Michel David est un romancier chroniqueur de la vie québécoise de la seconde moitié du vingtième siècle. En France, on le classerait écrivain du terroir, avec tout cela comporte de dédain (car en France, on s'inscrit facilement dans un élitisme littéraire de bon aloi).
J'ai lu avec beaucoup de plaisir les trois premiers tomes de cette poussière du temps et par commodité, je vais vous relater l'ensemble dans une seule critique, puisqu'en fait, ces trois opus racontent une même histoire. Seule la chronologie des évènements permet de découper cet énorme pavé en trois parties distinctes.
Le narrateur a un projet ambitieux. Il veut décrire dans le détail la vie d'une modeste famille de Montréal. Jeanne, fille de paysans québécois rencontre Maurice par hasard. Après un flirt au cours duquel Maurice fait tout pour se montrer aimable et enjôleur, le couple se marrie et s'installe dans un très modeste appartement en zone populaire de Montréal. Très vite, Maurice laisse tomber le masque et se montre tel qu'il est, violent, égoïste et autoritaire. Malgré tout, c'est un travailleur acharné et, gros avantage il n'est pas buveur et ne traîne pas la rue après sa journée de labeur. Autrement dit, on n'aura pas une histoire du type Germinal à la sauce canadienne !
Les jours et les années, faites d'évènements simples de la vie courante de l'époque, coulent au fil des pages. Michel David met un soin particulier à transcrire au plus près l'ambiance de l'époque, le vocabulaire, les modes. Très vite on suit ce fil chronologique avec le plaisir qu'on peut avoir à suivre un feuilleton télévisé dans lequel les personnages deviennent rapidement nos amis de chaque soir…
Jeanne n'est pas ni une potiche ni une féministe. Fidèle à la morale de l'époque, elle veut réussir son mariage et fera tout pour mettre Maurice au pas sans qu'il ne s'en rende vraiment compte. Faute de contraception, les enfants arrivent rapidement et atteindront le nombre de neuf, rendant le couple incapable de sortir de la misère dans laquelle il semble condamné. Pour Maurice, tout est de la faute de Jeanne qui ne fait pas assez attention. le patriarcat fait rage ! le premier tome, Rue de la Glacière pose les fondements de la série.
Pourtant, à force de courage, les époux vont se hisser très lentement vers un avenir plus clément. C'est cette lente, très lente ascension sociale que nous suivons dans cette trilogie.
Dans le second volet, Rue Notre-Dame, la famille déménage pour une maison plus grande mais assez insalubre. les enfants grandissent et commencent à s'émanciper. Paul, l'aîné de la fratrie, souhaite ardemment s'extraire de ce milieu social qui lui fait honte. le téléviseur fait son entrée chez la famille Dionne. Maurice est toujours aussi coléreux et près de ses sous. Dès le plus jeune âge, les enfants sont mis à contribution et enchainent les petits boulots en plus de l'école. le lever est toujours matinal, même en hiver. Pourtant, la chance leur sourit cette fois. Maurice est choisi pour devenir concierge d'un collège !
Le couple va déménager une fois de plus. Cette fois, ils achètent à crédit une maison neuve. Ce ne fut pas sans les atermoiements de Maurice qui croit voire son argent filer entre ses doigts avares….
Ainsi commence le troisième volet de la saga intitulé Sur le Boulevard. Nous abordons les années soixante. La famille a trouvé son rythme de croisière et s'installe dans un certain confort à défaut de trouver l'opulence. le titre indique d'ailleurs clairement ce progrès social, puisque les Dionne accèdent au Boulevard et quittent les quartiers pauvres. Les enfants grandissent et soulèvent des problèmes liés immanquablement à cette croissance. Jeanne manipule avec aisance ce mari autoritaire dont on découvre petit à petit les bons côtés.
Le style de Michel David est simple, la narration coule avec aisance et les bons mots typiques fleurent bon le Canada oublié. On note évidemment certaines longueurs vite oubliées. le descriptif historique et sociologique prend le pas sur la banalité des faits rapportés.
Rien d'exceptionnel ne ponctue ce roman autre que les évènements de la vie ordinaire. le lecteur ne peut qu'éprouver un grand plaisir à s'immerger dans le flot d'une époque révolue et pourtant pas si lointaine. Après un temps de résistance assez court, je me suis laissé entraîner par l'auteur dans ce monde imaginaire mais bien réel qui laisse transparaître une émotion profonde qui n'est autre que celle de la vie, tout simplement.
Michelangelo 2/11/2020
Second tome de la série "La poussière du temps", "Rue Notre-Dame" nous permet de retrouver Jeanne et Maurice Dionne ainsi que leur famille. L'action se situe vers le milieu des années 1950 ; le jeune couple est désormais parent d'une nombreuse famille de neuf enfants. Maurice, pingre, radin et tellement désagréable, mais heureusement courageux, fait de son mieux pour nourrir au mieux sa famille, et pourtant, malgré tout, le manque d'argent se fait sentir, d'autant plus que Maurice n'a qu'une idée en tête dès qu'il possède quelques économies, acheter une automobile, synonyme pour lui de la réussite sociale, quitte à se laisser berner lors de ses achats. Les aînés grandissent, et Paul le plus âgé de leurs fils, souhaite continuer les études afin de devenir prêtre, moins par vocation que pour fuir la misère familiale. Comme toujours, Jeanne, à l'écoute de ses enfants, va faire son maximum pour soutenir son fils contre l'avis de Maurice, qui, là encore ne va voir que dépenses inutiles...
Un second tome à la hauteur du premier, j'ai pris un réel plaisir à suivre le quotidien des Dionne, Michel David possédait un talent incontestable pour conter le quotidien des gens ordinaires, et j'ai hâte de découvrir ce que sera l'avenir de cette famille, à laquelle je me suis beaucoup attachée.
Jeanne et Maurice sont aujourd'hui à la tête d'une famille nombreuse. Et locataire d'un appartement proche de l'insalubrité bien qu'entretenu correctement.
Entre les pertes d'emploi, les grossesses imprévues, les frais scolaires qui parfois s'accumulent et les problèmes de santé, c'est tout le paysage du Montréal des années 50 qui se déploie sous nos yeux. Au fil des années qui passent pour ce couple et leurs enfants se dévoile pour nous un mode de vie oublié…
Je suis to-ta-le-ment fan des livres de Michel David!! D'abord parce qu'il utilise un vocabulaire québécois (forcément), mais aussi parce qu'il plante ses histoires dans des époques passées.
A travers ses récits, je retrouve un parfum d'enfance, un temps où les gourmandises, même si elles étaient rares, étaient savoureuses, où les mères de famille étaient présentes, où les pères de famille avaient à coeur de nourrir leur famille, où chacun avait sa place dans la famille.
Les discussions entre voisins en fin de journée d'été, les petits paquets de Noël, et autres choses qui me font vraiment chaud au coeur sont racontées de simple manière, comme si je lisais un journal intime de quelqu'un qui aurait vraiment vécu cette époque.
Jeanne continue à faire preuve d'un courage magnifique. Dévouée à sa famille, soigneuse et économe, elle veille à faire vivre ses enfants, à leur créer un foyer chaleureux. Tandis que Maurice, toujours aussi râleur, se révèle être un homme travailleur, même s'il n'est pas toujours très organisé.
Quant aux enfants, ils développent chacun leur caractère propre, formant une fratrie très colorée.
Ce second tome est tout à fait dans la continuité de l'histoire que me racontait le premier. Et je suis toujours aussi conquise!
Je n'ai plus qu'une chose à faire: me plonger dans le tome 3!
Nous continuons de suivre la vie de la famille Dionne, partageant leur épreuve et leur bonheur. Un grand nombre de choses changent et évoluent au cours de ce roman et cette petite famille n'est pas au bout de ses peines, mais malgré les bouleversements les moments de joies ne sont pas rares.
« La poussière du temps », c'est une histoire simple et touchante, la vie d'une famille qui poursuit son cours, au fil du temps, au fil des pages. Michel David nous livre ici un autre de ces romans dont la douceur nous transporte vers une autre époque, au milieu des années 50, un véritable coup de coeur.
Le lendemain matin, à son retour du travail, Maurice découvrit la tante de sa femme déjà debout, occupée à confectionner du gruau chaud pour le déjeuner des enfants qui ne tarderaient pas à se lever. Il était déçu. Il avait vaguement espéré que Jeanne serait parvenue à s'en débarrasser
— Si tu veux du gruau, il va être prêt dans cinq minutes, lui offrit-elle, emmitouflée dans une épaisse robe de chambre brune en ratine.
Je mange juste des toasts avant de me coucher, fit Maurice en s'assoyant au bout de la table.
— Bon, comme tu veux. T'as juste à te les faire, dit la tante sans plus se préoccuper de lui.
— Où est Jeanne ? Elle est pas levée ?
— Laisse faire ta femme, lui intima-t-elle sévèrement. Elle doit se reposer. T'es quand même capable de te faire cuire deux toasts sur la fournaise, jamais je croirai.
L'ensemble des six immeubles vétustes de un et deux étages dont les adresses civiques allaient de 2303 à 2333, rue Notre-Dame, abritait seize familles très différentes les unes des autres. Elles possédaient tout de même un trait commun : la fierté. Aucune n'aurait accepté d'être considérée comme pauvre et la plupart dépensaient beaucoup d'énergie à sauver les apparences. Aussi étrange que cela puisse paraître à première vue, il existait des classes bien définies dans ce petit monde fermé où les préjugés avaient droit de cité comme ailleurs. Il y avait les honnêtes travailleurs sans histoire qui habitaient le quartier par manque de ressources et il y avait les autres. Ceux-là, on les saluait quand on ne pouvait faire autrement, mais il n'était pas question de les fréquenter ou de laisser jouer ses enfants avec les leurs...
Sacrement, veux-tu ben me dire comment t'élèves les enfants ? demanda rageusement Maurice à voix basse.
— Tu sauras que je les élève bien, Maurice Dionne. C'est pas de ma faute si t'es pas capable de dire deux mots sans sacrer. Le petit fait juste t'imiter. T'es le seul dans la maison à sacrer comme un charretier.
Paul se croisa les doigts et attendit avec une impatience croissante que sa mère en parle à son père ce soir-là. La vie sacerdotale ne l'attirait pas particulièrement. Il servait plus la messe pour se procurer de l'argent de poche que par piété. Par contre, s'il y avait une chose dont il était certain, c'était qu'il ne voulait pas vivre toute sa vie comme ses parents, dans un appartement miteux, à tirer le diable par la queue. Il n'y avait rien qu'il désirait plus que sortir de cette misère et ne plus avoir à faire la tournée des poubelles chaque vendredi matin pour posséder un peu plus d'argent en vendant des bouteilles vides.
Depuis le début de l'automne, la mère de famille se rendait compte qu'elle ne parvenait plus à joindre les deux bouts avec le maigre salaire de son mari. Nourrir neuf personnes avec vingt dollars par semaine, cela tenait de la prouesse et du miracle. De plus, comment arriver à trouver suffisamment d'argent pour habiller et chausser les enfants ? Comment payer leurs médicaments et leurs fournitures scolaires ? Son mari n'avait jamais l'air de s'inquiéter de ce genre de problème. Il semblait trouver normal qu'elle accomplisse des prodiges quotidiens avec aussi peu d argent.
Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell