ou qu'on lui envoie une bouée (la consolation de la vie toujours recherchée, jamais rencontrée), malheureusement aucune de ces deux postures ne vient le délivrer parce que la condition de l'Homme est circonscrite, le chemin tracé, et que la seule possibilité est de faire un pas de côté, vers le néant ; choix que fera Dagerman, suicidé, mort sans jamais avoir trouvé la paix de la consolation à la vie car la prédestination ne peut, pour lui, aucunement être une raison suffisante à sa condition d'être vivant. Il doit exister quelque chose, ailleurs, une Liberté qu'on ne soupçonne même pas, imbéciles heureux que nous sommes, confortablement à l'étroit dans nos carcans tandis que, tous fiers de nous, nous nous croyons libres (libres de choisir dans une société consumériste ?)
A partir du moment où l'on s'éveille à la conscience de la mort qui nous cueillera sans même qu'on sache où et quand, simplement avoir cette connaissance annihile toute idée de Liberté.
Stig Dagerman a eu beau chercher, fouiller, questionner, le résultat n'a pas varié : vie absurde, impression de choix grotesque, mais pourquoi on est là, à la fin ?!
Texte grandiose sur notre pauvre condition de mortel et qui tente de répondre à ce questionnement, n'y parvient pas, fait tomber son auteur dans le mutisme, puis dans le non-être, toutes ses questions encore et toujours en suspens.