Ce tome constitue une histoire complète, indépendante de toute autre, pour laquelle une connaissance superficielle du personnage de Deadpool est suffisante. Il contient les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2014, écrits par
Peter David, dessinés et encrés par
Scott Koblish, avec une mise en couleurs de
Val Staples. Comme son titre l'indique, le récit adapte, de manière très libre et très édulcorée, le traité sur
L'art de la guerre de
Sun Tzu (VIème ou Vème siècle avant Jésus-Christ).
Lors d'une mission en Chine antique, Deadpool récupère les manuscrits de
Sun-Tzu. de nos jours, il se rend chez un éditeur pour le faire publier sou son nom. Il essuie un refus catégorique (et quelques balles), sous prétexte que ce livre est déjà publié sous le nom de
Sun-Tzu (et dans le domaine public en plus). Néanmoins la dame qui le reçoit laisse une ouverture, si le contexte mondial venait à changer, et que les États-Unis entre en guerre.
Il n'en faut pas plus pour que Deadpool conçoive une idée géniale. Il va aller trouver Loki (version "Silver Surfer" 4, février 1969) pour devenir son conseiller et lui suggérer de conquérir la Terre.
Oui, cette histoire est aussi farfelue et superficielle que le résumé peut le laisser croire.
Peter David pioche dans "
L'art de la guerre" de
Sun-Tzu au gré de sa fantaisie. Il utilise des raccourcis très surprenant. Impossible de savoir ce que faisait Deadpool à l'époque de
Sun-Tzu (il n'y a aucune explication). Impossible de savoir comment fait Deadpool pour se rendre auprès de Loki version 1969, phénomène d'autant plus déstabilisant que par la suite il s'agit bien des versions modernes des autres superhéros (les Fantastic Four avec leur costume rouge de l'époque de
James Robinson, ou Cyclops avec son masque barré d'un X rouge). Dans le fil du récit, Deadpool prend des notes sur un ordinateur portable qui semble très résistant, au vu des coups qu'il reçoit.
Le lecteur plonge donc dans un récit où la logique est malmenée, ou tout du moins où le scénariste prend de grands raccourcis. Il plonge également dans un récit à la densité visuelle très élevée.
Scott Koblish est déchaîné du début jusqu'à la fin. Cela commence avec une incroyable scène d'époque (celle de
Sun-Tzu) dans laquelle il dessine des dizaines de figurants en costumes. Cela continue avec un soin méticuleux apporté à l'ameublement de la demeure de Loki.
Juste après, Koblish commence à dessiner des dizaines de nains et gobelins, constituant l'armée de Loki, la chair à canon du récit. À chaque apparition de cette armée, il dessine des dizaines de soldats, chacun avec une tête différente, son propre casque, sa propre armure. le volume de détails est tel que
Val Staples renonce à appliquer une couleur différente à chaque forme détourée. Il préfère appliquer des camaïeux rendant compte de la masse globale de ladite armée.
Koblish maîtrise donc les détails de chaque costume de superhéros impliqué. Il s'investit de manière visible dans les décors et les arrière-plans, beaucoup plus fréquents et détaillés que dans un comics de superhéros traditionnel. Il trouve le point d'équilibre pour exagérer les blessures de Deadpool à des fins comiques, sans que le récit ne bascule dans l'absurde. Il faut également mentionner l'élégance des couvertures qu'il a réalisées, qu'il s'inspire de la célèbre vague d'Hokusai ou des estampes japonaises privilégiant le trait de pinceau parfait.
D'une manière inattendue, le lecteur peut donc se projeter dans des lieux et au milieu de personnages dessinés avec un luxe de détails, et quelques touches d'humour visuel. Il se laisse donc porter par cette narration graphique riche, et suit les pitreries de Deadpool dans ce récit au principe improbable. L'intrigue de
Peter David se déroule en 2 temps : tout d'abord Deadpool se fait accepter par Loki en l'aidant à vaincre Thor et à envahir Asgard, deuxième temps Deadpool aide les superhéros à repousser l'invasion de New York par le même Loki.
Peter David émaille chaque épisode de quelques principes extraits de "
L'art de la guerre", en les mettant dans le contexte soit des conseils de Deadpool à Loki ou aux superhéros terrestres, soit dans le contexte d'un affrontement entre 2 armées (celle de Loki contre celle de ses opposants de l'épisode concerné). le lecteur qui a déjà lu "
L'art de la guerre" retrouvera quelques citations parlantes, mais pas la structure de l'ouvrage, ni même l'esprit de l'ouvrage. Ici ces maximes sont essentiellement utilisées à des fins comiques. Celui qui ne connaît pas "
L'art de la guerre" aura bien du mal à s'en faire une idée.
David met en scène le Deadpool bien connu, prêt à faire le pitre, dépourvu de morale, capable de survivre à toutes les blessures, malgré la souffrance bien réelle qu'elles occasionnent. de ce point de vue, il s'agit d'un récit de Deadpool qui respecte les conventions du personnage, sans être révolutionnaire.
L'un dans l'autre (intrigue + dessins), "Deadpool's art of war" constitue une lecture plaisante, parfois drôle, toujours décoiffante d'un point de vue visuel. Ce n'est pas une bonne introduction à l'ouvrage de
Sun-Tzu, mais c'est une aventure divertissante et sans conséquence de Deadpool. 3 étoiles pour un lecteur exigeant ou en attente d'une lecture pénétrante de '
L'art de la guerre". 4 étoiles pour un lecteur recherchant une histoire légère, et prêt à se laisser emporter par la narration visuelle.