Le narrateur, Paul, rencontre pour la première fois sa tante à l'enterrement de sa mère.
Alice était simplement un prénom. Elle était une ombre lointaine qu'il avait oubliée. Aujourd'hui, elle a soixante-treize ans, et son regard, son sourire, sont si doux.
« C'était un jour d'automne comme on en voit plus souvent au cinéma qu'en novembre. Il avait plu la veille et la lumière du soleil, ce matin-là, en traversant l'air chargé d'humidité, n'était pas une abstraction scientifique ou poétique mais quelque chose de somptueux et d'émouvant que l'on aurait pu toucher du bout des doigts, au même titre que les feuilles rouges et rousses qu'elle faisait briller dans les arbres entourant le cimetière du village. Alice est venue vers moi… »
Paul et Alice se donne rendez-vous le lendemain soir pour faire connaissance. Elle commence alors à lui raconter son extraordinaire vie. Les lettres qui donnaient de ses nouvelles étaient rares et particulières, elles avaient le cachet de toutes les contrées qu'elle traversait ou habitait. Avec son accent anglais, elle est beaucoup plus exotique que sa soeur Mady, plus volubile, pétillante… affranchie.
Paul a déjà écrit un livre, elle l'a lu et aimé. Voudrait-il prendre des notes et ainsi entamer un nouveau roman ? Elle est seule, d'un âge qui a peur d'oublier, et elle a tant à dire !
Ses maris, ses amis, les facéties du destin, les terres qu'elle a foulées, les ambiances, les époques, l'amour qu'elle a reçu, qu'elle a donné… elle dévoile avec générosité les richesses de sa vie, car de ses nombreuses peines, il en est toujours ressorti des grâces.
Jour après jour, à l'occasion d'un dîner, Paul écoute, plus admiratif que la veille. Peut-on dire aussi plus aimant ?
Juillet 44, Alice est follement amoureuse de Pierre l'instituteur du village et ils ont décidé de se marier. Un nuit, une explosion anéantie ses rêves…
Revenir d'un cauchemar, c'est une sorte de résurrection. Alice n'a que dix-sept ans lorsqu'elle s'abandonne à son deuil douloureusement. Elle en prend conscience, un matin, en même temps que le soleil. La lumière pénètre la chambre et éclabousse la pièce.
Ce passage du roman est beau. Simple et chaud. Il commence ainsi l'histoire des vies d'Alice.
J'avais déjà lu
Francis Dannemark avec son livre «
La véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis » et j'ai retrouvé dans ce roman la noblesse des âmes.
La première fois que j'ai lu le titre, j'ai souri, sans ironie mais avec sympathie. Il faut avouer qu'ils sont originaux !
« Histoire d'Alice qui ne pensait jamais à rien »… c'est faux. Alice pense et parfois, elle évite car ça fait trop mal.
Après Pierre, il y a eu Henri et le Canada. La mémoire se meurtrit de nouveau. Et Sydney, un anglais nanti d'une mère merveilleuse Maggie qui sera sa meilleure amie. Et Wilbur, l'Italie, l'Australie, Pietro, retour en Italie, Nick, l'Amérique, le jazz, les années soixante, Londres, La Tamise, une passion avec Ethan, Bill, la méditerranée, retour en Amérique, Vincent, de la France à l'Inde, Swami, de l'Inde à l'Angleterre…
Alice a une force incroyable, elle se construit et évolue dans les drames. On peut alors penser que ses maris sont des anges venus la consoler. Elle le dit à Paul, elle se nourrit de leur amour et leur amitié, car ils sont tendres avec elle, bienveillants, et elle les rend heureux, se dévoue, les aime intensément.
Il y a beaucoup de communion et de partage dans ce roman.
Chaque chapitre est une histoire du nom de celui qui passe. C'est doux, fin, spirituel, coquin, et sans pesanteur. Alice a beaucoup d'élégance, elle est comme le champagne, et lorsqu'elle rougit timidement à quelques souvenirs amoureux, elle est une vraie jeune fille.
Comment ne pas l'aimer ?
Je vous conseille ce petit livre plein de dynamisme et d'optimisme. Vous passerez un doux moment de lecture. Et vous verrez… Alice arrive encore à nous surprendre à la fin…