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3,9

sur 2092 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ma Doué, quel voyage ! J'en ai encore les os rompus et des sifflements dans les oreilles !

Si vous aimez les sensations fortes vous ne serez certainement pas déçu par ce roman total et très atypique. On peut évidemment le classer dans le domaine du fantastique et de la SF, mais aussi (et peut être surtout) dans celui de la littérature expérimentale (type OULIPO plus que Nouveau Roman), de la poésie, des sciences humaines et même de la philosophie.

Tout un monde se déploie à la lecture de ce texte puissant, tout aussi marquant que “La Horde du Contrevent” quoi qu'avec une thématique et des moyens vraiment différents. La typographie y joue un rôle essentiel, chaque personnage étant identifié par une “signature” récurrente (avec laquelle on se familiarise bien vite). Il faut toutefois accepter de perdre ses habitudes : on est souvent désarçonné par des jeux de mots, des bribes de phrases en espagnol, en anglais, du verlan, et même des mots probablement inventés pour l'occasion.

L'argument de départ est le suivant : Lorca Varèse n'accepte pas de faire le deuil de sa petite fille, Tishka, disparue mystérieusement une nuit, deux ans plus tôt, alors que l'appartement qu'il habitait avec sa famille était pourtant fermé. Il est persuadé qu'elle a rejoint des êtres mystérieux, appelés les furtifs, qui ont pour particularité de se figer (et mourir) si un regard humain se pose sur eux. Sa femme, Sahar, ne supporte plus cet espoir qui l'anime de retrouver Tishka et a préféré se séparer de lui. Pour retrouver sa fille Lorca ira jusqu'à intégrer une branche secrète du ministère de la défense, appelée le Récif, qui s'est donné pour but de chasser les furtifs.

Le monde dans lequel ils vivent est dominé par la technologie, qui surveille et traque presque tout le monde, au prétexte d'assurer un plus grand confort de vie. Les villes ont été vendues à des sociétés puissantes qui les exploitent au maximum, zonées en fonction des moyens financiers de ses habitants. L'éducation est devenue entièrement privée, sauf quelques poches de résistance menées par des “proferrants”, qui prennent de gros risques pour tenter d'enseigner aux exclus du système. Sahar en fait partie.

Ce que je viens d'écrire ne représente qu'une infime partie de tout ce qui fait la richesse et la grande originalité de ce livre. Habituellement je lis assez vite un roman qui me happe. Ici, au contraire, j'ai dû m'astreindre à prendre tout mon temps pour tenter de saisir le maximum de ses fulgurances. Et j'ai adoré ça !

L'éditeur La Volte offre la possibilité de télécharger un album signé Yan Péchin et Alain Damasio en accompagnement de ce livre. Je ne l'ai pas (encore) fait. Je ne voulais pas rajouter un niveau supplémentaire à une lecture qui en comporte déjà tant et dont le son est souvent au premier plan du récit.
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Tishka, quatre ans, a disparu. Sa mère, Sahar, est convaincue qu'elle est morte. Pour Lorca, son père, il y a une autre explication, liée aux furtifs, ces êtres quasiment indétectables et qui meurent dès qu'ils sont vus. « D'une telle intelligence sensible sont ces animaux, en fusion viscérale avec leur environnement ! Ils se déplacent si vite et si bien, en pleine perception de chaque son et de chaque matière alentour qu'il y a quelque chose de dérisoire à vouloir les capturer. » (p. 107) Pour trouver des réponses, Lorca se tourne vers l'armée et intègre un groupe de chasseurs d'élite dans l'espoir de retrouver sa fille. Parmi ses camarades, certains sont persuadés qu'il est possible de communiquer avec les furtifs. Au lieu de les attraper pour les disséquer, il faudrait les comprendre et les apprivoiser. D'autant que les furtifs semblent avoir la capacité de muter, d'assimiler leur environnement, et pourraient être la prochaine étape de l'évolution du vivant. Hélas, cette potentialité extraordinaire n'émerveille pas tout le monde et certains préfèrent encore et toujours se réfugier derrière la peur pour justifier l'éradication. « Je trouvais la crainte qui cerne, accule. L'effroi sobre d'être en face non plus d'animaux, mais d'une conscience qui nous assimile. D'une intelligence qui nous observerait vivre, tapie en araignée à l'angle mort d'un double plafond, goguenarde. » (p. 324)

Dans ce nouvel univers créé par Alain Damasio, les villes sont gérées comme des entreprises et les citoyens/consommateurs sont ultraconnectés (Lisez Novak et son Ai-Phone sur le même sujet...). Au premier abord, il s'agit surtout de leur offrir la meilleure expérience possible de leur environnement. « Une Intelligence Avenante logée comme une araignée de lumière au fond d'une base de données pense à eux, amoureusement, à chaque instant. Elle accueille sans se lasser le plus infime, le plus intime, le plus insignifiant de leur comportement, l'interprète comme un désir secret, pour un pouvoir y répondre, au bon endroit et au bon moment. » (p. 48) Sous couvert de personnalisation ultime, la manne des datas fait évidemment la fortune des consortiums. Et, évidemment, des marginaux refusent le traçage systématique et prônent des révolutions plus ou moins douces pour se réapproprier l'espace public. « Ils partent du principe que la ville doit être redonnée, réofferte. D'abord aux sans-abris, aux migrants, à tous ceux qui ne peuvent même pas se payer le forfait standard. » (p. 222)

La dédicace liminaire est des plus touchantes, et le reste du roman est à l'avenant : c'est une déclaration d'amour à la famille, d'un père à son enfant et à la mère de cet enfant. La déclaration sincère et viscérale d'un papa. « C'est fou la force de ce mot. C'est un coup de feu à bout portant avec une balle d'amour dans la bouche. Ça te dit que tu existes comme tu n'as jamais existé pour personne. » (p. 129)

Comme dans La horde du contrevent, Alain Damasio fait preuve d'une inventivité lexicale, syntaxique et typographique, entre jeux de mots et création d'un nouveau langage adapté à de nouvelles réalités. Mais même quand il glisse des néologismes ou des mots en langue étrangère, sans les traduire en bas de page, son discours reste fluide, sous réserve que le lecteur accepte de se laisser porter et de laisser le sens venir à lui. En se faisant furtive, en échappant au carcan de la langue, l'expression devient instinctive et follement dynamique. Ludique également, et c'est avec bonheur qu'on rebondit de paragraphes en dialogues, au gré des changements de narrateurs.

Les furtifs est au croisement parfait des deux premiers grands romans d'Alain Damasio. La horde du contrevent est une expression virevoltante de fantasy et La zone du dehors est une puissante et terrifiante démonstration de politique (science)-fiction. Ce nouveau roman a pris le meilleur des deux précédents – déjà excellents – et ouvre la voie d'une nouvelle littérature de genre : fluide, mouvante, bigarrée, hybride. « le furtif ne tue jamais : il fait vivre. Il métamorphose, oui, mais toujours pour y créer quelque chose de vivant... » (p. 16) Alain Damasio propose une philosophie sociale très riche et pertinente, de celles qui ne doivent pas être prises comme des manuels pour le futur, mais comme des mises en garde, tant qu'il est encore temps. « On ne peut plus faire un pas sans être tracé. Il y a comme un Parlement des machines qui décide dans notre dos. Nous sommes gouvernés par des algorithmes. Mais on ne décide jamais de leurs critères ! On ne discute pas du programme, ni des arbitrages qu'ils vont faire pour nous. Ce sont des boites noires. Ça nous rend dépendants. le système nous gère. » (p. 275) Les furtifs est pour moi l'aboutissement de ce que la culture populaire a produit de plus intelligent, et donc de plus terrifiant du fait de sa clairvoyance. Ce roman me rappelle l'excellent film de Denis Villeneuve, Premier contact, même si ses heptapodes ne sont pas vraiment furtifs, mais aussi l'incontournable série Black Mirror qui tire des sonnettes d'alarme qu'il serait temps que tout le monde entende.
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Du lourd, une brique, plus de 900 pages en format poche, un roman complexe d'un futur imaginaire pas si lointain.

Un roman qui demande de l'attention par ces procédés avec ses multiples voix identifiées par des .., des ), des / ou des ‘'. C'est parfois énervant, on se demande pourquoi c'est si compliqué, pourquoi l'auteur n'indique pas simplement le nom de l'interlocuteur.

Un texte qui requiert aussi une certaine flexibilité cognitive (ou une certaine indulgence), avec une torture de la langue, des lettres inversées, des jeux de mots et des expressions inventées. C'est parfois un sourire et parfois un retour en arrière pour s'assurer d'avoir bien lu.

Un roman qui traite de nombreux sujets :
- la technologie qui nous libère et nous rend esclaves de ses outils ou de ses plaisirs,
- le capitalisme et la privatisation qui prive la majorité pour privilégier la minorité,
- le contrôle et la liberté, le besoin de confort et de sécurité à concilier avec l'espace de poésie et de créativité,
- la politique qui utilise la peur pour garder le pouvoir,
- la science du langage et de la communication,
- les sons, la musique et les frissons qu'ils génèrent,
- l'écologie et la préservation de la nature,
et même l'attendrissement de l'enfance et le romantisme d'histoires d'amour.

Avec ce foisonnement, pas surprenant que le roman récolte des avis mitigés, car on y trouve facilement des sujets de désaccord ou penser qu'il y a trop de ceci ou de cela.

Pour ma part, j'ai adoré ce chatouillement de l'esprit qui vaut l'effort de lecture.
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Je sors de la lecture des « Furtifs » de Damasio : un sacré bouquin !!

Brillant, érudit, époustouflant, je ne sais plus très bien quel qualificatif employer.
Beaucoup de choses ont été dites déjà mais je vais tenter d'apporter ma petite pierre à l'édifice.

Pour ceux qui n'en ont pas entendu parler, et pour commencer, un mot sur l'histoire. Celle-ci tourne autour d'un trio : le père, Lorca Varèse, sociologue, désormais intronisé comme chasseur de « furtif », la mère, Sahar, «proferrante » c'est-à-dire professeure de rue, et la petite Tishka, leur fille de 4 ans, volatilisée du jour au lendemain.
Kidnappée ? En fugue ? Disparue ? Morte comme le croit sa mère ? La quête va être lancée.

Il y a aussi de nombreux personnages secondaires très sympathiques : Agüero, Saskia, et leur chef Arshavin, Nèr Arfet et Toni Tout-fou – tous prendront la parole dans ce roman principalement écrit à la première personne, au travers du personnage de Lorca.

Mais il y a aussi les « furtifs ». Qui sont-ils ? des créatures nées de l'imagination de l'auteur, des êtres doués de capacités mimétiques extraordinaires, aimant se cacher dans les angles morts de la vision, « métabolisant » animaux, végétaux et minéraux pour mieux se fondre dans leur environnement. Etranges et fascinants. Mais attention, tout être humain les ayant aperçus déclenche leur « céramisation », c'est-à-dire une forme de pétrification de leur corps qui empêche qu'on puisse les étudier. A l'image de la scène d'introduction où Lorca traque un furtif au travers du récit d'une chasse homérique. On évoluera au fil du temps, comme Lorca, petit à petit fasciné par ces créatures captivantes, qui sont aussi étroitement liés au son et à la musique.

On ne dira rien de la recherche de Tishka, qui n'est pas morte, mais qui a à voir avec les furtifs, pour ne pas « divulgacher » le plaisir des futurs lecteurs.

Mais on dira un peu plus de la lecture politique – au sens noble du terme – qu'on peut faire des « Furtifs ». Distopie révolutionnaire, nous sommes plongés dans un univers où tous nos faits et gestes sont tracés grâce à une bague que tout le monde porte, les villes sont la propriété privée d'entreprises capitalistes prédatrices, l'Etat est en faillite, l'ubérisation est partout.

« La science-fiction interprète et extrapole souvent des signaux faibles de notre temps. Dans ce cas, pourtant, j'ai rapidement eu l'impression de raconter le présent plutôt qu'un futur proche. » Dit Alain Damasio dans une interview.

Et pourtant « les furtifs » est plein d'espoir. Il rend hommage à tous les subversifs, à tous les zadistes et autres désobéissants civils qui s'opposent au système capitaliste prédateur. L'auteur prend clairement partie pour ces personnages qui s'opposent au système, avec des scènes épiques de batailles contre les forces de l'ordre sur l'île de Porquerolles.

Et puis « les furtifs » fait la part belle à la musique. Une autre scène, dans le décor de la ville de Marseille, voit une fanfare géante venir à bout de tanks et d'armes de défense de la police locale.

De l'utopie donc, certes, mais un sacré bouquin de 690 pages qui donne un bon coup à l'estomac. C'est brillant, intelligent et ça donne l'envie d'entrer dans l'arène, et ce n'est pas le moindre de ses mérites.
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2040, dans les smart cities bordant le Rhone, ces villes intelligentes volées aux habitants et où tous vos gestes sont pistés, subsistent des exclus, 'crochards' et 'vendiants', 'proferrants' enseignant à ceux qui ne peuvent se payer les écoles privées, groupes d'actions qui ont pris possession du ciel.

L'armée a missionné Arshavin et son commando pour capturer et utiliser un Furtif, genre d'écureuils si rapides qu'invisibles avec dans ce commando (côté joli mélo) Sahar et Lorca persuadés que la disparition de leur fille est liée aux furtifs.

Je kiffe grave la prose à Damasio, ça poétise chaud et coloré, ça invente sauvage, ça argote, ça raisonne vrai, ça fait smiler, c'est géant!
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Et voilà . Même si j'ai ralenti ma lecture sur la fin parce que je ne voulais pas le quitter , j'ai refermé ce livre et les voix de Tiska , Sahar , Saskia, Lorca  ...se sont tues . Ou peut être pas . Peut être sont ils là , autour de moi , dans les angles de la pièce , là où mon oeil ne peut les saisir …
C'est peu dire que j'ai aimé ce livre . C'est juste un « ovni » . On lit , on imagine , on visualise, on entends la musique , les voix , on participe , on rit , on pleure , on a peur , on est galvanisés . On réfléchit aussi ..Beaucoup et à plein de choses . J'ai savouré l'écriture , la manière de rendre vivants et réel chaque personnage , la richesse de la langue, la poésie qui s'en dégage mais aussi son coté militant , inventif .
C'est un livre à lire et à relire , encore et encore , pour en découvrir ou redécouvrir toute la richesse de ce qu'il contient .
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En 2040, l'État français a fait faillite. Certaines villes ont été rachetées, Paris par LVMH, Lyon par Nestlé et Orange par… Orange bien sûr.
Suivant leurs forfaits, standard, premium ou privilège, les Orangeois ont accès à une partie ou à toute la localité. Ils portent une bague où sont enregistrées toutes leurs données personnelles.
Beaucoup de gens se satisfont de cette vie où tout est conçu pour leur confort, confort échangé contre la liberté.
Les opposants à ce système rivalisent d'énergie et de créativité : des îles sont construites sur le Rhône, les toits sont aménagés et bien d'autres alternatives, que vous aurez plaisir à découvrir. Leur objectif : que les habitants se réapproprient leur ville.
La fille de Lorca, Tishka, quatre ans a disparu il y a deux ans. Persuadé que la disparition est liée aux furtifs, Lorca rejoint l'armée et apprend à les chasser.
Lors de la scène d'ouverture, il passe son examen final, qui consiste à attraper un furtif même s'il est invisible aux yeux des humains.
Examen réussi. Il intègre alors la meute de Agüero, Saskia et Nèr. Assez vite, Saskia propose une autre solution que les tuer : communiquer avec eux.
Il y a quelques longueurs, mais les rebondissements finissent par arriver. Une incroyable virtuosité de la part de l'auteur qui joue avec la typographie. Pas seulement une lecture, une expérience.

Lien : https://dequoilire.com/les-f..
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Le récit nous emmène en 2040, dans une France où l'État a fait faillite et les multinationales ont racheté certaines grandes villes.
Ainsi la ville Orange propose à ces citoyens des forfaits de vie.
En fonction de votre rémunération, vous aurez accès aux quartiers de la ville en temps illimité ou certaines plages horaires. Une vision très noire du futur où l'humain est un ensemble de données à exploiter.

Sahar et Lorca vivent avec leur fille dans un quartier de cette ville. Un soir, la gamine de 4 ans disparaît de sa chambre sans laisser de trace. Dans un monde hyper contrôlé où chaque geste d'un individu est analysé, cette disparition interroge beaucoup. A commencer par le père qui se tourne vers l'armée dans l'espoir d'en apprendre plus sur une légende urbaine, susceptible d'expliquer la disparition de sa fille : les furtifs, des êtres invisibles qui vivraient parmi nous sans que personne n'ait jamais pu les voir et qui échappent à tout contrôle et toute donnée.

Alain Damasio a un style difficile à suivre. de réflexions philosophiques sur la condition humaine et le rapport de l'homme a sa quête désespérée de bien-être, en verbiage qui lui est propre, il faut s'accrocher sur certains passages pour ne pas être tenté de sauter des lignes ou risquer la migraine.
Il écrit au couteau et tranche dans le vif.
Il joue avec les mots et donne le vertige au lecteur.
Tout comme dans la horde du contrevent, il ne citera jamais les personnes qui prennent la parole. Pour un roman polyphonique, c'est assez déconcertant. le lecteur devra mémoriser les glyphes qu'il propose en début de paragraphe sur le premier mot lorsqu'un nouveau point de vue est énoncé.
L'encyclopédie de Diderot et d'Allembert version Damasio.
Il faut suivre.

L'auteur s'intéresse au mouvement, au langage, à l'écriture, à nos choix de vie. Tantôt il se moque des penseurs tantôt il les défend mais laisse toujours au lecteur un sentiment de perplexité.
Il interroge le lecteur sur son devenir dans un monde où l'être humain n'est qu'une somme de données et nous encourage à rester maître de nos choix de vie. Son récit résonne comme un cri d'alarme envers la surconsommation de bien-être et alerte sur les dérives possibles de l'abandon du commun au profit de l'individuel. Il alerte également sur la tentation d'un pseudo cocon virtuel tissé par la technologie.

Rien de neuf dans ces propos mais la façon dont il distille ses mises en garde est originale. En opposant une nature sauvage et indomptée et des êtres hors de nos paramètres à une société sous constante influence d'un modèle de vie selon nos données de consommation, il rappelle au lecteur que le libre arbitre et la libre pensée restent un combat à mener au quotidien. Non par la résistance au changement mais à contraindre le changement à s'adapter à la nature humaine dans sa globalité et non au seul profit individuel.

Un très bon moment de lecture accompagné toutefois par moment de paracétamol.
Ca pique un peu les yeux.
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Prenez comme fil conducteur un thème mille fois traité en littérature - la disparition d'un enfant - et confiez-le à Alain Damasio. En près de 700 pages, il vous réinvente le monde, en tisse toute la toile sans jamais perdre le fil. J'ai apprécié d'autant plus ce tour de force de l'artiste qu'on n'est pas dans un univers épique comme dans la horde du contrevent. Alain Damasio ancre son récit dans nos villes à peine plus futuristes qu'aujourd'hui. ça fait peur, ça fait réfléchir, ça fait réagir. Entre espoir, inquiétude et désespoir, il nous balade et nous bouscule.

Il y aurait énormément à dire sur le contenu tant le livre s'appuie sur les mouvances et frémissements actuels de nos sociétés pour nous montrer ce qui nous attend peut-être demain. Ce qui est sûr, c'est que vous aurez de quoi nourrir votre réflexion sur l'avenir que vous souhaitez. Mais je ne veux pas gâcher votre découverte. Un roman d'Alain Damasio, moins on en sait au départ, plus on l'apprécie. Il faut se laisser porter, emporter de découverte en surprise, d'ennui parfois en admiration souvent.

Sachez juste que j'ai retrouvé avec plaisir ce qui m'a plu dans la horde du contrevent : une imagination débordante, une typographie particulière, des personnages travaillés au verbe fort et tout "damasien". Je regrette toutefois le nombre de paragraphes touffus auxquels je ne comprenais plus rien et les excès répétés dans les jongleries de langage.

Pourquoi cinq étoiles alors malgré ces quelques réserves ? Pour trois raisons ... La première c'est que j'aurais bien mis 8 étoiles à la horde du contrevent si le système l'avait permis. La seconde, c'est que soutenir un auteur qui n'a pas peur de sortir des sentiers éditoriaux consensuels, des codes figés de la narration, de la langue, de la typographie, c'est déjà en soi résister à la globalisation.

Et puis, la dernière, plus furtive, c'est qu'il a quand même réussi à m'émouvoir avec un "truc invisible".

Bon voyage en alter monde.
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"Aucune enfant nulle part n'a jamais disparu d'un appartement du cinquième étage d'une tour en disant la veille à son papa qu'elle allait partir avec des furtifs ! Aucune. Il n'existe pas un fait divers, pas même un roman ou une fiction, pas un film, pas un livre pour enfants qui aient cette trame débile ! Tu es un génie à ta façon, peut-être, un génie créatif. Mais personne ne te suivra jamais dans ce délire."

Perso, je l'ai suivi aveuglément.
Bon... pas grâce à la trame "débile", mais grâce à ce texte démentiel qui recoupe plusieurs niveaux de lecture.

Tellement d'ouverture sur les langages.
Un panel large de jargons utilisés : de l'univers d'un hardcore gamer à de la poésie en passant par du vocabulaire désuet.
L'extravagance et le conventionnel.
Un mélange détonnant qui ne manquerait pas d'interpeler certains membres De l'Académie Française.
Alain Damasio joue et se joue des mots. Il exploite leur musicalité à fond et nous amène de ce fait à intégrer naturellement que les sons eux-mêmes peuvent être une forme de langage à proprement parler.

Une graphie qui, en plus d'être unique pour chaque personnage, témoigne du niveau d'imprégnation/communion du personnage avec le milieu qui l'entoure.

Une dystopie qui nous alerte sur les dangers du virtuel et du tout-connecté. Sur les dangers de ce que serait une ville privatisée.
Qui nous parle de modes de vie alternatifs.
En citant Gilles Deleuze et J. R. R Tolkien.
Ouvert, j'vous dis.

Ode à la nature, aux liens sociaux, à la musique.
Ode au vivant.

"Les furtifs" ou quand tu réalises que ton imagination fertile est pâlotte.

Un livre-objet qui bouscule les frontières de la littérature et qui ne manque pas de faire frissoner.

- "Tu te sens prêt, Lorca ?
- Absolument pas...
- C'est précisément ce que j'appelle être prêt. Cet état d'incertitude fragile, ouverte, qui rend disponible à l'inconnu."
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