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4,35

sur 6039 notes
Ce jour là Mr Damasio, j'arpentais comme une âme en peine les rayons hétéroclites de ma librairie préférée.
Car j'étais en quête moi aussi... Comme chaque homme un jour ou l'autre peut l'être... Qu'il s'agisse de survie ou de simplement retrouver goût à un plaisir simple qui s'évertue à nous échapper...
L'origine du vent pour certains, le plaisir de lire pour d'autres.... Les enjeux pensez-vous, ne sont pas les mêmes, lorsqu'il s'agit du destin du monde ou de sa propre "petite trajectoire"... détrompez-vous! le tout est dans l'espoir que l'on investit... Et un homme heureux, satisfait, comblé dans sa recherche individuelle d'une route à suivre, alors, sera plus apte à une destinée universelle...

Lorsque lire mais plus encore, lire du jamais lu, lorsque notre quête ne se dirige vers rien d'autre que l'étonnant, l'inexploré, la révélation d'un genre, une approche encore inconnue, alors, rapidement, on tourne en rond, on s'exténue à retourner inlassablement vers nos premières découvertes littéraires pour essayer, le temps d'un livre, de retrouver notre capacité à s'étonner et à s'émerveiller...

Depuis quelques temps déjà, aucune lecture ne trouvait grâce à mes yeux... Je commençais chaque jour un ouvrage nouveau et chaque jour l'abandonnais... Chaque 4ème de couverture était la promesse enivrante d'une découverte fabuleuse, d'un voyage hors du commun...
Mais chaque première page, à peine lue, démystifiait de façon impitoyable mes attentes de renouveau et de découverte...
Je commençais à me croire trop exigeante. Et m'accablais de reproches quand à mon incapacité à m'enthousiasmer pour quoi que ce soit...

Ainsi donc, ce matin là, je déambulais parmi les rayons bigarrés de cette grande librairie où je me sentais perdue et à l'affût presque désabusé de ce livre particulier qui enfin, me redonnerait le goût des mots et des histoires...

J'essayais vainement de me détourner de la fantasy que j'explorais depuis 5 ans déjà... Et là, en tête de gondole des nouveautés, un livre peu coloré, sans rien de plus pour attirer l'oeil qu'un bandeau rouge annonçant un "grand prix de l'imaginaire", un poche, grisâtre et peu attrayant.
Mais, allez savoir pourquoi, c'est vers lui que je me dirigeai alors que les prix depuis longtemps déjà n'étaient plus pour moi gage de qualité.. Je le pris, le caressai, lus la 4ème de couverture et l'ouvris à la première page....
Et c'est là que se produisit le miracle car voici ce que je lus :
" A l'origine fut la vitesse, le pur mouvement furtif, le "vent-foudre".
Puis le cosmos décéléra, prit consistance et forme, jusqu'aux lenteurs habitables, jusqu'au vivant, jusqu'à vous.
Bienvenue à toi, lent homme lié, poussif tresseur de vitesses."

Ces quelques mots me cinglèrent l'esprit et me transportèrent jusqu'à me laisser pantelante du désir amorcé d'aller plus loin dans ce phrasé si plein de promesses...Je rentrai chez moi impatiente et néanmoins hésitante... Et si je m'étais trompée ?
Si cet ouvrage, comme les autres, n'était qu'un mirage de plus, une autre promesse non tenue?..

Mais je commençai et bientôt je compris que je ne m'étais pas trompée...
Chaque page, chaque ligne lues étaient comme un nectar, une bouffée d'oxygène, un délicieux sursaut sur mon chemin de lecture... Un moment de grâce, si rare, si exaltant, si généreux et si riche!!!
Caracole m'étourdissait et me laissait après chacune de ses interventions dans l'extase du beau mot, de la belle phrase et du propos joyeux du saltimbanque généreux et érudit.
Sov m'expliquait, sans m'ennuyer jamais, les particularités de cet univers à la fois menaçant et passionnant dans lequel je finis par me projeter en toute confiance...
Même Golgoth et sa cruauté toute bestiale, son animalité dédiée à l'aboutissement de sa quête, aveugle et brutale... Grossière aussi mais tellement touchante....
Et Pietro, le prince déraciné, son élégance aussi bien dans l'attitude que le propos...

Et Coriolis, Talweg ou Aoi Nan....

Je me jetai à corps perdu dans l'aventure et luttai contre les vents furieux....Je m'esquintai comme ceux de la Horde à chercher une route praticable et à aller au plus loin de mes capacités....
Je pleurai, le moment venu, le destin de Steppe....
Je me délectai de chaque touche de poésie, de philosophie, de voyage et de découverte, de réflexion toujours judicieuse.
Je m'ébahis devant la justesse du dosage...
Et plus que tout, je savourai le langage, l'habileté du mot, de l'expression. Tout était prétexte à extase pendant cette lecture.
Puis, vint le mot de la fin...

Et avec lui, le sentiment d'une perte immense...Alors, je commençai mon travail de deuil. Je parlai de la Horde à quiconque voulait bien m'écouter... Je postai sur chaque forum une critique malheureusement très en dessous de ce que je ressentais...
Je pris le pseudonyme de Steppe sur mon forum préféré...
Mais, quoi que je fasse, reste en moi comme un sentiment confus de perte et de vide....
J'ai eu besoin de plus d'un mois avant de pouvoir ouvrir un autre livre....
Alors, Mr Damasio, entre vous remercier et vous maudire, je ne sais que choisir....

Merci, merci mille fois pour cette oeuvre généreuse, atypique et si aboutie...
Merci pour mes larmes glacées versées dans la Norska, de joie comme de tristesse.
Merci pour cette grâce offerte à mon âme blasée.
Merci pour cet amour du mot juste et pour mon intérêt enfin renouvelé...
Merci pour Golgoth, Pietro, Sov, Caracole, Erg, Talweg, Firost, L'Autoursier, Steppe, Arval, le Fauconnier,
Horst et Karst,
Merci pour Oroshi, Alme, Aoi nan, Larco, Léarch, Callirhoé, Boscavo, Coriolis et Sveziest...
Merci pour moi Mr Damasio... Et ce mouvement insufflé à ma curiosité...

Mais je vous maudis pour ce sentiment d'inachevé qui me colle à la peau depuis la dernière(la première?) page tournée de la "Horde".
Je vous maudis de m'avoir donné le meilleur et ainsi d'avoir relevé le niveau de mes exigences....
Je vous maudis de m'avoir laissée orpheline d'une famille que j'avais faite mienne...
Je vous maudis d'avoir annoncé une suite à la "Horde"....

Depuis, à nouveau, j'erre dans les rayons de ma librairie préférée... Toujours en quête...
Et je vous cherche, Mr Damasio, je vous espère....
Je scrute l'horizon en quête du chrone dans lequel je pourrais m'oublier et me déliter jusqu'à me renouveler...
Mon "Vif" vous appelle et vous attend.

Vous m'avez laissée là, ébranlée, essoufflée, haletante, presque suffocante.... Orpheline et désemparée, je continue à chaque lecture à rechercher ce merveilleux instinct du mot et de l'histoire...
Et chaque lecture me ramène à vous et à ma frustration...
Mais aussi, vous m'avez donné le goût de la quête....
Et la certitude d'un espoir possible.
Et chaque livre ouvert, chaque première page est une promesse....
Grâce à vous....
Merci Mr Damasio.... et pour finir, pour ceux qui savent :
"N'acceptez pas que l'on fixe, ni qui vous êtes, ni où rester. Ma couche est à l'air libre. Je choisis mon vin, mes lèvres sont ma vigne.
Soyez complice du crime de vivre et fuyez ! Sans rien fuir, avec vos armes de jet et à la main large, prête à s'unir, sobre à punir.
Mêlez-vous à qui ne vous regarde, car lointaine est parfois la couleur qui fera votre blason." .....
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Donnez-moi de la terre à contrer.


Ce n'est pas la première œuvre de l'auteur, mais probablement la plus connue et en tout cas celle qui a eu le plus de succès. Publiée en 2004 elle a obtenu le grand prix de l'imaginaire en 2006.


C'est l'histoire de la 34ième horde du contrevent, racontée essentiellement par Sov le scribe et composée de 23 membres, organisée en troupe quasi militaire et hiérarchisée. le Fer, le Pack et les Crocs. Leur but ? De l'extrême aval, remonter, à pied, vers l'extrême amont, connaître les trois dernières des neuf formes de vent et avec cette question qui revient sans cesse : Pourquoi ? Pourquoi la horde, pourquoi le vent souffle-t-il ?
Au début du livre, notre 34ième horde contre déjà depuis 28 ans et elle n'est qu'au début de ses véritables épreuves.


On peut laisser de côté la forme un peu déroutante (numérotation de page inversée, sigle attribué à chaque membre de la horde servant à identifier qui parle ou raconte, pas de lexique pour un nouveau vocabulaire riche et exotique, voire mystique) pour se concentrer sur l'intérêt de l'histoire.


On m'a dit de m'accrocher les 70 premières pages, mais moi j'ai adhéré dès le début à cette troupe, me laissant emporter, sans parfois comprendre tout ce que je lisais, mais m'accrochant à cette dynamique de groupe. Le but de leur vie a-t-elle un sens ? En tout cas elle a une valeur, venant du combat, du rapport physique qu'ils ont avec le vent.
Ce combat, ce combat ultime, cette volonté d'aller jusqu'au bout. Cette quête, cette formidable et époustouflante quête où l'on souffre avec la horde, où l'on meurt avec elle dans sa lutte contre les vents, la poursuite qui cherche à l'éliminer, ces chrones, (forme de vie, concept phénomène naturel ?) jouant avec le temps, les sens et l'espace. Cette lutte de tous les instants, dans le désert, dans l'eau, dans la Norska, mortelle et glaciale...


On ne ressort pas indemne de cette histoire. Exceptionnel.
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Un texte excessivement maniéré , inutilement compliqué , à la limite de l'insipidité et dont le nombre de commentaires positifs ne me semble pas objectif .
Cette aura laudative qui entoure ce texte me semble plutôt relever de l'hallucination collective et d'un engouement convenu , que d'une véritable description objective de l'aspect « Himalayiennement » éprouvant que constitue la lecture de ce texte à la complexité sadomasochiste .
Prévenons donc les lecteurs naïfs et confiants que la forme de ce roman est complètement absconse et aussi complétement aussi pénible , que inutilement ampoulée . Elle est même violement ampoulée je dirais …
Une fois que l'on a posé le caractère fondamentalement chiant de ce texte , on pourra gloser et souligner que l'univers est puissant et prenant , c'est vrai .
Mais bon , ce n'est pas une raison pour passer de nombreuses heures à se prendre la tête avec un texte gonflant qui accouche d'une sourie finalement …
Une troupe avance sous le vent , trois pages plus loin elle parvient à planter un piolet , et 10 pages plus loin , elle en plante un deuxième , entre deux vous avez le Guinness des records de calembours et autres jeux de mots , avec un personnages qui s'accroche en s'efforçant de garder son bonnet en évitant de décoller avec lui , sous l'impact des vents , décidément très « venteux « .
Finalement l'action ,paradoxalement statique de ce texte sous le vent , qui décoiffe et qui gonfle , ne parvient pas à masquer qu'il n' est fondamentalement , qu'une longue suite de calembours édifiants plutôt réussis , que l'auteur aurait peut-être dû présenter sous la forme d'un dictionnaire ou bien d'une anthologie …
Long , chiant , pénible et c'est une véritable ascèse que d'aller jusqu'à la fin … voilà ….
Pour ce qui est du nombre de critiques favorables à droite à gauche , vous me direz , « mais regarde il est encensé » , moi je vous demanderais pourquoi les critiques négatives de ce trésor national ampoulé , ne passe jamais l'hiver et sont obstinément effacées sur certains sites marchands , …
Bon je ne vais pas en faire un plat , mais j'aurais quand même eu l'obstination , l'outrecuidance , de souligner le caractère «Dantesquement abscontèsque « de cette aventure gonflante et un peu trop gonflée , toutes voiles aux vents bruyants et biens pratiques finalement …
Bon , c'est promis , si vous allez jusqu'au bout et que du coup , vous auriez réussi à ne pas oublier le début , c'est promis , : vous aurez votre diplôme d'intellectuel chevronné …
Sur ce , bonne lecture de la horde , et bonne année à tous ….
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Vous lecteurs !!! Vous comptez lire la Horde du Contrevent ? Et vous pensez pouvoir le faire tranquillement sans efforts ? Assis sur votre canapé en sirotant un petit jus alors que le pack contre pour survivre à la trace ? Mouhahahaha, je rigole !! Vous êtes naïf. Ce ne sera pas si simple. La Horde ça se mérite !

Vous voulez être des leurs ? Alors préparez-vous à souffrir. Il vous faudra d'abord passer le premier cap des 100 pages en acceptant de ne pas tout comprendre. En acceptant ces étrangers dont on ne sait rien. Puis, pour ne rien arranger, il y a ce texte compliqué, rempli à chaque page de mots inconnus et qui ne veulent pas toujours dire quelque chose. Il faudra également faire avec une numérotation des pages inversée. Après avoir tourné la première il est indiqué 615 ouch. Et enfin, pour rien arranger, à chaque page il y a un mot partiellement recouvert de symboles qui oblige le lecteurs à une attention particulière.

Si vous arrivez à contrer les 100 premières pages, les membres de la Horde commenceront à vous respecter. Ils vous ferons une petite place dans leur groupe et vous permettront au fil des 100 pages suivantes de faire connaissance, de prendre conscience d'être face à un groupe exceptionnel. Ils sont 23, les meilleurs ! Ils ont trois ans d'avance, depuis leur départ de l'extrême-aval, sur toutes les autres Hordes de l'histoire et comptent bien augmenter cette avance.

Vous avez encore du mal ? Revenez aux premières pages. Les symboles dessinés pour chaque membre de la Horde correspondent à la personne qui conte l'histoire tout au long du livre. Chaque fois que vous voyez un symbole au début d'un paragraphe cela indique qui parle. (La page Wikipedia sur la Horde du Contrevent est ton ami :-)).

C'est bon, vous y êtes, vous aller pouvoir tracer avec eux. Vous faites partie du pack maintenant et il est temps de se jeter à l'eau, de vivre des émotions intenses à travers cette quête épique. Puis il vous faudra sortir votre doudoune, plus loin, pour continuer l'aventure jusqu'à l'extrême-amont.

Un livre unique, exceptionnel, original mais très dur à lire. Personnellement la partie métaphysique, les vifs, les chrones, autochrones etc, m'a vraiment gêné. Un peu "Too much" et un peu lourd. Pour le reste j'aurais vraiment mis la note maximum.

Certified "cloques aux pieds garanties" by Wiitoo Takatoulire.
Note 4/6
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Sur une île déserte, ce serait sans hésitation le premier livre que je prendrais. Il s'agit de ma troisième lecture de « La Horde du Contrevent » et toujours des choses m'apparaissent, m'émerveillent, des détails auxquels je n'avais pas prêté attention surgissent, une compréhension plus approfondie de certains concepts émerge. Ce livre m'imprègne et m'enlace avec une chaleur qui est de celles qui forgent une mémoire et l'habitent. Je suis rassurée : je ne suis pas prête à changer de pseudo !

Sur mon île déserte, « La Horde du Contrevent » serait une lecture salvatrice.
Une épopée pleine de rebondissements, d'évènements inattendus, étonnants et inexplorés, pour me divertir, me passionner ; une flanquée de personnages superbement croqués au point de se sentir familière avec chacun d'entre eux, un collectif soudé qui me permettraient de me sentir moins seule ; une écriture poétique qui viendrait nourrir mon âme ; des messages philosophiques qui enrichirait mon esprit et me rendrait plus forte. Un univers onirique, des paysages d'une telle diversité, d'une réelle beauté, qui m'enchanteraient, paysages souvent rudes et sauvages, depuis les déserts de sable jaunes, les vallées encaissées, en passant par d'interminables marécages gris, des landes vertes aux nuages violets sur lesquels le soleil perçant ouvre des flaques jaunes, jusqu'aux abrupts glaciers volcaniques…sur mon île au paysage figé, je pourrais ainsi voyager !
Et surtout ce livre me permettrait de résister, de lutter, de me donner du courage. de relativiser la chaleur ressentie, le froid nocturne, l'humidité et bien entendu le vent toujours présent sur une île…un vent fort deviendrait à mes yeux une simple brise. Je tenterais sans doute de déchiffrer le vent, de l'écrire sur le sable, d'écouter sa musique…Peut-être même ferais-je le tour de l'île pour tenter de vivre l'épopée de la Horde, pour sentir, ressentir au plus profond de moi ces concepts de temps, d'espace, de vitesse, de sens avec lesquels Alain Damasio jongle, entrelacement de concepts appréhendés avec mystère et brio dans le roman à travers les chrones. Sortes de nuages, ceux-ci peuvent agir sur l'écoulement du temps, ou alors opérer des métamorphoses sur l'environnement qu'ils traversent, ou enfin se nourrir d'un type particulier de sentiments humains comme la peur, l'amour, la joue, etc…(Dont le fameux véramorphe au pouvoir unique : il donne aux êtres ou aux objets qu'il enveloppe la forme véridique de ce qu'ils sont). Il y aurait matière à réflexion et à rêve sans aucun doute, je ne m'ennuierai jamais, le relire ferait sans cesse éclore de nouvelles compréhensions…
Oui, un livre vraiment idéal, sur mon île déserte, dans la solitude totale où il me faudra créer le sens de ma vie. Pas seulement devoir survivre ou vouloir vivre mais oui créer un nouveau sens à la vie.

« Je découvris une nouvelle intensité – celle que la conscience effilée d'être accoudé chaque jour au parapet branlant de la mort donne. J'étais à nouveau émerveillable ».

Imaginez un monde plat dans lequel souffle, sans cesse, le vent qui peut prendre des formes différentes. Depuis la simple zéfirine, la « plus douce des gifles de prime aurore », en passant par le slamino, le schoun, la stèche, le crivetz, jusqu'au redouble Furvent. Vent chaud, vent doux, vent froid, vent humide, vent violent pour parler plus clairement…La plupart des gens vivent en s'abritant (les « abrités »). La Horde du contrevent, c'est l'histoire de la 34ème horde. Chacun des 23 personnages prend la parole (chacun a un sigle caractéristique quand il apparait, et une façon de parler qui lui est propre) mais cette aventure est racontée par le Scribe, Sov. La Horde est organisée un peu comme une troupe militaire : elle est structurée d'une certaine façon (Le Fer, le Pack et les Crocs), hiérarchisée et suit une stratégie alimentée de différentes tactiques. Chacun de ces personnages a une fonction précise et a reçu, pour être hordonné, une formation stricte et rigoureuse dès la plus tendre enfance. A chaque poste ce sont les meilleurs dans leur catégorie qui ont été choisis. le but de la Horde ? Remonter, à pied, vers l'Extrême-Amont pour trouver la source du vent, oui boire le vent à sa source, éventuellement la colmater, et aussi connaître les trois dernières des neuf formes de vent.
Partis de l'Extrême-Aval, à Aberlass, à l'âge de 11 ans seulement, les membres de la Horde remontent contre le vent (on dit que la Horde contre), et s'orientent vers ce mystérieux Extrême-Amont qu'aucune des hordes précédentes n'a réussi à atteindre tant la fin du périple est extrême. Depuis près de 30 ans ils sont en quête.

Cette lecture est un moment rare, étonnant et plein de rebondissements et souvent de grâce, ne serait-ce que par la diversité des personnages qui la compose comme notamment Caracole, le troubadour, toujours à la recherche du bon mot, de la jolie phrase, des blagues déclamées même en plein danger, de l'histoire à raconter : « ses histoires qui sont comme des appels d'air dans un buron, ses contes qui seuls nous trompettent qu'un autre monde est possible, où la fête existe, où l'amour soulève le quotidien » ; Oroshi, la belle et élégante aéromaitre, intelligente, rigoureuse, sérieuse ; Sov, le Scribe, à la fois pédagogue, sensible et poétique, Golgoth, chef de la horde, instinctif, rustre, grossier, courageux ; et tous les autres. Notons que les femmes, mis à part Oroshi, ont des fonctions dédiées aux femmes dans les sociétés classiquement patriarcales : soin, cuisine, recherche de nourriture, d'eau et de feu. La femme dans la Horde est celle qui prend soin et qui soulage. Notamment un Golgoth a priori profondément mysogine.

Un moment étonnant de par la diversité de son vocabulaire et de son univers aussi : Alain Damasio a le génie de nous proposer un glossaire inventé, fait de mots nouveaux ou de mots mélangés, prince des mots tordus, qu'on ne pense pas comprendre de prime abord, qui ne gêne pourtant pas la compréhension globale de l'histoire puis qui vient s'éclairer naturellement peu à peu. Comme si nous apprenions une nouvelle langue en étant plongé dans un nouveau pays. Vous croiserez ainsi des gorces, animaux dont on utilise la carapace pour en faire des tenues pour la Horde (des tenues donc en « peau de gorce »…l'humour de Damasio n'est jamais loin), des chrones, des boos, des muages, des aérologues, des airpailleurs, des aerudits…

Etonnement et inventivité par l'intensité et la variété des combats menés, bien entendu contre les différentes formes du vent, en un effort collectif remarquable d'inventivité, de prouesse et de courage ; mais également contre les étonnants chrones, dont on comprend vraiment peu à peu ce qu'ils sont ; combat contre certains adversaires qui veulent entraver la quête de la Horde (les intrigues politiques sont subtilement présentes ainsi que les problématiques sociétales et existentielles de ce monde). Sans oublier la délicieuse et croustillante joute verbale, combat de rhétorique, inoubliable pour ma part, entre le troubadour Caracole et Silème dans la ville d'Alticcio.
Quant au combat final pour atteindre l'Extrême-Amont, j'ai beau à présent connaitre la fin, quand s'approche la page 0 (car la pagination est à l'envers), je suis à chaque fois soufflée…

Par la diversité et la beauté des paysages et des villes traversés, par la féérie du monde imaginé par Alain Damasio cette lecture est également précieuse. On pense parfois à Mad Max, le Te Jekka, maître foudre de la Horde, fait irrésistiblement écho au maître Jeddi de Star Wars. La ville d'Alticcio fait penser une fraction de seconde au 5ème élément de Luc Besson avec le bas peuple au niveau du sol (les « racleurs ») et la bourgeoisie dans les airs, et ses divers moyens de locomotion qui s'entrecroisent dans les airs (Barcarolles longues et fines, toutes ailes rétractées ; ballons passifs à air chaud ; ballairs dirigeables ; vélivélos ; planeurs ; parapentes de poche ; éolicoptères).

L'osmose réussie de la science-fiction, de la philosophie et de la poésie est ce qui caractérise le plus ce livre.

«Nous n'avons jamais eu de parents : c'est le vent qui nous a faits. Nous sommes apparus doucement au milieu de la friche armée des hauts plateaux, à grandes truellées de terre voltigée pris dans nos ossements, par l'accumulation des copeaux de fleurs, dit-on aussi, sur cette surface qui allait devenir notre peau. de cette terre sont faits nos yeux et de coquelicots nos lèvres, nos chevelures se teintent de l'orge cueilli tête nue et des graminées attirées par nos fronts. Si vous touchez les seins d'Oroshi, vous sentez qu'ils sortent du choc des fruits sur son torse, et mûrissent toute une vie. Ainsi en est-il des animaux et des arbres, de tout ce qui est : seuls naissent vraiment les squelettes, seuls ont une chance ceux qui se dressent au-dessus de leur paquet d'os et de bois, en quête d'une chair, en quête d'une écorce et d'un cuir, de leur pulpe, en quête d'une matière qui puisse, en les traversant, les remplir ».

Sans être menée par le bout du vent, sur mon île déserte ouverte à vau vent, lavée à grande eau de bourrasques humides, je pourrai survivre avec de nombreux principes glanés dans ce livre : « La monotonie n'existe pas. Elle n'est qu'un symptôme de la fatigue. le divers, n'importe qui peut le rencontrer à chacun de ses pas, pour peu qu'il en ait la force et l'acuité » ou « Orpailler et retenir en soi. Se constituer un monde du dedans. Une mémoire ». Et espérer…Espérer grande vie et vent doux. La Horde du contrevent, mon manuel de survie. Une nourriture spirituelle, onirique et poétique fait livre.

Comme à chaque relecture de ce livre, je vais laisser les pensées d'Alain Damasio s'enfoncer dans ma chair, y creuser des ouvertures profondes, et féconder un terreau en moi essentiel, pour une floraison longue et exigeante. Ce livre, c'est comme « la sensation d'avoir en permanence en main, et comme à disposition d'âme, une arme de jet apte à refendre sans cesse mon crâne – ce cube d'os si prompt, sinon, à se clore ». Peut-être, alors, trouverais-je enfin un jour mon vif, ma puissance la plus strictement individuelle qui tient du néphèsh, ce vent vital qui circule en moi, qui me fait ce que je suis. La quête à contrevent de tout un chacun…

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Quelle horde, quelle quête et quel livre ! J'ai adoré, tout simplement.

Je ne suis pourtant pas une lectrice régulière de science-fiction, loin de là : passés les incontournables comme Dune ou le Seigneur des Anneaux, deux sagas qui m'ont enchantée et profondément marquée (pour preuve, je récite par coeur la litanie Bene Gesserit contre la peur), je ne connais rien au genre, n'ai jamais compris les subtiles différences entre fantasy, fantastique et autres littératures de l'imaginaire, et ne m'y intéresse pas outre mesure. Là, j'ai su dès la 3ème page que La Horde du Contrevent allait m'embarquer dans une magnifique aventure.

Parce qu'il y a beaucoup de vent dans ce livre, mais plus encore de souffle ! Grande épopée, roman d'initiation, carnet de voyage, récit philosophique, histoire d'amour et d'amitié, il emprunte à tous les styles pour raconter le destin de la 34ème Horde du Contrevent. La Horde du Contrevent ? C'est un groupe de 23 individus aux talents divers et complémentaires formés dès l'enfance à contrer le vent en marchant, dans l'espoir d'atteindre un jour l'Extrême-Amont, le point d'origine des vents. C'est donc Golgoth, le Traceur, autrement dit le chef et la brute. Mais aussi Sov le Scribe humaniste, Erg le combattant-protecteur, Oroshi la brillante aéromaitresse, le virevoltant et inconstant troubadour Caracole, Alme la soigneuse parfois peureuse, Calliroé la faiseuse de feu aux moeurs légères, et 16 autres, qui s'expriment tour à tour, chacun à sa façon, pour raconter leur quête, leurs envies et leurs angoisses. Face au furvent, aux obstacles naturels, aux sortilèges des Chrones, mais aussi à l'épuisement, aux souffrances et aux deuils...

Le roman est rempli de trouvailles astucieuses amusantes : la numérotation des pages à rebours, les symboles pour indiquer qui s'exprime, le dessin des différentes formations de la Horde, les modes de vie des Fréoles, Obliques et autres Abrités... Cela dit, ce qui le rend vraiment passionnant à mes yeux, ce sont ces 23 personnalités plus ou moins brillantes, mais toutes uniques et bien décrites, qui marchent ensemble vers un idéal, entre solidarité, tensions, sagesse et pur amour. Surtout celles d'Oroshi, de Steppe et de l'Autoursier, car évidemment on se reconnaît et on s'attache plus à certains personnages qu'à d'autres. Alors, au bout la 34, ou pas ?
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« le cosmos est mon campement ».

La 34e Horde est prête à remonter la zone de Contre jusque là où personne n'est jamais allé : la source du vent qui balaie la terre de ses bourrasques.

Plus qu'une aventure, un univers entier qui s'ouvre à la lecture de ce chef d'oeuvre de science fiction, d'une richesse littéraire rare.

Son inventivité linguistique et sa créativité musicale en fait un traité philosophique en forme de poème à l'humanité.
Lien, mouvement et nécessité d'être.

« Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les vents ».
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Je ne me suis jamais avancée bien loin dans les terres désolées entre l'Extrême-Aval et l'Extrême-Amont et ce livre ne devrait donc pas se trouver dans ma Babelio-biblio en tant que "lu". Emprunté trois fois à la bibliothèque municipale...rendu trois fois avec un gros soupir, charriant mon agacement.

Quand j'ai ouvert le livre (grand format), j'ai non seulement découvert que la pagination est anarchique, mais que j'allais être obligée de lire ce pavé avec des marque-pages (ou, plus pratique dans ce cas, en collant des post-it) puisque l'auteur a attribué un petit symbole à chaque personnage de la Horde. Minuscules pictogrammes revenant seul ou à plusieurs pour indiquer quel(s) protagoniste(s) étai(en)t mis en avant dans tel ou tel paragraphe et/ou chapitre. Premier soupir pour "¥@&§₩! mais qui-est-qui, nom-d'une-pipe", surtout quand on veut reprendre une telle lecture le soir, après le travail...

Autre geignement après avoir lu une bonne soixantaine de pages (crois-je me souvenir) pour le style de l'auteur : aussi gonflé que le vent qui enfle, enfle... et vous commande de courber l'échine (à un langage ampoulé, trop recherché, n'ayant guère encore du naturel).

Et je n'aime pas ça : courber l'échine !

Avec un grand "clap" (Extrême et définitif), j'ai re-re-refermé ce "chef-d'oeuvre" science-fictif...


(Je remercie Finitysend, sans qui ce billet n'aura pas trouvé son souffle)
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« Golgoth se ramassa et se redressa de toute sa hauteur sur ses pieds, et il frappa des deux bras en même temps la paroi de métal blanc. À la vue du col, il souleva sa visière durcie de gel, inspira du plus fort qu'il put dans le tunnel de neige de son nez et cracha au vent. Puis il prit conscience de ma présence à sa droite et ça monta en lui, incompressible, énorme, aussi sourd d'abord qu'une avalanche puis, aussi clair dans les deux dernières syllabes, qu'un éclat de pierre :
— Noooorrr… Nnnnnooorrrr… Nnnnnooooorrrrr… NORS-KA ! Noooorrr… Nnnnooorrrr… Nnnnnooooorrrrr… NORS-KA ! »

Comment ne pas commencer la 610e critique du roman sans le cri du traceur Golgoth face au mur de la Nors-ka ?

Comment résumer un livre lu en 30 jours quand leur quête a duré 30 ans ?

Comment raconter l'histoire de 23 personnages aussi attachants les uns comme les autres ?

Comment définir un roman choral atypique qui commence à la page 521 pour finir à la page zéro ?

Comment réussir à convaincre de futurs lecteurs de devoir s'accrocher aux 20, 40, 50, 100 et même 150 premiers pages de l'ouvrage ?

Comment ne pas comprendre l'importance de l'origine du vent si on ne vit pas soi-même sur le monde de la Horde du Contrevent ? Si on ne vit pas comme moi-même dans les Hauts de France, à quelques pas des Deux caps (Gris nez et Blanc nez) où le vent souffle 365 jours par an.

Comment accepter que le feu soit un dérivé de la stèche, que l'eau soit un vent décéléré et épaissi venant du choon et que l'air soit un vent stationnaire… Qu'un chagrin d'amour soit comme une journée de spleen sous slamino.

Et comment ne pas se perdre sur la terre du contre ? Pour cela, il faut prendre l'axe de bellini une ligne imaginaire tracée à mi-chemin des pôles. C'est la route la plus directe qui va d'Aberlaas à Port choon, de Chawondasee en traversant la flaque de Lapasane jusqu'au Port Hurle dont le vent permet la lévitation d'Alticcio, et de camp boban au défilé de la Norksa…C'est la bande de contre qui doit vous permettre d'aller jusqu'au bout de l'extrême-amont qui a découragé tant de Hordiers par le passé.

Comment parcourir cette terre à la physique inconnue, où les moyens de transport comme les hélicornes ou les drakkairs et autres vélivélos n'existent pas dans notre monde, où certains animaux font des apparitions sans qu'on sache s'ils appartiennent au règne végétal ou minéral. Où les Chrones aériens côtoient les iloméduses, les gorces pâturent, le lorsque sommeille et le quoique dissone. Et où on ne saura jamais ce que sont les « muages ».

Comment savoir où l'on va si on ne sait pas d'où l'on vient… Sur cette bande de contre de 5 000 kilomètres de long avec à droite et à gauche des étendues de glace infranchissables, un vent furieux souffle de l'amont vers l'aval. Avec une ville de départ qu'est Aberlaas, située à l'extrême-aval et un lieu d'arrivée où prend naissance ce vent, il y a une horde de 23 hommes et femmes qui commence leur quête à l'âge de 10 ans et que l'on rejoint 30 ans plus tard. Une horde au numéro 34 qui porte tous les espoirs d'une humanité qui envoie depuis 8 siècles des individus ultras entrainés pour un seul but : remonter l'écoulement de ce vent à travers plaines, mers et montagnes et consigner leur périple pour aider les hordes suivantes s'ils échouaient comme leurs prédécesseurs.

Comment appréhender un livre au style innovant, aux mots inexistants, où le scenario lui-même est dépourvu d'entrée en matière… Où on se retrouve brutalement dans un roman bourré de métaphores, de néologismes, où il faut réapprendre à chaque page à lire et à comprendre le sens des phrases. Où des symboles remplacent le nom des personnages, des personnages qui ont des fonctions précises et qui parlent souvent par énigmes. Où même les mots d'insultes ou d'argots sont inventés. Et pourtant, on se muscle le cerveau et avec la magie opérant d'un Alain Damasio, on finit au fur et à mesure à comprendre son écriture et à l'apprécier.

Comment aussi réussir à convaincre de futurs lecteurs qu'Alain Damasio est de la même trempe qu'un JRR Tolkien ou qu'un Frank Herbert. Que la recherche des neuf formes du vent par sa Horde est du même acabit que la quête de Frodon Sacquet pour détruire l'anneau unique ou que la possession d'Arrakis et de son Épice par Paul Atrèides. La Horde fait partie de ces romans qui résistent à l'usure du temps, et qui feront encore parler d'eux comme s'ils étaient sortis hier, continuant à nourrir des débats, des interrogations, des polémiques…

Golgoth, Pietro, Sov, Caracole, Erg, Talweg, Firost, Tourse, Steppe, Arval, Darbon, Horst et Kars, Oroshi, Alme, Aoi, Larco, Léarch, Callirhoé, Silamphre, Coriolis, Sveziest, Barbak, attendez-moi…Je veux continuer l'aventure avec vous et contrer en diamant… dans le Pack !!!

Merci à Chrystèle, Paul, Eric pour leur enthousiasme communicatif et aussi à Bernard pour ses réticences, vos opinions m'ont été nécessaires pour rentrer dans le « Vif » de ce sujet…

« Quand j'en ai assez de l'ombre, je prends un livre sur le mur pour voir un peu de ciel. »
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Tout d'abord, je voudrais exprimer tout mon respect à mes chers amis d'ici qui ont aimé, adoré, adulé ce livre. Et mon regret de n'avoir pas été au rendez-vous promis pour cette lecture... Pour certains, ce roman figure dans leur Panthéon littéraire et ils seraient d'ailleurs prêts à l'amener sur leur île déserte.
Au risque de me prendre un vent auprès des inconditionnels de ce récit, l'épopée de cet équipage de contre-amiraux prépubères dont il est question dans cette histoire m'a royalement agacée, pour ne pas dire indisposée. Troubadours des courants d'air, cohorte de cerveaux lents, scribes et jongleurs de mauvais calembours...
Il est vrai que la lecture de ce... comment dire... je cherche mes mots... un livre ? appelons cette chose ainsi si vraiment vous insistez, oui ce livre m'a indisposé comme un vent indélicat, une chose qui vient du fond des âges intestinaux... La Horde du Contrevent s'est avérée pour moi La Horde du Contrepet, un merveilleux laxatif littéraire de 548 pages, c'est long, surtout vers la fin comme dirait Woody Allen évoquant l'éternité... C'est long, surtout quand on est pressé. Mais j'ai tenu à aller jusqu'au bout du voyage.
Je n'avais rien jusqu'ici contre le vent. Contre les vents, intérieurs, extérieurs.
J'aime en général les personnages qui ne manquent pas de caractères, j'ai trouvé plutôt originale cette idée de traduire chacun d'entre eux justement par un symbole, même si cela nous oblige à aller consulter en va-et-vient systématique l'intérieur de la page de garde, même si on s'y perd parmi ces vingt-trois personnages, ces vingt-trois narrateurs.
Pour moi, l'originalité créative s'arrête là.
Je sens déjà une horde d'amis s'élever contre moi, m'entraîner par la main vers l'extrême-amont du livre, remonter à contrevent des pages, puisque c'est ainsi que ce livre est construit, me punir ainsi de mon outrage, me faire revivre le cauchemar une fois encore, à peine essoré, rincé de cette première expérience. Cela dit, mon reproche n'est pas sur cet effet de style. Il y a bien pire. N'accablons pas ce livre de tous ses maux.
J'aime la poésie des mers, des ciels, des archipels, des épopées maritimes, aériennes, terrestres... Je croyais venir au rendez-vous d'un tel voyage.
Par instants, ce livre évoque des martyrs, mais jamais celui du lecteur. Pourquoi ? Par instants, ce livre évoque des dépressions. On y est presque, à force...
Il faut savoir que pour un breton, de surcroît en proximité de l'océan, le manque de respect à l'égard du vent constitue un crime de lèse-majesté, une offense, la promesse d'une malédiction. Comment peut-on le respecter aussi mal, malgré de nobles intentions de lui accorder une syntaxe, une grammaire, une musique même ? Pourquoi une telle maltraitance des éléments ?
Faut-il avoir aussi mauvais goût pour insulter à ce point le vent ?
Je pense qu'Alain Damasio a eu les yeux plus gros que le vent.
Quand on ambitionne de construire une épopée aussi ambitieuse, il ne faut pas manquer de souffle, c'est comme demander à un asthmatique de se lancer dans un marathon...
Je soupçonne Alain Damasio d'avoir fait une bonne farce à ses aficionados qui sont si nombreux. Devenu milliardaire sur cette magnifique opération marketing qui lui permet désormais de surfer dans le sens du vent, il faut lui en être admiratif, il doit rire sous cape comme celui qui eut la géniale idée un jour de tremper la queue d'un âne dans un pot de peinture noire et de dresser son arrière-train, - je parle de celui de l'âne bien sûr, devant une toile qui devint une oeuvre qui connut une fortune au sens propre comme au sens figuré, et qu'il intitula « Aliboron ». La Horde du Contrevent, c'est un peu la même chose... Alain Damasio a trempé la queue d'un âne, ou peut-être celle d'une comète qui passait par-là assez savoir, dans des rafales de courants d'air et de vides absolus.
Génie pour les uns, mystificateur pour les autres, sans doute la vérité se situe entre deux eaux. Y aurait-il une grammaire, une syntaxe de la fumisterie ?
J'ai pourtant essayé de respirer aussi lentement que possible durant chaque page.
Des pages enlisées dans des sables mouvants, tandis que ce livre prenait de l'eau, que dis-je des seaux !
À la page 336, à l'attention d'un des personnages qui demande : « Maître, savez-vous quand la chose risque d'arriver sur nous ? « J'ai eu bien envie de lui répondre : « Malheureusement mon pauvre petit, c'est déjà arrivé depuis 212 pages pour le lecteur ! » Oui, je l'ai dit, l'originalité du livre est que les pages vont à rebours. Quand on n'aime pas un livre mais qu'on veut quand même y aller jusqu'au bout, cela dit c'est un avantage...
Chronique d'une dépression, la quête d'une flaque devient ici l'aventure extrême.
C'est un livre déjà saturé d'éoliennes, on appréciera le côté prémonitoire de l'auteur vis-à-vis de nos paysages à venir...
Par moments, les personnages du roman se mettent à en faire sa promotion avec une lucidité qui force le respect : " Et ancrez ça : y a jamais eu de hordes mieux préparées que nous qui ait osé tremper son museau dans cette grande cuvette de chiotte ! "
Durant ces plus de cinq cents pages, j'ai rêvé à la fois d'apesanteur et d'oxygène. J'ai bien eu l'impression de mettre dix-mille ans à lire ce livre.
"La folie n'est plus folle, dès qu'elle est collective." Tentative d'une éloge du faire ensemble, l'auteur s'embourbe lorsqu'au bastingage de son navire incontrôlable, il tente de s'improviser philosophe.
C'est du grand vide comme les personnages qui regardent au fond du trou d'un lac qui se vide par son siphon comme une chasse d'eau,- désolé c'est la seule image qui me vint alors. Cela me semblait aussi profond que le sens-même de ce livre. J'ai eu envie de faire disparaître ces pages dans ce siphon géant qui entraîne l'équipage dans la tourmente...
Plus tard, le chapitre sur les palindromes est pitoyable à souhait et révèle à lui seul toute la caricature si facile de ce livre, on se croirait dans un radio-crochet de rhétoriques ampoulées, un exercice de style où l'auteur a cherché à caser sa collection de savoirs dans les plis de cette histoire qui tombe comme un cheveu dans le vent.
Au chapitre qui s'intitule La Tour d'Ær, il me semblait pourtant qu'il y avait brusquement un sujet, une matière à creuser, un sens tout d'un coup qui frémissait autour Du Livre, des bibliothèques, de la mémoire... Cela, hélas, n'aura duré que le temps d'un chapitre.
Et lorsqu'on est à contrevent, tant qu'à faire, pourquoi ne pas y aller à fond, qu'est-ce qui empêche dès lors l'auteur de citer de manière décomplexée en postface de son ouvrage un fameux Bertrand Cantat ; après tout nous étions à peine en 2014, date de publication du livre ?
À la fin de l'odyssée, à bout de souffle, on est bien content de descendre à quai pour embarquer aussitôt vers des mers ou des ciels bien mieux inspirés.
Le meilleur contre, ne serait-ce pas de confronter nos points de vue face à la horde qui s'apprête à me jeter aux vents ?
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