Quel meilleur auteur de polars que
Frédéric Dard pour satisfaire cet étrange besoin de lecture où la noirceur de l'homme et celle de la mort se côtoient dans cette danse macabre aussi effrayante qu'elle semble paradoxalement attirante ?
Pour m'entraîner dans ce ballet des sorcières tournoyant autour du chaudron maléfique, j'ai choisi -
Délivrez-nous du mal -.
Ce roman met en scène deux condamnés à mort enfermés dans la même cellule du quartier de ceux dont la tête ne tient plus qu'au fil d'une grâce improbable.
Il y a face à face Ferrari, un gangster qui a tué un flic lors d'un hold-up et Charles Blondoit, un industriel aisé dont on ignore au début de l'ouvrage la raison de sa présence dans un tel lieu.
Une nuit aux environs de trois heures du matin Charles est réveillé par ce qui sont d'abord des bruits étouffés dans la cour de la prison.
Il réveille Ferrari qui dort d'un sommeil profond.
Les deux détenus écoutent ces bruits et réalisent que la dernière heure de l'un des deux est arrivée.
Dans la cour on s'affaire à monter " la bascule à Charlot ", "la veuve", la guillotine.
L'un et l'autre se retrouvent face à eux-mêmes.
Lequel des deux la justice a-t-elle choisi de châtier dès l'aube venue ?
Confrontés à leur peur chacun des deux s'interroge, se persuade, doute, attend.
Durant cette attente insoutenable Charles se souvient...
Entrepreneur prospère, il vit à Garches une existence bourgeoise et heureuse auprès de Gloria sa jeune et belle épouse dont il est éperdument épris.
Il aime la chasse.
Gloria ne partage pas cette passion.
Charles a l'habitude de s'absenter le week-end pour s'adonner avec ses amis à ce "sport".
Or un incident va faire que l'un de ces week-ends va être écourté.
Samedi soir... Charles qui ne devait rentrer que tard le lendemain est de retour chez lui avec vingt-quatre heures d'avance.
Ces vingt-quatre heures vont changer sa vie.
Le hasard va lui faire découvrir que Gloria le trompe.
Elle a un jeune et bel amant.
Le monde de Charles s'écroule.
Il retourne à Paris, erre, puis s'installe dans un bistrot.
Le mari trompé va faire de sa souffrance un instrument de
vengeance.
Souffrance pour souffrance, il se meut en maître chanteur et torture les amants.
Le plan ourdi par le trompé va petit à petit lui échapper et se retourner contre lui...
La structure narrative du roman est donc fondée sur l'alternance entre la cellule où les deux hommes enchaînés attendent... les préparatifs de mise à mort de l'un de ces deux condamnés, et en parallèle le déroulé de l"histoire d'amour et de
vengeance entre Charles et Gloria.
Deux histoires inexorables dans deux temps et deux univers différents (?).
La mécanique de Dard est implacable, son engrenage infernal est parfaitement maîtrisé, huilé, précis.
L'auteur est autant à l'aise dans l'argot que dans la langue de
Molière.
Son sens de la formule fait mouche à tous les coups.
Mieux qu'un simple polar... 187 pages où Dard is Dard !!!