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Critique de kielosa


Fleuristes et économistes, voilà enfin un livre pour vous ! Peut-être une drôle de combinaison : flore et gain, mais il s'agit du passé mouvementé d'une fine fleur : la tulipe, qui a fait l'objet d'une spéculation effrénée et a provoqué ainsi la première crise économique et financière de notre histoire.
Lors de mes études, j'en avais vaguement entendu parler, mais les informations étaient disparates et me semblaient plutôt fantaisistes. C'est le grand mérite de Mike Dash de présenter ici un ouvrage, basé sur des solides recherches, et pourtant parfaitement accessible au grand public.
La Tulipomanie ou le récit de l'appât du gain et d'une sévère punition.

C'est aux Pays-Bas au XVIIe siècle que cet étrange phénomène s'est produit. Pour être plus précis, au cours des années 1633-1637, de riches marchands hollandais se sont lancés dans une spéculation financière, sans précédent dans l'histoire de l'humanité, d'un seul produit, non pas d'or, de diamants ou d'autres pierre précieuse, mais de la fleur nationale : la tulipe d'Amsterdam ! Mike Dash explique dans son ouvrage qu'il est impossible de convertir en euros les sommes astronomiques payées par ces businessmen, mais compare ces sommes avec le prix d' autres articles et des salaires de cette époque. Ainsi, un charpentier qualifié aurait dû travailler presque 21 ans pour pouvoir s'offrir un seul super bulbe de tulipe !

Comment interpréter cette bizarre tulipofolie ? Purement et simplement comme de la folie à l'état pur ? Ou convient-il, au contraire, d'adopter un jugement d'économiste ? Personnellement, je crois qu'il y a de la place pour les 2. D'une part, il y va incontestablement de la manifestation de ce que Charles Baudelaire a qualifié de "pauvre espèce humaine", de gens qui croyaient fermement pouvoir se permettre leur coin de paradis en achetant et revendant aussitôt, avec un bénéfice net de rêve, une belle tulipe d'Hollande. D'autre part il y la loi économique de l'offre et de la demande : tant que la demande dépassait si énormément l'offre, pourquoi ne pas s'y risquer ? Après tout cela se passait en plein Siècle d'Or des Pays-Bas, à un moment donc où Amsterdam, un siècle avant la City de Londres, était lé centre financier de la terre et d'une remarquable richesse culturelle avec Rembrandt et Vermeer. En plus, les 'joueurs' principaux étaient de riches bourgeois austères qui, imprégnés d'un calvinisme rigoureux, trouvaient indécents à afficher l'opulence ou la réussite des sous.

Ce qui devait arriver, arriva évidemment. Tout de suite après une vente aux enchères à Alkmaar (une petite ville au nord d'Amsterdam), le 5 février 1637, où tous les records de prix furent battus, la bulbe explosa, le marché explosa et les richissimes se trouvèrent soudain à la dèche.

Un peu le même scénario qu'en 1989, avec la cotisation de certaines actions tout à fait au-dessus de leur valeur réelle, notamment les actions de certaines compagnies opérant sur le net. Et plus près de nous, les abus de crédits fonciers et spéculations impardonnables de banques americaines et la crise de 2008, sous la présidence exemplaire du fiston Bush !

Avant d'entamer la Tulipomanie proprement dite, Mike Dash, nous trace l'histoire de la fleur, qui, bien entendu n'est pas d'origine hollandaise du tout. Elle nous vient des régions sauvages du Pamir (le toit du monde en russe ) en Afghanistan actuel et de la province chinoise de Tien-shan (montagnes célestes en français). Elle est citée par exemple dans les vers fameux d'Omar Khayyâm "comme métaphore de la beauté féminine".
Ce sont les Turcs de la dynastie Seldjoukide, et après lors de l'Empire ottoman, qui la firent arriver à l'ouest, chez nous. le sultan ottoman, Ibrahim 1er (1615-1648), fut déposé et étranglé après un bref règne, pas uniquement pour sa folie des tulipes, bien que cet Ibrahim, surnommé le Fou, leur voua un culte, disons légèrement exagéré !

Le premier à avoir abordé la tulipomanie est l'auteur écossais, Charles Mackay (1814-1889), dans son ambitieux "Illusions et folies collectives et extraordinaires", qui contient des inexactitudes et exagérations, très souvent reprises par d'autres écrivains après lui. Heureusement que Mike Dash a consciencieusement épluché les archives, entre autres de la municipalité d'Alkmaar, pour rectifier, enfin, le tir.

En 2007, l'auteur lyonnais, touche à tout et promeneur infatigable, Olivier Bleys, a publié une version romanesque de la tulipomanie sous le titre du nom scientifique de l'une des plus rares d'elles, la "Semper Augustus" (toujours auguste), qui a été accueilli sur Babelio par 13 critiques favorables. Détail pittoresque, cette belle entre les belles était le résultat d'un virus, et dès lors plus cultivée de nos jours.

L'édition de Jean-Claude Lattès est particulièrement soignée et un plaisir d'avoir en main : relié avec 8 pages de photos, où sur la toute première vous pourrez admirer cette plus belle de toutes, cette "Semper Augustus" , qui "pouvait valoir jusqu'à deux fois le prix d'une maison", ou la valeur d'une maison de maître le long des canaux célèbres d'Amsterdam.
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