Dans
Moi, Boy, le grand
Roald Dahl évoque les "incidents" qui ont émaillé ses premières années de vie, de sa naissance à ses vingt ans (de 1916 à 1936). Ceux qui lui ont laissé un souvenir impérissable. "Certains furent drôles. Certains douloureux. Certains déplaisants." comme il le précise dans sa préface.
On est cependant bien loin d'une autobiographie classique et pompeuse. Ces pages se lisent avec autant de plaisir qu'un autre récit de l'auteur. On y retrouve son humour, son sens inné du récit et on y croise bon nombre de personnages qui semblent familiers - comme tout droit sortis de ses romans !
Au fil des anecdotes évoquées, on découvre ainsi quelques-uns des éléments fondateurs de son oeuvre. Parfois, il nous l'indique lui-même comme lorsqu'il évoque le lien entre son idée d'écrire son second roman jeunesse,
Charlie et la chocolaterie, et les bâtons de chocolat qu'on leur faisait tester lorsqu'il était au collège. D'autres fois, on s'en doute. Ainsi, l'horrible vendeuse de bonbons à qui il doit sa première punition cuisante n'est certainement pas étrangère à ses personnages comme celui de la grand-mère grincheuse de Georges Bouillon ou des sorcières de
Sacrées Sorcières.
De manière générale, les relations du jeune Dahl avec les adultes sont loin d'être au beau fixe. Et c'est bien compréhensible au vu des méthodes d'éducation pratiquées dans les établissements scolaires anglais de l'époque. Les punitions corporelles pour un oui ou pour un non sont monnaie courante et l'auteur n'y échappe pas. Ses fesses s'en souviennent d'ailleurs près de cinquante-cinq ans après.
"Durant toutes mes études, j'ai été horrifié par ce privilège accordé aux maîtres et aux grands élèves d'infliger des blessures, parfois très graves, à de jeunes enfants. Je ne pouvais m'y habituer. Je n'ai jamais pu."
Sa critique s'étend aux hommes d'église qui, d'un côté, prêche la miséricorde et le pardon et qui, de l'autre, ne sont pas les derniers à infliger ces châtiments corporels ! Réflexions à l'origine de ses premiers doutes sur la religion et Dieu.
Heureusement, malgré les coups durs (au sens propre comme au sens figuré), la mort de sa soeur aînée, de son père, la dureté de l'internat dès neuf ans, les moments de tendresse ne manquent pas. Très proche de sa mère et de ses soeurs, il nous conte notamment avec enthousiasme leurs vacances annuelles en Norvège, pays d'origine de ses parents. On découvre aussi un jeune garçon particulièrement doué dans de nombreux sports ainsi que dans la photographie. Des activités qui lui faisaient "oublier un peu la grisaille et la mélancolie des journées". Plus tard, on le suit dans ses premiers pas dans la vie active, au sein de la compagnie Shell. Bien loin encore de son futur métier d'écrivain...
"Il faut être fou pour devenir écrivain. Celui qui choisit cette profession n'a qu'une seule compensation : une absolue liberté. Il n'a pour seul maître que son âme, et c'est là pour lui, j'en suis sûr, un motif déterminant."
Son récit est rendu encore plus vivant grâce aux nombreux documents (photographies, extraits de lettres, etc.) ainsi qu'aux dessins inimitables de
Quentin Blake.
Bref, voilà une autobiographie comme on aimerait en lire des centaines. D'ailleurs, je poursuivrai très certainement ma découverte de ce magnifique auteur en lisant la suite de ses "confessions",
Escadrille 80.
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