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Act sud (02/04/2015)
4/5   2 notes
Résumé :
On pense en général que les harkis, ces Algériens intégrés à l'armée française pendant la guerre d'Algérie, ont soit réussi à s'enfuir en France, soit été massacrés au moment de l'indépendance. En réalité, la plupart d'entre eux n'ont pas été assassinés, et vivent en Algérie depuis un demi-siècle. Une vérité difficilement acceptable des deux côtés de la Méditerranée...
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre démontre qu'il y a encore des anciens harkis qui vivent encore en Algérie. Il bat en brèche la tapageuse campagne menée depuis un demi-siècle par les nostalgiques de l'Algérie française qui ressassent jusqu'à la nausée le massacre massif de ces hommes engagés aux côtés de l'Armée contre le FLN/ALN.

Eh oui, tous les harkis restés en Algérie ne sont pas éliminés, tués, massacrés, trucidés. Les témoignages recueillis dans ce livre par Pierre Daum en sont les meilleures preuves. Les maquisards de l'ALN ne sont pas tous ces méchants égorgeurs, non. le mensonge savamment entretenu par les porte-voix de la colonisation et leurs relais dans la presse a touché ses limites.

"A l'issue de cette longue enquête, j'ai acquis la conviction que la plupart des «harkis» sont restés en Algérie sans y être tués (…) Reconnaître ce fait historique oblige en France à s'extraire radicalement de la vision imposée depuis 50 ans, qui affirme que tous ceux qui sont restés se sont fait «massacrés», payant de leur sang leur "amour du drapeau français". Toujours selon ce discours, ces hommes et leurs souffrances seraient la preuve de la légitimité de la présence française en Algérie (puisque tant de "musulmans" ont défendu l'Algérie française", écrit en conclusion Pierre Daum, auteur déjà de "Ni valises ni cercueil" qui retrace la vie de ces pieds-noirs restés en Algérie et paru en 2012.

L'auteur commence son livre avec une longue et riche introduction historique. Pierre Daum bouleverse les idées entendus et distillées ici et là. D'abord, il n'y a aucune directive du FLN visant à tuer les harkis. Ensuite le chiffre de 10 000 harkis tués pendant l'été 1962. Il n'y a aucune source qui vient étayer le nombre exact de harkis tués. Mais au-delà de la guerre des chiffres il est important de rappeler que la situation des Algériens était autrement des plus préoccupantes en cette première année de l'indépendance.

Pierre Daum écrit en parlant des autorités algériennes et françaises que "ni les uns ni les autres ne se sont préoccupées des harkis". Aussi dramatique que pouvait être en effet la situation de ces hommes qui ont choisi (ou ont été poussés) l'armée française, il est manifeste que, pour les nouveaux responsables de l'Algérie, l'urgence était ailleurs. Elle dépassait celle d'une communauté, par ailleurs qui avait choisi son camp. Outre les sanguinaires commandos de l'OAS qu'il fallait neutraliser, il y avait la prise en charge des milliers de prisonniers libérés et les autres milliers de civils libérés des camps de regroupement. Sans oublier la guerre sourde d'abord puis frontale entre les moudjahidine de l'intérieur et l'armée de l'extérieur. La tâche des nouvelles autorités algériennes était immense. le constat est, certes, vrai, mais le contexte est des plus compliqués et la situation trouble, notamment pour les Algériens.

Le livre de Pierre Daum est épais, dense, plus de 500 pages entre analyses des sources et la soixantaine de témoignages recueillis auprès d'anciens harkis, vivant toujours en Algérie. le mérite de ce livre-enquête est qu'il ne prend pas de raccourcis, traquant toutes les hypothèses et autres assertions sur les harkis, autant d'approximations, voire de mensonges devenus avec le temps des "vérités" pour nombre de personnes. Chiffres et sources croisés à l'appui, Pierre Daum analyse et met sur la table les éléments d'information disponible sur ces supplétifs de l'armée française. A l'indépendance, ces hommes et leurs familles ont été oubliés par ceux qui les avaient engagés à leur côté.

L'auteur écrit que sur les 40 500 harkis à qui l'armée française a proposé différentes options, "21000 ont demandé à être licenciés avec prime, 1000 se sont engagés, 2000 ont souscrit au contrat de six mois, 1500 ont demandé à venir en France avec leurs familles et 15000 sont rentrés chez eux sans demander à bénéficier des dispositions prévues en leur faveur".

L'auteur avance, argument à l'appui, que la majorité des harkis a choisi de rester en Algérie. Cependant un demi-siècle plus tard, renversement de tendance, les anciens harkis et leur descendance font des mains et des pieds pour quitter l'Algérie. L'administration française est assaillie de demande de nationalité. Des centaines de dossiers d'Algériens se réclamant harkis arrivent sur les bureaux. Certains ont la haine recuite contre ce qu'ils appellent le fellaga, d'autres essayent de tirer un trait sur ce passé lourd à porter.
Même si l'auteur aurait pu se passer de certains détails qui n'ajoutent en rien à l'importance du livre, "Le dernier tabou, les harkis restés en Algérie après l'indépendance" demeure comme l'un des meilleurs titres sur cette question qu'on refuse d'aborder avec la sérénité nécessaire encore en Algérie.

La plaie, laissée par la participation de ces hommes à la guerre contre le FLN/ALN, n'est pas pansée et les éléments d'explication, d'études et d'analyse non encore mis en place par les Algériens et pour les Algériens. Ce travail est à mener comme celui de la réappropriation de l'histoire algerienne.
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. En s'appuyant sur une soixantaine de témoignages enregistrés rapportant les motivations ayant conduit des «supplétifs musulmans» forcés par malheur soit par les troupes armées de l'ex-puissance coloniale française ou bien par leurs propres frères Algériens pour une raison ou une autre, Pierre Daum, journaliste et auteur, construit un livre-enquête qui se révèle poignant et intéressant à plus d'un titre. En remettant en question des idées reçues des deux rives de la Méditerranée, cet essai bouleversant lève le voile sur une période d'histoire cruciale de deux pays en guerre entre 1954 et 1962. le dossier des «collaborateurs» de la France coloniale, instrumentalisé particulièrement par les nostalgiques de l'Algérie française depuis des décennies en France, après le cessez-le-feu entre les deux pays, est le fil conducteur de l'enquête menée par Pierre Daum. Fruit de deux ans et demi d'échanges verbaux pour recueillir de vifs témoignages auprès «d'anciens supplétifs, mais aussi d'anciens soldats de l'armée régulière et d'anciens civils profrançais», restés en Algérie après 1962, l'enquête de l'ancien correspondant de Libération en Autriche puis en Languedoc-Roussillon, rend compte que tout au long de la période qu'a duré l'insurrection armée en Algérie, les deux camps en conflit, (l'Algérie comme la France), «se sont livrés à une véritable lutte psychologique afin de gagner à eux les masses paysannes indécises. Pour l'armée française, recruter un harki, c'était avant tout une façon illusoire de rallier la population algérienne. À l'inverse, les cadres du ALN/FLN, conscients de la stratégie ennemie, ont toujours tenu un discours vis-à-vis des harkis du type : «Vous vous êtes trompés, vous êtes manipulés par l'oppresseur colonial, si vous nous rejoignez, on vous pardonnera vos erreurs». de fait, un certain nombre de harkis ont quitté l'armée française et rejoint les rangs de l'ALN. Et inversement. Ce genre de va-et-vient a été constant pendant toute la durée de la guerre. À l'indépendance, l'ALN n'a donné aucune consigne à suivre vis-à-vis des harkis. Chaque officier -voire chaque djoundi- a agi selon sa conscience. Certains se sont montrés cléments- «La guerre est finie, on tourne la page, on ne va pas continuer à se tuer entre nous»-, d'autres, au contraire, ont cherché la vengeance. Il faut souligner que les violences envers les harkis ont souvent été le fait de «marsiens», ces résistants de la vingt-cinquième heure, ceux qui ont joué les héros quand la guerre était finie (après le cessez-le-feu du 19 mars, d'où ce surnom de «marsiens»). Pour ces hommes sans courage, frapper ou tuer un harki au moment de l'indépendance ne comportait aucun risque, comme l'on fait les moudjahidines, Les harkis restés en Algérie après l'indépendance». , pris dans la tourmente d'une guerre impitoyable. D'un côté, les pauvres bougres poussés par la misère dans les casernes de l'armée française, et de l'autre, ceux qui ont rejoint les maquis sous la menace du FLN. Ni traitres ni héros. Ni collabos ni résistants. Tous des victimes…». Il s'agit là d'un extrait qui en dit long sur le lien pas encore apaisé des Algériens, d'une part, et des Français, de l'autre, avec leur Histoire commune. Une mémoire collective véhiculant des blessures instrumentalisées politiquement dans l'Algérie indépendante tout comme en France.
Enfin un roman très captivant et inconditionnellement a' lire
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Vidéo de Pierre Daum
Mémoire franco-algérienne - Soirée France-Algérie sur Mediapart .2e débat : 50 ans après, réconcilier les mémoiresDiscussion entre :? Florence Dosse, écrivaine, auteure de Les Héritiers du silence, enfants d?appelés en Algérie, Ed. Stock.? Fatima Besnaci-Lancou, écrivaine, auteure de plusieurs ouvrages, a dirigé le numéro de la revue Les Temps Modernes, Les harkis, 1962-2012. Les mythes et les faits.? Pierre Daum, journaliste, auteur de Ni valise ni cercueil ? Les pieds-noirs restés en Algérie après l?indépendance, Ed. Solin/Actes Sud.? Mehdi Lallaoui, écrivain et réalisateur, président de l?Association « Au nom de la mémoire ».? Christian Phéline, auteur de L'Aube d'une révolution, Margueritte, Algérie, 26 avril 1961, Ed. Privat.
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