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Critique de Boubouddha31


1976, Mayville, Floride. Ora Lee Beckworth est veuve, elle approche la soixantaine, et partage le plus clair de son temps avec Blanche. Cette dernière est une employée de maison travailleuse, honnête, franche et efficace qui pourvoit tant bien que mal aux besoins de ses filles et de son fils Marcus. Si la relation entre Ora et Blanche est régie par une hiérarchie dictée par le statut social et la couleur de la peau (Blanche est afro-américaine, la ségrégation raciale est encore trop largement tolérée aux USA), les deux femmes entretiennent pourtant des rapports indéniablement proches de l'amitié, sans qu'ils puissent réellement s'exprimer ainsi.
La vie dans cette maison pavillonnaire suit un cours langoureux, calme, à la monotonie doucereuse.
Ora est donc veuve depuis peu, elle approche la soixantaine. C'est une femme gentille, attentionnée, qui cherche à aider la communauté, mais elle se pense également un peu austère. Elle regrette certains pans de son cheminement personnel, et porte en son sein une culpabilité importante sur bien des sujets : le fait qu'elle ne se soit pas réellement accomplie en tant que femme ayant obéi aux conventions sociales de l'époque, le constat qu'elle doive son aisance matérielle au travail et à la réputation de son défunt mari, le questionnement qu'elle se pose sur les motivations de sa générosité envers la famille de Blanche ou des plus nécessiteux.
Un jour, sur un coup de tête emprunt de bienveillance, et contre l'avis du voisinage, Ora décide de faire appel aux services de M. Pécan (de son véritable nom Eldred Mims) afin de prendre soin de son jardin et de faire un peu de bricolage dans la maisonnée. Eldred est un vieil homme marginalisé qui vit dans un bois situé non loin du quartier où réside Ora. Discret, besogneux, poli, il fait consciencieusement le travail pour lequel il est payé.
Une certaine routine s'installe tranquillement jusqu'au jour où un drame survient. Il va impliquer principalement Ora, Blanche, sa fille Grace, son fils Marcus, M. Pécan, et Skipper Kornegay qui n'est autre que le fils du shériff de la ville. Ce dernier est en effet retrouvé assassiné de plusieurs coups de couteaux dans les bois, non loin du lieu où réside Eldred Mims alias M. Pécan. Quelques-jours auparavant la vie d'Ora et de Blanche avait basculé dans l'horreur et la stupéfaction quand elles découvrirent que Grace, petite enfant si innocente, avait été violée dans le même bois, alors qu'elle se rendait chez Ora afin d'y retrouver sa mère.
Replongeant dans sa mémoire Ora nous livre tous les détails de cette triste affaire, et les implications de chacun des personnages, au coeur d'une société malade de son racisme, dans une petite ville de Floride où presque tout le monde se connait, où l'égo, la réputation et la jalousie font face à la solidarité, à la compréhension et à la tolérance.
Cassie Dandrige Selleck nous livre une histoire poignante, bien évidemment révoltante, mais emprunte de sentiments positifs également. Cette auteure dépeint avec réalisme le quotidien d'une petite ville américaine des années 70. Si les descriptions restent sommaires, si parfois on pourrait regretter l'absence de certaines précisions ou d'une certaine forme de poésie, on ne peut que constater que les protagonistes sont attachants et disposent tout de même d'une certaine épaisseur. J'ai perçu dans cet ouvrage une pudeur bienfaisante, une simplicité authentique, qui sied à la narration de ces destins entremêlés. le tragique côtoie le bonheur simple, et même si j'ai tendance à apprécier des plumes plus contemplatives ou oniriques, La Couleur du Silence a su me séduire par son dépouillement : Cassie Dandridge Selleck va à l'essentiel, sans fioritures.
La Couleur du Silence est, à mon sens, un livre agréable à parcourir, manquant d'un soupçon de profondeur dans son intrigue, mais qui ne peut pas laisser indifférent : Ora, Blanche et sa famille, Eldred, ainsi que les autres protagonistes plus secondaires, nous rappellent sans cesse à notre propre code moral, à nos propres failles, à nos faiblesses, mais aussi à nos forces, à nos valeurs.
Je tiens à remercier Babelio et les éditions du Seuil pour m'avoir fait bénéficier du livre grâce à une Masse Critique.
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