Elle se prépara des galettes de riz et choisit un chutney de coriandre pour les accompagner. Elle s'assit sur la véranda, le plat sur ses genoux, et dégusta son déjeuner frugal. Tout concordait : son humeur, son sari, tout. Même la mer avait une teinte verte. Comme le curry de poisson qu'elle avait l'habitude de préparer pour ses enfants.
Lorsque Judah revient à Danda, il entra dans la maison de Rachel d'un pas énergique. A présent, Brownie, la chèvre et le chat le reconnaissaient. Les deux dernières l'accueillirent d'un petit mouvement de l'oreille, tandis que Brownie courut vers lui en aboyant et en remuant la queue.
Judah ramena le chien à l'intérieur. Rachel souriait : "Je t'ai vu arriver, comment savais-tu que je préparais des besan laddou ?
- Mais tante Rachel, ces arômes me suivent partout. Il me suffit de fermer les yeux et de penser à vous et hop, je sais ce que vous cuisinez. Donc, aujourd'hui, je savais que vous alliez préparer des besan laddou !
N'était-ce pas à l'image de la vie : un peu d'amertume, un peu de douceur et un peu d'aigreur ?
N'était-ce pas à l'image de la vie : un peu d'amertume, un peu de douceur et un peu d'aigreur ?
Rachel s’installait souvent sous le tamarinier qui poussait dans la cour de la synagogue, pour y respirer le parfum de ses jeunes feuilles fraîches et savourer les souvenirs doux-amers de la toute première année de son mariage . Un sourire se dessinait alors sur ses joues ridées. Ce tamarinier était très vieux. à en croire les histoires, il était habité d’esprits. La terre était fertile et le tamarinier fécond. Il poussait très près de la maison, mais lorsque les nuits étaient sombres, Rachel faisait un grand détour pour rentrer, car elle voulait éviter de passer sous l’ombre de l’arbre.
Elle embrassa la mezouza, ouvrit la porte et vit un rayon de lumière tomber du vitrail cassé sur la téva. Rachel remercia l'Eternel de lui faire don de tant de beauté.
Elle était convaincue que d'ici la fin de la soirée, il déroulerait de lui-même le récit de sa vie. En tant que mère, elle savait que, pour gagner sa confiance, elle devait éviter de lui poser trop de questions. Quand les enfants avaient quelque chose à dire, dès qu'on les interrogeait, ils se fermaient comme des huîtres.
Pour Rachel, sa boîte à safran était aussi précieuse que celle où elle gardait ses bijoux en or. Une boîte minuscule, bien remplie, dont elle prélevait de petites quantités pour les repas de fête.
Elle apprécia tant ce moment de victoire personnelle et cette sensation de parfaite communion avec Dieu qu'elle laissa la petite lampe brûler jusqu'au bout. Ensuite, elle sortit, referma la porte et vit que le soleil couchant embrasait le ciel d'une lueur safran.
Pour Rachel, ce fut un moment clé : la rupture avec des siècles de traditions et de tabous.