Regardez un Anglais manger. C'est à peine si vous voyez son bras remuer. On dirait qu'il ne mange pas (peut-on dire dire, d'ailleurs, qu'il mange ?) et que ses aliments sont portés au palais par l'Intelligence Service. Il y aurait un planisphère du geste à dresser. On verrait que le bras humain, immobile à Bornemouth commence à bouger à Calais, s'agite à Paris et tourne frénétiquement à Rome, où il devient l'hélice de la pensée.
Les Anglais ont des rites pour le thé et des habitudes pour l'amour. Les Français prennent pour l'amour les soins que nous réservons au thé.
Il faut cependant leur rendre cette justice : ce sont les champions de "l'Après vous, je n'en ferai rien."
Les Français, qui, on l'a vu, consacrent une partie appréciable de leur journée à la poignée de main, passent également un temps considérable à se prier réciproquement d'entrer dans leurs maisons. Les uns prient les autres d'entrer, les autres jurent qu'ils n'en feront rien. Les premiers disent : "Moi non plus." Et, de fil en aiguille, les Français ont passé (environ) trois siècles et demi depuis Charlemagne sur le pas de leurs portes. On est même étonné d'en trouver quelques-uns chez eux.
« La plupart des automobiles du monde marchent à l'essence. Les autos françaises marchent au klaxon. Surtout quand elles sont arrêtées. »
« Les parents français sont plutôt vexés si leur fils ne donne pas des signes d'intelligence précoce. Les Anglais sont inquiets s'il en manifeste. »
Il y a, au fond de beaucoup de Français, un Fangio qui sommeille et que réveille le simple contact du pied sur l'accélérateur. Le citoyen paisible qui vous a obligeamment invité à prendre place dans sa voiture peut se métamorphoser sous vos yeux en pilote démoniaque. Jérôme Charnelet, ce bon père de famille qui n'écraserait pas une mouche contre une vitre, est tout prêt à écraser un piéton au kilomètre pourvu qu'il se sente dans son droit.
Il n'est pas interdit de penser que si l'Angleterre n'a pas été envahie depuis 1066, c'est que les étrangers redoutent d'avoir à y passer un dimanche.
Pour en revenir aux Parisiens adultes, ils seraient à peu près compréhensibles pour un Anglais si beaucoup d'entre eux ne se croyaient obligés de truffer leurs phrases de mots anglo-saxons qui font bien pour les Français, mais mal aux Britanniques.
Le bricolage consiste essentiellement à fabriquer avec de vieux débris, et au prix d'un labeur acharné, des articles que l'on trouve tout neufs et à bon compte dans le commerce courant.
- Pensez donc !... Mais ils s’en fichent, madame ! Ils se fichent du tiers comme
du quart…
- Sauf du tiers provisionnel… intervint M. Taupin (pas mécontent du tout).
- Bien sûr !
- Pourvu qu’on paie !...
- Ils se f… du reste ! ...
- Si on avait un gouvernement…
- Il y en a un, mais c’est comme s’il n’y en avait pas.
- Ce qu’il nous faudrait, c’est un gouvernement qui gouverne…
- Vous en demandez trop !
- Un homme à poigne…
- Je te balancerais tout ça ! Un bon coup de torchon !
- En attendant, ils sont là !
- Je pense bien ! Et ils y restent !
- Ils ne pensent qu’à s’en mettre plein les poches !
- L’assiette au beurre !
- Et les voyages aux frais de la princesse… Vous avez vu cette soi-disant
mission parlementaire en Afrique noire ?... Pfuit ! Qui est-ce qui paie tout ça, je vous le demande un peu ?
- C’est nous !
- C’est vous !
- C’est moi !
- Mais bien sûr ! Ah ! non, ils y vont fort ! Quelle honte ! Notre beau pays !
- Si riche !
- Et qui ne demande qu’à marcher !
-Ils finiront bien par le mettre à plat !
- Ils en seraient capables !"
— Le piéton américain qui voit passer un milliardaire dans une Cadillac rêve secrètement du jour où il pourra monter dans la sienne.
— Le piéton français qui voit passer un milliardaire dans une Cadillac rêve secrètement du jour où il pourra le faire descendre de voiture pour qu'il marche comme les autres.