Jean Maubard est tout destiné pour
l'épaulette, symbole du grade d'officier de l'armée. Son père est un colonel français, sa mère est prussienne, mais toute la famille est de tradition militaire. Aubaine formidable, la guerre franco-prussienne éclate. L'armée française part en pavoisant, se fait soigneusement mettre en pièce, et revient juste à temps à Paris pour tirer sur les communards, coupables d'avoir eu l'outrecuidance de résister plus longtemps face à l'ennemi que leur armée officielle.
Dans la foulée, l'Empire a été remplacé par la troisième république. Beaucoup de choses changent, mais principalement les opinions politiques des puissants, qui, de fiers défenseurs de l'empereur, deviennent d'ardents républicains. Et conservent leur poste : on ne change pas une équipe qui gagne.
Jean Maubard finit par obtenir son épaulette, et découvre l'envers du décors. Tous les lâches et les traîtres de la dernière guerre ont été gradés, ceux qui se sont battus dégradés ou fusillés : trop encombrants. Les promotions passent principalement par les appuis aristocratiques ou politiques. le service militaire obligatoire broie les citoyens qu'il est censé former : « A la caserne, on fait d'eux des machines, des abrutis, des larbins, tout excepté des soldats. » On crie haut et fort à la préparation de la « revanche » tout en vidant les caisses de l'état. Les gradés, qui se sont rendus sans combattre à la dernière guerre, n'hésite pas par contre à tirer sur les grévistes.
L'armée et les politiques sont finalement deux faux ennemis : malgré les petits complots, ils s'organisent main dans la main, s'échangent honneurs immérités et pots-de-vin, et font de l'hypocrisie la règle de toute conduite. Tout ça à l'encontre du petit peuple, qui paie les pots cassés et acclament les héros qui le dirigent.
L'épaulette est un régal à lire, tant au point de vue du style, percutant et incisif, que pour les comportements qu'il dénonce. Darien est un auteur qui mériterait largement d'être remis au goût du jour.