Dès les premières lignes, même si l'action ne se déroule pas en Algérie, mais dans Paris, le style, le vocabulaire, les situations décrites, les habitudes des personnages, évoquent de façon très concrète et très précise l'ambiance de la France des années 1960.
Moi-même, arrivé en France en 1962 à l'âge de dix ans, j'ai été frappé par ce pays si différent de l'image que nous en avions, des villes entourées de bidonvilles, les bistrots louches, la présence des prostituées, tout cela est très bien "rendu" dans les mots utilisés, et la façon de les utiliser.
L'histoire et les personnages ne tombent jamais dans la caricature (exceptée peut-être le gavage du juge à l'encre violette mais c'est drôle et sans impact sur la suite) les personnages sont tous crédibles et sont très plausibles dans le contexte décrit, j'ai retenu notamment l'histoire de l'industriel Vandekerkof, situation très fréquente dans les années 1960, de ces industries qui ne peuvent plus suivre et disparaissent.
L'idée force de l'histoire, il y a une violence institutionnelle (entre politiques des deux bords, entre armée et FLN, entre OAS et police, entre armée et FLN etc...)
mais au-delà, ces affrontements institutionnels peuvent générer des réactions émotionnelles, irrationnelles, qui bien que s'inscrivant dans un contexte s'en détachent malgré tout.
Le personnage de Jeanine Thion s'inscrit dans cette logique et nombre de pieds-noirs, sans aller jusqu'à prendre les armes, et à commettre l'irréparable, sont dans cet état d'esprit, ni OAS ni Gaullistes, ni FLN, encore moins supplétifs du FN, comme souvent l'opinion française a voulu les y réduire, même encore maintenant.
Le dernier chapitre, la dame blanche, sonne très juste, il a le mérite de ramasser en 20 pages, la complexité d'une situation qui a dégénérée, d'en expliquer les causes et les conséquences, d'en mesurer les effets sur les motivations de Jeanine, j'ai retrouvé des situations vécues à notre arrivée en France, la bronca organisée à Marseille par les dockers, la disparition de la machine à coudre de ma mère, l'incompréhension des français de base sur qui nous étions,
(j'ai moi même été traité de semi-bicot par mes nouveaux camarades d'école, mes parents en étaient choqués, eux qui avaient eu six frères enrôlés en 1942 dont un mort en Alsace en 1945 à l'âge de 20 ans),
Les références dans ce chapitre sont toutes très bien documentées et parlent vrai.
Bravo pour ce premier roman que je recommanderai pour avoir une approche différente de la guerre d'Algérie et de ses conséquences.
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Une intrigue bien menée, qui se situe dans un Paris des années 60 encore meurtri par les années de guerre, mais aussi par l'après-guerre d'Algérie et le retour des pieds noirs et des rapatriés. Ces rapatriés qui se sentent étrangers en « France » car nés en Algérie, leur terre, mais également ces rapatriés que l'on rejette.
Cinq hommes ont été assassinés, avec la même arme, aucun lien entre eux, aucun mobile apparent, aucune piste. L'inspecteur Claude Fourrier mène l'enquête, mais les pistes à suivre sont bien trop minces. Tous les moyens sont bons pour avancer dans la résolution de cette énigme. Même faire appel à Djoko le médium, sur les conseils de Mado la pute au grand coeur, dans cette ambiance de banlieue triste et pauvre, où les voyous côtoient les prostitués et les ouvriers, dans les rues austères, ou dans les bars mal famés.
Mais ces meurtres cachent-ils une action de l'OAS, ou bien une vengeance inassouvie depuis les années noires de la guerre et des massacres en Algérie ? rien n'est sûr, car tout est possible. L'inspecteur cherche, et trouve, une issue bien étrange et qui va bien avec le côté décalé et parfois pathétique de ces désespérés en mal de repères.
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Ce polar de Dario nous plonge par son style, son ambiance, ses personnages, son intrigue dans l'histoire du vieux Paris dans le 18ieme de façon très réussie et intime;
On s'y croit.
Le langage imagée en particulier des personnages de l'intrigue historique style " argot titi parisien" est de ce point de vue particulièrement réussi
J'ai adoré ce livre de Dario
Bravo !
Quand le prochain?
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Avec ce premier roman très documenté, Dario, sans doute un brin nostalgique, nous transporte dans le Paris des années 60.
Des personnages hauts en couleur, une ambiance sombre bien retranscrite, une écriture très typée bien qu'également ardue, due au langage argotique d'époque employé. Je ne suis pas une adepte des romans policiers mais il faut avouer que l'auteur a résolument beaucoup de talent.
J'attends le prochain avec impatience.
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J'ai bien cru croiser Mado au petit-Mulhouse, moi qui habite à deux pas... à Pigalle. Bien menée l'enquête de Claude Fourrier. J'ai failli avoir la mâchoire qui se décroche à certains passages. En tant que lecteur, j'ai été ému par la profonde nostalgie que dégage ce roman. Et le coupable... qui l'eut soupçonné? Joli coup d'essai, bravo l'artiste.
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Suivant vos conseils, j'ai acheté le livre la semaine dernière pour compléter ma collection de polars (Je ne lis que ça), et je viens juste de le terminer, j'ai beaucoup aimé. Je félicite l'auteur, et j'en profite pour lui demander une suite s'il lit cet avis ! Alors Dario, pour quand le prochain ? ;) Merci à tous
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J'ai lu d'une traite ce récit qui se déroule au lendemain de la guerre d'Algérie. Il m'a bouleversé en tant que pied noir car Dario lève le voile sur des faits, des comportements que les médias se sont plu (et se plaisent encore) à oublier. La restitution historique est très bien documentée et l'intrigue s'en nourrit. C'est l'histoire d'une vengeance dont les fils se nouent et se dénouent dans les pas de l'inspecteur Fourrier, personnage attachant qui n'a pas dompté tous les démons de son enfance.
Francise56
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