Un très beau livre illustrant quelques-uns des plus beaux poèmes chinois de la dynastie Song (Xè-XIIIè siècle). Cette époque, qui correspond en Occident au Moyen Age roman, est marquée par une vie intellectuelle et culturelle particulièrement active en Chine, et stimulée par l'innovation majeure, chinoise, que constitue l'imprimerie.
Tout est remarquable dans cet ouvrage. Son titre qui tient ses promesses, les textes de ces grands poètes eux-mêmes bien sûr, très évocateurs d'ambiances, notamment de nature, de rêveries, d'amour, traduits par Bertrand Goujard. La qualité du papier, la présentation de chacune des pages écrites, poème traduit avec à sa gauche les caractères chinois (même si contrairement à la promesse, il me semble fort qu'il s'agit de mandarin moderne simplifié et non traditionnel, mais c'est de peu d'importance)...Et surtout, car c'est le sujet, les illustrations absolument magnifiques de cet artiste contemporain chinois Dai Dunbang, qu'on dirait plutôt contemporain de ce temps-là, tellement son travail entre en résonance, en symbiose avec le texte.
Un superbe travail des éditions de la Cerise, basées à Bordeaux. Vraiment, si on aime la poésie, la Chine, et la peinture-gravure, c'est un très beau cadeau à faire, ou à se faire, pour les fêtes de fin d'année !
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Illustrée par le peintre Dai Dunbang (né en 1938), une sélection de 50 textes de cette période est éditée pour la première fois hors de Chine. Au raffinement des vers répond la délicatesse d’un pinceau mis au service d’un art accompli de la composition.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Annoncé il y a plus d'un an par Les Éditions de la Cerise, le recueil de poèmes écrits sous la dynastie chinoise des Song et illustrés par Dai Dunbang, dont c'est la première publication hors de Chine, est dorénavant accessible. C'est une excellente nouvelle pour les admirateurs de la culture de l'Empire du milieu et, au-delà, pour tous ceux que touche la beauté de la poésie et du dessin.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
SUR L’AIR DE LA BELLE DE YU
Floraisons de printemps et lunaisons d’automne,
quand finiront-elles ?
De ce qui fait le passé, que saisit-on vraiment ?
Lorsque sur la petite pagode la nuit dernière vint
le vent d’est,
L’ancien royaume ! Je n’ai pas eu la force, baigné
par la clarté de la 1une,
d’en retrouver le souvenir.
Les balustrades sculptées et les marches de jade,
sans doute subsistent-elles encore !
C’est seule la fraîcheur de notre jeunesse qui
s’altère.
Dites-moi : peut-il se trouver autant de mélancolie
Que ce que tout un fleuve charrie vers l’est
d’eaux printanières ?
// Li Yù) (937 – 978)
/Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
SUR UN AIR LENT
Quêter, quérir, fouiller, fureter,
Froidure vide, froid dur limpide,
Morne monotonie, amère mélancolie, lamentable ennui…
Douceur subite, retour du froid,
Cette saison où je souffre le plus de respirer ;
Avec trois gobelets et deux coupes de vin clair,
Comment y résister, quand le soir vient, quand le vent s’énerve ?
Voici les oies sauvages parties,
Le plus cruel à mon cœur,
Pourtant nous étions bien complices aux temps passés.
Partout au sol les chrysanthèmes s’amoncellent,
Défraîchis et déchus
à présent, qui viendrait prendre la peine de les ramasser ?
Veillant près de la fenêtre,
Solitaire, par moi-même comment parviendrai-je à rejoindre
l’obscurité ?
Au sterculier vient s’adjoindre la bruine,
Qui jusqu’au crépuscule dégoutte et dégouline ;
Et toute cette composition,
Comment le seul mot de « souci » pourrait-il en donner
le sens ?
// Li Qing Zhào) (1084 — après 1149)
/ Traduction du Chinois par Bertrand Goujard
Sur un air limpide et tranquille (de Zhu Shu Zhen, vers 1131)
(sous-titré : un jour d'été, promenade sur le lac)
Ennuyée de brume, trempée de rosée,
Retenue un moment je demeure,
Pour lui tenir la main en chemin,
au-dessus du lac aux fleurs de lotus,
Toute une bruine, aux prunes mûres, de pluie fine.
Charmante ingénue sans craindre qu'il me devine,
Toute habillée assoupie renversée sur son coeur...
Enfin voici qu'on se lâche les mains, c'est l'heure
De s'en retourner lente s'accouder à la coiffeuse.
Sur l'air de "D'un regard si charmeur" (Song Hui Zong - Zhao Ji, 1082-1135)
De la Capitale de Jade déjà sont souvenirs vieillis les splendeurs et les fastes.
A mille lieues ici de la Maison Impériale,
Du Bois de Rubis, de la Galerie de Jade,
Des matinées où retentissaient les cordes et les vents,
Des soirées où se succèdaient les flûtes et les vielles.
La Cité des Fleurs on l'a quittée,
maintenant c'est morne désolation.
Un mirage de printemps tournoie sur les sables barbares,
Les collines de chez moi, je les ai perdues.
Il faut souffrir d'entendre les flûtes tartares
Souffler jusqu'à disperser les pétales des pruniers.
SUR L’AIR D’UN BODDHISATVA D’AILLEURS
Sous des étincelles d’astres, par la lune assombrie,
enveloppée de brume légère,
C’est là une belle nuit pour vous rejoindre, mon
Seigneur,
Chaussettes retirées pour gravir les marches
parfumées,
Tenant à la main mes escarpins cousus d’or.
Du côté sud de la salle aux peintures vous voici ;
Là, une fois contre vous blottie toute tremblante :
Votre servante s’est donné du mal pour s’échapper,
S’il vous plait, laissez-vous bien aller à la tendresse.
// Li Yù (937 – 978)
/Traduction du Chinois par Bertrand Goujard