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EAN : 978B00185LZTG
(30/11/-1)
4.38/5   4 notes
Résumé :
Ces quatre textes courts et méconnus de René Daumal, l'auteur du Mont Analogue et de La Grande Beuverie, l'un des fondateurs du Grand Jeu et un des premiers pataphysiciens, mêlent une drôlerie cruelle, quand il s'agit de laisser libre court à son "hérissement" face à la soutane, à une expérience de lutte intérieure contre l'homme-machine. Nourri de philosophie orientale, Daumal tend vers le dépassement du rationnel et de l'irrationnel, pour "tuer les miroirs menteur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
'PATAPHYSIQUE EN GUERRE !

On ne lit plus guère René Daumal.
On ne s'en souvient d'ailleurs guère plus.
On devrait !

Il est vrai que le grand admirateur de l'oeuvre d'Alfred Jarry, et l'un des premiers membres du fameux (fumeux) collège de 'Pataphysique, par ailleurs lecteur et traducteur du sanskrit et fin connaisseur de philosophies orientales, ayant à ce sujet des échanges épistolaires avec la philosophe Simone Weil, ami de Roger Vailland et de Roger-Gilbert Lecomte avec lesquels ils créera la revue "Le Grand Jeu", René Damual n'a malheureusement pas eu beaucoup de temps pour laisser son empreinte sur terre, celui-ci décédant, à Paris, de la tuberculose en pleine 2nde Guerre Mondiale. Il n'était alors âgé que de 36 ans, et n'avait pas eu le temps d'achever son oeuvre la plus magistrale, le Mont Analogue.

C'est donc une excellente surprise que font au lecteur les éditions de la Part Commune en proposant, dans sa collection "La petite part", cette sélection de quatre petits textes rares et méconnus de l'auteur de la grande beuverie.
Chacun, à sa manière, donne une petite idée du talent et de l'originalité de l'auteur.

Le premier, une brève nouvelle intitulée "Le catéchisme" est dans sa plus pure veine anticléricale. On y décéléra un cynisme décalé et subtil, mais drôle, bien éloigné du comique troupier et souvent ordurier de l'époque.

Avec "La guerre sainte", Daumal fait le procès, sans ambages mais avec un sens inné du renversement des propositions, de la guerre - le texte est de 1940 - et, surtout de tous ceux ayant appelé de leur voeux celle-ci, sans bien se rendre compte que le mot n'est pas la chose, que le mot n'est rien sans la chose, sauf, sans doute, pour le poète dont l'arme est, justement, le mot.

Le troisième texte, souvenir déterminant, résume les expériences que Daumal, ainsi que plusieurs de ses coreligionnaires ont effectué dès l'adolescence, se servant de tétrachlorométhane (un produit proche du chloroforme qu'il utilise pour "endormir", à jamais, les coléoptères qu'il collectionne), leur permettant de flirter, non sans prise de risque véritable, avec des états proches de ce que l'on appelle aujourd'hui des "expériences de mort imminente". Des expérimentations qui ne sont pas sans rappeler, pour d'autres effets, d'autres conclusions, celles poursuivit plus tard par le belge Henri Michaux.

Le quatrième, enfin, le plus étonnant peut-être, le plus poétique et beau, sans nul doute a pour titre : "Les dernièresparolesdupoète" (en un seul mot), contant, sous forme d'une sorte de cauchemar éveillé, les derniers moments d'un poète condamné à mort et les ultimes mots qu'il cherche à exprimer, en une sorte de cri primal poétique salutaire. Un texte troublant, malgré sa brièveté, puissant, violent, émouvant, si l'on songe à l'année durant laquelle il fut écrit -1944-, lui, poète sans réel domicile, marié à une femme juive et dont le premier époux est mort en déportation... Mais il en va de la vérité comme de la poésie et de la poésie comme des mots ; à moins qu'il n'y ait, au final, qu'un seul mot, et qui contiendrait tous les autres. Car, nous dit le poète condamné / Daumal, "voici donc mon premier et mon dernier poème. Un mot à dire, simple comme d'ouvrir les yeux. Mais ce mot me mange du ventre à la tête, je voudrais m'ouvrir du ventre à la tête et leur montrer le mot que je renferme. Mais s'il faut le faire passer par ma bouche, comment franchira-t-il l'orifice étroit, ce mot qui me remplit ?"

Question éternelle et infinie, insoluble et intrinsèque que le poète ne cesse de se poser à l'instant même où le mot, le mot de tous les mots, les mots du poème et de tous les poèmes, n'en peuvent plus de surgir, inépuisables mais rares, constitutifs de tout germe poétique , de la bouche d'ombre, ce passage étrange, tellement étroit, entre réel et irréel, éveil et rêve, vie et trépas.

Alors...

On ne lit plus guère René Daumal.
On ne s'en souvient d'ailleurs guère plus.
Mais vraiment : On devrait !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Et alors, au dernier moment, la parole éclata par sa bouche, vociférant :

Aux armes ! À vos fourches, à vos couteaux,
À vos cailloux, à vos marteaux,
vous êtes mille, vous êtes forts,
délivrez-nous, délivrez-moi !
Je veux vivre, vivez avec moi !
Tuez à coups de faux, ruez à coups de pierres !
Faites que je vive et moi, je vous ferai retrouver la parole !

Mais ce fut son premier et son dernier poème. Le peuple était déjà bien trop terrorisé. Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort. Car c'est souvent le sort, ou le tort des poètes, de parler trop tard, ou trop tôt.

1944.
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Il se disait en lui-même :
Voici donc mon premier et mon dernier poème. Un mot à dire, simple comme d'ouvrir les yeux. Mais ce mot me mange du ventre à la tête, je voudrais m'ouvrir du ventre à la tête et leur montrer le mot que je renferme. Mais s'il faut le faire passer par ma bouche, comment franchira-t-il l'orifice étroit, ce mot qui me remplit ?
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- Épinard, qu'est-ce que Dieu ? dit le Curé d'une voix vide.

L'enfant se presse au-dedans de lui-même comme une éponge, il lui sort deux œufs de cristal de chaque côté du haut du nez, et il dit dans un soupir :

- C'est une baffe.
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Ce que je vais faire ne sera pas un vrai poème poétique de poète, car si le mot "guerre" était dit dans un vrai poème - alors la guerre, la vraie guerre dont parlerait le vrai poète, la guerre sans merci, la guerre sans compromis s'allumerait définitivement dans le dedans de nos cœurs.

Car dans un vrai poème les mots portent leurs choses.
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D’un fruit qu’on laisse pourrir à terre, il peut encore sortir un nouvel arbre. De cet arbre, des fruits nouveaux par centaines.

Mais si le poème est un fruit, le poète n’est pas un arbre. Il vous demande de prendre ses paroles et de les manger sur-le-champ. Car il ne peut, à lui tout seul, produire son fruit. Il faut être deux pour faire un poème. Celui qui parle est le père, celui qui écoute est la mère, le poème est leur enfant. Le poème qui n’est pas écouté est une semence perdue. Ou encore : celui qui parle est la mère, le poème est l’œuf et celui qui écoute est fécondateur de l’œuf. Le poème qui n’est pas écouté devient un œuf pourri.
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Videos de René Daumal (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de René Daumal
[RARE] René DAUMAL – Une Vie, une Œuvre : La traversée des apparences (France Culture, 1992) Émission "Une Vie, une Œuvre" par Jacqueline de Roux, sous-titrée "la traversée des apparences", diffusée le 10 décembre 1992 sur France Culture. Invités : Pascal Sigoda, André Coyne, Nadine Nimier, Jean-Marie Turpin, Geneviève Lieff et Jean Bies. Lecteurs : Catherine Laborde, Serge Renko, Sandrine Romel et Patrick Liegebel.
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