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Il faut vivre pour boire, et z'il faut boire pour vivre…
Daumal aurait pu jeter ça dans la sciure, parmi les résidus de mots et de phrases non-perçus, s'accumulant aux pieds des gens, parmi les mégots, pour ne plus servir à rien. Il parle de cela, mais personne ne l'écoutera, alors il fabule, c'est tellement mieux.
Un rêve de morphinique, là… bien linéaire… avec cet infirmier comme Monsieur Loyal, dans ce pays sans haut ni bas qu'est le coma face-paillase, tâtant du tonnelet-tatin pour nous narrer un monde dont l'absurdité n'a rien à envier au notre.
On connait tous ces quelques vérités, miroitées à l'aide de ce surréalisme de livre-dont-vous-êtes-le-héros, d'une trace à suivre dans l'autre sens.
Affreusement soif il fait… des shadoks ayant démonté la pompe, pensant alors que l'eau bénite suffirait…
Rien de bien compliqué au fond… même des éléments de prescience dans ce soi-disant rêve éthylique… comme un parfum de la culture numérique actuelle…
Personne ne se fout de vous lorsqu'elle raconte : « D'autres jouaient à se laisser tomber la tête la première d'en haut d'une échelle, et celui qui, tombant de la plus grande hauteur, arrivait à se relever dans les dix secondes, recevait le titre de champion et beaucoup d'applaudissements. »
Chacun pourra y voir finalement ce qu'il veut, tant qu'on lui laisse encore le choix.
De la littérature à consommer avant midi, toujours plus grave qu'on ne l'aimerait.
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Il est bien difficile de présenter l'originalité de René Daumal. On est toujours entre le conte philosophique, le roman d'aventures à la Jules Vernes, avec un zeste de surréalisme pataphysique à la Jarry…

L'incipit :
« Il était tard lorsque nous bûmes. Nous pensions tous qu'il était grand temps de commencer. Ce qu'il y avait eu avant, on ne s'en souvenait plus. On se disait seulement qu'il était déjà tard. Savoir d'où chacun venait, en quel point du globe (et en tout cas ce n'était pas un point), et le jour du mois de quelle année, tout cela nous dépassait. On ne soulève pas de telles questions quand on a soif. »

Le ton et donné…

« La grande beuverie » (1938), un des deux seuls textes publiés du vivant de l'auteur – l'autre, un recueil de poèmes publié en 1936, « le contre-ciel » – est un texte pataphysique dans le sens où la pataphysique chère à Jarry n'est autre que la « science des solutions imaginaires » …
René Daumal, créateur de l'éphémère (trois numéros) revue « le grand jeu », de 1928 à 1930 avec Roger-Gilbert Lecomte, Roger Vailland et le peintre Josef Sima, en quête de « l'au delà du réel » essayera de nombreux « véhicules » de « sublimation de la pensée » : éther, opium, et même du tétrachlorure de carbone, le produit chimique utilisé par les entomologistes pour conserver les papillons morts.
Dans la misère, il décédera de la tuberculose à trente-six ans, nous laissant ce texte parfois abscons, mais tellement beau par ailleurs… Un roman éthylique ? Pas seulement. Il y a du Blondin, là dedans, et du Blondin poète…
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Je partage totalement l'avis de Nomic. Autant j'avais aimé le récit posthume et inachevé "Le Mont Analogue" et à combien de personnes ne l'ai-je pas offert, pour sa dimension métaphysique et symbolique…

Mais ici, je n'ai trouvé qu'un propos décousu, non pas seulement absurde, mais abscons. Il y a certaines phrases qui ont évidemment emporté mon assentiment, mais au sortir de ce livre, je me suis dit : "tout cela pour ça ? et pour quoi donc…"

Il est question de beuverie, mais si, d'enivrement par des mots creux ou pédants, d'un grenier infini qui voudrait ressembler à une certaine image de la caverne platonicienne ? En tout cas, l'auteur tente de nous renvoyer l'image de nos travers ou de nos
vains engouements. Mais cela n'a pas atteint son but. Cela reste de l'ordre des platitudes. Cela ne décolle pas.

Bref. Comme toujours, je suis contente de l'avoir lu pour me faire ma propre idée, mais elle est acquise : je n'offrirait cet opus à personne.
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La beuverie ne tient qu'une faible place dans cet ouvrage. Il en va de même dans nos existences, affairés que nous sommes à parler de la prochaine beuverie alors le temps qui sépare l'une de l'autre est interminable.


La grande beuverie daumalienne a malheureusement un but. Par la contre-exemplarité absurde, elle cherche à dénoncer les formes de mécompréhension qui dérivent de la chute du langage dans le bavardage, « fausse monnaie que ne gage plus l'or d'une expérience réelle ». La beuverie se fait donc thérapie du langage et si « la philosophie enseigne comment l'homme prétend penser, la beuverie montre comment il pense ». Triste beuverie devenue chemin de rédemption d'un langage qui a tout perdu, jusqu'à ses dernières parures tératogènes de l'ère rabelaisienne.


Les contrefacteurs du langage, Scients et Sophes cumulés, Esthetchiens en bout de course comme la cinquième roue du carrosse, capitalistocs et autres ascètes de l'hygiénisme productif, se laissent rencontrer dans le mundus imaginal de l'ivresse, quand les voix se superposent et ne révèlent jamais qu'à demi-mot leur véritable identité. Figures pâlottes d'un subconscient qui apparaît sous réserve d'éthylisme prononcé ? Buveurs incapables de se défaire des chaînes de la confusion langagière ? La beuverie serait une initiation mettant à nu les ruses d'un langage utilitariste.


Sans suite logique, se prenant à la rationalisation qui s'ignore par le rationalisme bien décidé à aller au bout de son totalitarisme, Daumal est parfois lyrique, parfois chiant, aussi exaspéré qu'un moine bouddhiste ayant tout sacrifié pour un Eveil qui ne se produit jamais.
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Tout ce qui est sans chair et sans émotion vraie en prend pour son grade dans cette oeuvre truculente.

Plus que jamais, dans notre société qui court-circuite l'être, le monde réel, (et nous avec) est mis au placard.

René Daumal décrit l'intérieur de ce placard avec sa population de
- découpeur de poil de lapin en quatre : les Scients
- aplatisseurs de mots en galette fine ... mais étendue : les Sophes
- extracteurs de bout de pensée à projeter sur une toile, du bronze ou même du néant : les fabricateurs d'objets inutiles.

Mais il ne se contente pas de cela (ce n'est pas un re-bêle)
il nous donne aussi des pistes pour en sortir...de ce placard et retrouver l'espace libre où étendre nos bras, nos émotions, nos pensées.
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Un auteur trop méconnu et pourtant majeur.
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Dans La grande beuverie (1938), René Daumal commet très exactement les péchés que je me réjouissait de ne pas trouver dans son fort sympathique roman posthume et inachevé le mont Analogue : c'est-à-dire qu'à trop vouloir faire de l'expérimentation littéraire à tendance surréaliste, l'auteur chute irréparablement dans un absurde décousu. On commence, sans surprise, par une scène de beuverie assez rigolote qui projette le narrateur dans la visite d'une société satirique fantasmée dans les vapeurs de l'alcool, visite qui constitue l'essentiel du roman avant un retour au réel. On retrouve certains codes, et pas les meilleurs, de la littérature utopique ou dystopique, comme dans Meccania d'Owen Gregory ou Ile d'Huxley, dans le sens qu'il s'agit littéralement d'une visite guidée : le narrateur est trimbalé d'attraction en attraction, chacune étant l'occasion d'une petite scénette où tel ou tel groupe de personne en prend pour son grade. Certes, l'écriture est toujours aussi habile et, prises individuellement, les piques satiriques ne manquent pas de sel, mais il n'y a pas vraiment de trame. Globalement, c'est loin d'être bête mais ça ne va nul part. Frustrant.

Si l'on peut malgré tout accrocher à La grande beuverie, c'est sans doute grâce à l'écriture de Daumal. Quelques exemples :

Par exemple, un monsieur passe dans la rue, tout occupé de ses chatouillements internes (ses pensées, comme il dit). Vous criez : "Hep !". Aussitôt toute cette machine compliquée, avec sa mécanique de muscles et d'os, son irrigation sanguine, sa thermo-régulation, ses machins gyroscopiques...

Il y a encore tout près d'ici une colonie de cultivateurs qui font pousser des pommes de terre afin de se nourrir pour avoir les forces nécessaires à la culture de pommes de terre.
Lien : http://lespagesdenomic.blogs..
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Un texte hilarant et profond dont on sort soi-même complètement grisé.
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