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Critique de NMTB


NMTB
15 septembre 2016
Le livre est intéressant d'abord comme n'importe quel journal de voyage. Darwin ne fait pas que des observations scientifiques, il s'émerveille de ce qu'il voit, raconte ses aventures (révolutions, guerres, tremblements de terre, raz-de-marée) avec, il faut le dire, un flegme tout britannique. Surtout il donne son avis personnel, fait part de ses interrogations et de ses hypothèses.
Un des passages que j'ai préféré est son périple dans la Pampa. Elle n'avait rien à envier au Far-West des Etats-Unis à l'époque. Les paysages désertiques, les bivouacs à la belle étoile avec la selle en guise d'oreiller, les vautours qui planent sinistrement, les Gauchos à cheval, armés de lassos et de leurs fameuses bolas, les bandits, les ranchs, les guerres indiennes d'extermination, les forts et la cavalerie avec le général Rosas, même les noms de lieux : le rio Colorado, Santa-Fe… on se croirait dans un western !
Darwin, comme il écrit très librement et pas seulement comme un naturaliste, donne aussi l'occasion de s'interroger sur son éthique à propos de plusieurs sujets et sa vision politique, lorsqu'il était encore jeune homme. Il évoque à plusieurs reprises ses idées sur l'organisation sociale : la civilisation se développe avec le sentiment de propriété, cela s'accompagne d'inégalités et de l'apparition d'un chef, et une bonne organisation de la société implique un chef puissant et des inégalités croissantes. C'est intéressant, parce qu'il mêle tout un système de pensées politiques basées sur des observations ethnologiques, tout à fait cohérent, que je résume mal et dont j'omets d'autres aspects. Je ne sais pas trop quoi en conclure sur ses idées par rapport à des sociétés plus complexes. J'ai l'impression qu'il était quand même Anglais jusqu'au bout des ongles, et qu'il voyait probablement la monarchie parlementaire comme le summum de la civilisation. En tout cas il n'idéalisait ni l'état de nature, ni l'état de civilisation.
Mais c'est surtout le journal d'un naturaliste, et pas n'importe lequel. Une majeure partie du livre est bien sûr réservée aux observations biologiques, géologiques ou paléontologiques. Il constate que des animaux introduits par les européens se sont adaptés à leur nouvel environnement (les hommes chassaient énormément mais ils n'avaient pas encore détruits beaucoup d'espèces, en tout cas pas directement), il s'étonne de certaines similitudes entre des espèces très variées, sans pousser la réflexion plus loin et il se demande aussi dans quel but des animaux qui lui paraissent insignifiants ont pu être créés ! Il s'interroge sur la disparition de grands quadrupèdes, il remarque que la disparition de telle algue entraînerait la transformation de tout un écosystème, que tel boeuf en raison de la forme de sa mâchoire supporte moins bien les sécheresses que ses congénères, etc.
Pour l'anecdote, et pour montrer où en était la science à cette époque, il est intéressant de noter qu'aussi savant et consciencieux observateur que fut le jeune Darwin, il ignorait beaucoup de choses qui sont devenues évidentes pour nous, comme la tectonique des plaques, et quand on y songe c'est peut-être ce qu'il y a de plus surprenant dans ce journal. Il n'envisageait pas du tout que la croûte terrestre puisse être soumise à des mouvements horizontaux, il ne pensait qu'en terme de verticalité. C'est amusant. On se retrouve aujourd'hui en lisant ces lignes un peu dans la même situation que lui face aux paysans sud-américains qui ne savaient pas que la terre était ronde et tournait autour du soleil. Tout ça incite à une très grande humilité.
En même temps, il était aussi capable d'émettre une théorie sur la formation des atolls très convaincante, ce qui prouve qu'il avait déjà des prédispositions et un esprit inventif. Il explique aussi que les conditions d'un voyage autour du monde sont favorables à la théorisation. Un voyage formateur, donc.
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