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Critique de coralineberthier


« le moi est haïssable », dixit un certain Blaise, vous souvient-il ? Cette maxime pourtant cardinale est balayée sans ménagement d'un revers de manche dans « Elle voulait juste être heureuse », le deuxième opuscule de Géraldine From La Butte Moreynas.

Ici, l'égo est turgescent et exhibitionniste, fièrement dressé comme un minaret dans le petit matin marrakchi.

Dépourvue de toute pudeur et de la moindre élégance, Madame Dalban n'a de cesse qu'étaler compulsivement ses nombreux signes extérieurs de réussite socio-économique, comme on agite des talismans, comme un sapeur congolais qui fait la danse des marques à son retour de France dans son faubourg de Kinshasa. On pouffe.

Dans les livres de Madame Moreynas, la balourdise est partout : les personnages se « bouffent des yeux », ils prennent des « shoots de bonheur ». On se fait faire l'amour les bajoues appuyées contre la baie vitrée d'une suite hôtelière cinq étoiles. On se gondole.

Quand l'héroïne nommée « Elle » rencontre un homme à New-York (id est : un homme avec une bonne situation : avocat, homme d'affaires, assez rarement un ouvrier), il a « tout ce qu'il faut avoir » et il n'y a chez lui « aucune faute de goût ». On se gausse.

On prend beaucoup l'avion dans ce tissu d'inepties ostentatoires. Chaque récit de voyage est précédé d'un incipit narrant par le menu l'acte d'achat d'un billet en classe affaires sur le site web d'Air France, ou un copier-coller de 15 lignes d'annonces et procédures d'embarquement.

Ballotés entre affliction et fou-rire tout au long de ces 219 pages de rumination nombriliste, nous voilà les témoins hilares et consternés de cette jubilation auto-congratulatoire permanente.

Du point de vue stylistique, l'inculture crasse, la pauvreté du vocabulaire et l'indigence de l'écriture sautent à la figure du lecteur telles l'Alien grimaçant jaillissant de son oeuf. Comme on enfile des perles, Madame Moreynas aligne les courtes phrases elliptiques : quatre mots, un point. Quatre autres mots, un autre point. Et cætera, ad libitum.

On a l'impression malaisante de lire une liste de courses au Bon Marché, ou une suite de diapositives PowerPoint, avec leurs « bullet-points » qui sont la marque de fabrique des managers et autres communicants de basse extraction.

L'auteure se rêve écrivaine, mais sa tenue littéraire pendable et anxiogène ne dépasse pas celle d'une adolescente instagrameuse égocentrique. Narcissique et vaine, donc.

Improbable golem claudiquant, hybride tragi-comique de Guillaume Musso et Nadine de Rothschild, Madame Dalban nous démontre in fine qu'il n'est point besoin de talent pour être édité dans une grande maison parisienne.

C'est le réseau qui fait la farce.
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