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EAN : 9782072967108
176 pages
Gallimard (18/08/2022)
3.93/5   73 notes
Résumé :
Lorsque Jean Genet rencontre Abdallah, qui sera un jour la figure centrale de son magnifique texte Le Funambule, le jeune homme a dix-huit ans à peine et vit à Paris. Genet, à quarante-quatre ans, est déjà un écrivain consacré. Il est aussitôt ébloui par le charme de cet acrobate, qui a travaillé plusieurs années au cirque Pinder. Il entreprend le projet fou de le hisser jusqu'à la gloire : son agilité, son expérience du cirque devraient lui permettre de devenir un ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
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Rémi David s'est emparé d'un épisode de la vie de Jean Genet, celui de son histoire d'amour avec Abdallah Bentaga rencontré en 1955 chez le poète opiomane Olivier Larronde.

« ll avait été séduit, d'emblée, par ce garçon de dix-huit ans quand lui en avait quarante-quatre. Par son oeil d'une malice et d'une gentillesse qui étaient extraordinaires et par l'éclat de son sourire. Il n'était pas très grand, de la taille à peu près de Genet, un visage tendre, des traits fins, le cheveu court, une voix douce, très attentif, discret. Selon la manière de le considérer, on pouvait lui trouver un air fort masculin ou presque féminin. On sentait très intensément, dans la profondeur de son regard, une fragilité qui se donnait les apparences de la force, à peine cachée dans ces yeux sombres qui semblaient s'excuser, toujours, à l'idée de, peut-être, vous déranger. »

Abdallah, c'est le coeur du roman, on le suit de son enfance douloureuse, abandonné par sa mère au cirque Pinder où il apprend l'acrobatie, jusqu'à sa mort. Un très beau personnage à la pureté exemplaire, sensible et droit. A son contact, Jean Genet retrouve l'inspiration et se réinvente dans le théâtre : le Balcon, Les Paravents, Les Nègres. le superbe titre choisi par Rémi David est une citation du grand poème en prose, « Le Funambule », adressé à Abdallah, une lettre d'amour.

Le sujet a tout pour être passionnant d'autant qu'il se double d'une réflexion sur l'Art. L'intransigeant Jean Genet veut façonner l'apothéose d'Abdallah en le transformant en funambule de génie, tel Pygmalion sculpte sa créature selon son idéal artistique et la place sur un piédestal d'où elle ne peut que tomber. Abdalladh devient oeuvre de chair et de sang avant d'être abandonné.

Malheureusement, tout est beaucoup trop scolaire dans la proposition de l'auteur, on survole un récit assez plat peuplé de noms connus ( Sartre, Camus, Faulkner, Giacometti, Goytisolo etc ) sans que la transformation en romanesque soit totalement convaincante, trop timide. Son parti pris de ne porter aucun jugement est louable, c'est toujours bien de laisser au lecteur la possibilité de se faire son propre avis, mais pour cela, il manque de la chair pour que le texte vibre et résonne.

Pourtant l'histoire d'Abdallah est tragique et contenait tous les ingrédients pour marquer les esprits. Est-il possible d'aimer sans admirer ? Qu'est-on prêt à sacrifier par amour ? Ces questionnements résonnent de l'universalité des histoires des amours sur la prise de risque. Reste que le récit est fluide et donne une envie furieuse de lire ou relire Jean Genet, ce qui est déjà très bien.

« La Mort — la Mort dont je te parle — n'est pas celle qui suivra ta chute, mais celle qui précède ton apparition sur le fil. C'est avant de l'escalader que tu meurs. Celui qui dansera sera mort — décidé à toutes les beautés, capable de toutes. Quand tu apparaîtras une pâleur — non, je ne parle pas de la peur, mais de son contraire, d'une audace invincible — une pâleur va te recouvrir. Malgré ton fard et tes paillettes tu seras blême, ton âme livide. C'est alors que ta précision sera parfaite. Plus rien ne te rattachant au sol tu pourras danser sans tomber. Mais veille de mourir avant que d'apparaître, et qu'un mort danse sur le fil.»

Lu dans le cadre de la sélection 2023 des 68 Premières fois
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Ce récit qui raconte un épisode de la vie de Jean genet, m'a permis de découvrir un écrivain que je ne connaissais pas. Période particulière de sa vie où il rencontre Abdallah Bentaga, très jeune homme sans situation, pratiquement éduqué dans un cirque où sa mère l'avait abandonné. Jean Genet en tombe amoureux et passera cinq années à ses côtés. le poète exploitera les possibilités de son amant pour parfaire son éducation d'acrobate, ce qui inspirera le poème « le funambule » et la suite du présent récit.

On est alors en mesure de se poser une question : quel est donc l'objectif de l'auteur de ce récit ? Il semblerait que son but était de mettre en évidence le personnage de Jean Genet : extrêmement exigeant avec son entourage, souvent grossier, imposant ses vues, intransigeant, provocateur.

On peut parfaitement se sentir agacé par cet homme mis en avant dans le roman, et par la quasi-soumission d'Abdallah, bien jeune lorsque commence cette relation amoureuse, et qui répond à l'appel de Genet pour partager sa vie, donnant l'impression de se laisser manipuler sans en avoir émis le désir. Et pourtant… La suite et la fin du roman montreront le contraire.

L'ensemble du roman n'est que transgression à maintes occasions de la part des personnages rencontrés, évoluant dans un milieu littéraire, une société à part, rencontre d'artistes souvent anticonformistes, milieu fermé et ouvert à la fois.

Une narration à l'écriture fluide, souvent agréable à parcourir, malgré quelques passages un peu longs et qui pourrait persuader le lecteur d'aller consulter quelques oeuvres de Jean Genet.
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Scénario romancé d'un épisode de la vie du célèbre auteur, Mourir avant que d'apparaître relate la relation amoureuse de Jean Genet avec Abdallah Bentaga, un jeune homme à la vie précaire. le rêve de gloire qu'a connu pour lui le poète, devenir un funambule accompli, conduira Abdallah à sa perte.

L'intérêt de ce roman est de dresser un portrait de la personnalité hors du commun de Jean Genet. Sa réputation de perfectionniste y transparaît : son protégé devait atteindre un degré de réalisation toujours plus abouti. Ce qui vaudra au jeune homme deux accidents, puis le rejet.
Le côté provocateur, mauvais garçon, jusqu'à la vulgarité, n'est pas occulté.

On côtoie aussi les amis de Genet dans ce Paris des années 50, Giacometti, Sartre, dans un décor de carte postale en noir et blanc.

Ce récit peut donner l'envie de découvrir un peu plus l'oeuvre et la biographie de Jean Genet.

176 pages Gallimard 18 Août 2022
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Le funambule, l'écrivain et la mort

Pour son premier roman, Rémi David a choisi un épisode douloureux de la vie de Jean Genet, sa relation avec Abdallah, un artiste de cirque à l'origine de son livre le Funambule. de leur rencontre à leur mort, il éclaire cette relation brûlante.

L'auteur nous avertit d'emblée. En exhumant cet épisode de la vie de Jean Genet et en mettant en scène des personnes qui ont réellement existé, il n'entend pas faire oeuvre de biographe. «C'est donc une interprétation qui est livrée ici et qui ne saurait prétendre au mieux qu'à la vérisimilitude.»
Cette vérisimilitude lui permettant de combler les vides d'une histoire d'amour en imaginant des dialogues, en rattachant des documents retrouvés et des témoignages d'une riche bibliographie (voir ci-dessous).
Le roman débute avec cette scène déchirante, la mère d'Abdallah, handicapée et sans ressources, décide de confier son garçon au directeur du cirque Pinder. Ce dernier le loge et le nourrit en échange de corvées de nettoyage. Mais il l'initie aussi à l'acrobatie et au jonglage. Les années passent et l'adolescent s'aguerrit au fil des tournées qui vont le conduire finalement à Paris.
C'est là que son chemin va croiser celui de Jean Genet, écrivain adulé par Monique Lange, l'employée de Gallimard chargée de dactylographier ses manuscrits et qui va devenir son amie, sa confidente et son fournisseur de Nembutal, le somnifère qui lui permet de trouver le sommeil. Elle n'hésitera pas non plus à le loger dans sa chambre de bonne lorsqu'il lui avouera qu'il est recherché par la police et doit se cacher.
Lorsqu'il rencontre Abdallah, Genet est en panne d'inspiration et croit sa carrière terminée, alors même qu'elle est déjà reconnue, aussi bien en France qu'à l'étranger. le jeune homme va lui redonner le goût à la vie et à l'écriture. Après avoir séduit l'artiste, il va vouloir faire de son nouvel amant un extraordinaire funambule. Pour cela, il ne va pas lésiner sur les moyens. Comme Abdallah est convoqué pour partir renforcer les troupes en Algérie, il décide de fuir avec lui à travers l'Europe pour trouver un entraîneur capable de lui faire réaliser un brillant numéro. Mais cette recherche de la perle rare va s'avérer vaine. C'est alors que l'écrivain décide lui-même d'endosser ce rôle et travaille d'arrache-pied avec son poulain. Jusqu'à réussir dans cette entreprise très risquée. C'est un triomphe un peu partout où le funambule se produit. Jusqu'à un premier accident qu'il réussira à surmonter après une opération et une volonté acharnée de remonter sur son fil. C'est alors qu'une seconde chute brisera son genou, mettant fin à une carrière qui s'annonçait brillante.
Rémi David va alors raconter les doutes et la dépression, la fin de leur relation et le drame qui suivra. Mais le primo-romancier souligne surtout l'imbrication de cette relation avec l'oeuvre de Jean Genet, en particulier le funambule et Les Paravents, nourris de cette expérience. Il réussit parfaitement son entreprise de re-création, donnant chair aux personnages en incarnant cet épisode lumineux et tragique, inspirant et désespéré. Dans ce roman, on retrouve l'effervescence des années 1950-1960. Sur fond de Guerre d'Algérie, on y croise Juan Goytisolo, Giacometti et Sartre, le poète Olivier Larronde, mais aussi Gaston Gallimard ou encore Georges Pompidou. On y lit aussi les ressorts de l'oeuvre de Jean Genet, plus «vrai que nature» dans ce roman qui nous permet de revisiter une oeuvre importante, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités.


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Dans son premier roman "Mourir avant que d'apparaître" (Gallimard), qui parait cette semaine en librairie, dans le cadre de la rentrée littéraire 2022, Rémi David recompose avec une grande puissance l'histoire d'amour et de fascination réciproque entre Jean Genet et Abdallah, un jeune funambule virtuose largement façonné par le poète.

Le texte, court mais intense, retrace le parcours de Abdallah, Algérien de 18 ans qui vit à Paris de petits boulots après avoir été acrobate chez Pinder. Il rencontre Jean Genet, 45 ans, alors au fait de sa gloire et de son charisme. Les deux hommes entretiennent une liaison passionnée et, fasciné par l'agilité d'Abdallah, Jean Genet entreprend de hisser son amant au sommet de son art et de lui ouvrir les portes de la gloire.Il faut dire qu'en 1955, avec sa rencontre avec Abdallah Bentaga, Jean Genet sort d'un long tunnel de stérilité, et va vivre grâce à cette relation non seulement sa plus belle et plus dramatique histoire d'amour, mais aussi sa période la plus riche pour le théâtre : le Balcon, Les Nègres, Les Paravents ainsi que le poème le Funambule véritable ode en vers au jeune artiste.

Le roman interroge de manière parfois candide mais avec énormément d'acuité et de finesse la nature vampirique intrinsèque du génie artistique et l'ambiguïté et l'âpreté des sentiments de Jean Genet pour ceux qui l'admiraient. Un très beau premier roman!

Rémi David a remporté avec ce livre le prix international Robert-Walser 2022, qui récompense un premier ouvrage en prose, un prix largement mérité , au vu de la grande qualité littéraire de l'oeuvre! Merci à Babelio et gallimard ( ce livre est reçu grâce à opération masse critique)
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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critiques presse (1)
LePoint
09 septembre 2022
Pour son premier roman, Rémi David s’empare en funambule de cette mythique histoire d’amour.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Mourir avant que d’apparaître est une œuvre de fiction, un roman. En aucun cas un travail d’historien ni une biographie de Genet.
Si le texte met en scène des personnages ayant réellement existé, s’appuie sur des témoignages, s’inspire d’une histoire vraie, il offre de cette histoire une réécriture qui ne s’interdit ni de combler par la fiction les silences des biographies en inventant certaines scènes manquantes, ni de prendre des libertés avec les faits en faisant par exemple prononcer par Genet des paroles qu’il a en réalité écrites. C’est donc une interprétation qui est livrée ici et qui ne saurait prétendre au mieux qu’à la vérisimilitude.

Sur une photo en noir et blanc qui date de quarante-huit, Abdallah a douze ans. Il se trouve au sommet d’une pyramide humaine, bras et jambes écartées, devant le rideau en velours du cirque Pinder. Dans l’édifice de chair, portant le même costume étoilé, on voit le jeune Ahmed. Son grand ami.

Ils s’étaient rencontrés deux ans auparavant, en fin d’une journée qui eût été presque belle si Abdul – on l’appelait ainsi, au cirque – n’y avait été par sa mère abandonné.
C’était une grosse Allemande qui souffrait de diabète. Ses chevilles étaient gonflées, l’obligeant à se déplacer à l’aide de deux béquilles. Elle parlait un français fort approximatif et à l’accent marqué.
— Je te laisse, Abdallah, dit-elle ce jour-là. Sois sage et sois gentil.
Ce furent ses derniers mots avant de s’en aller.
Le gamin suivit des yeux la marche lente de cette femme qui s’éloignait, sa mère, ponctuée par le sifflement sonore de son souffle asthmatique. Avant qu’elle ne lui tourne tout à fait le dos, il crut lire sur son visage l’esquisse d’un sourire, mais n’en fut pas certain. L’affection, la tendresse étaient des qualités qu’elle ne possédait pas.
Le patron de Pinder, un grand gaillard joufflu, moustachu et musclé, qui sentait la sueur, avait la main posée sur l’épaule du garçon et regardait aussi la boiteuse qui partait.
Elle avait appris, le soir précédent, le passage d’un cirque. Ce fut par une annonce clamée au mégaphone, faite d’une voiture qui sillonnait les rues pour en faire la réclame : Pinder, un spectacle extraordinaire.

Abdallah connaissait les bases de l’acrobatie, qu’il avait pratiquée un peu avec son père, un Algérien, en Kabylie. À peine arrivé en France, après la guerre, il disparut, du jour au lendemain. Avant de quitter à jamais leur taudis, un soir qu’il était rond comme un ballon, il s’en était pris violemment à Abdul.
— Ce gosse n’est qu’un sale fils de pute. Naal dine oumouk !
La mère s’était interposée, faisant un bouclier de son corps obèse pour protéger l’enfant : le père tentait de le frapper avec une chaise. En pleurs, Abdallah dut sortir pour éviter la charge.
Il marcha deux longues heures dans leur quartier fait de baraques en bois et de cabanes en tôle. À son retour, son père était parti. Il ne le revit jamais. Il semblerait qu’il soit mort quelques jours plus tard, le corps planté au couteau dans une rixe qu’il avait déclenchée, entre immigrés italiens et algériens. Sa femme accueillit la nouvelle comme elle accueillait tout : avec indifférence.
Ne voyant comment nourrir son marmot seule, elle eut tout à coup l’idée du cirque. C’était tout de même une déchirure, leur laisser son enfant. Quelle mère était-elle pour leur confier Abdallah ? Mais que faire d’autre ? Elle n’avait pas de salaire, vivait dans la boue d’un bidonville, n’avait plus le moindre espoir de trouver un travail, avec son handicap. Elle pouvait bien se passer de manger certains jours, mais l’imposer à son fils pour le garder auprès d’elle, était-ce lui rendre service ?
Abdallah écouta sans rien dire, sans pleurer, les mots confiés par sa maman au patron de Pinder. Dès qu’elle eut disparu de leur champ de vision, le moustachu aux odeurs de sueur ôta la main de son épaule. D’un geste brusque, il désigna à Abdallah, un peu perdu mais souriant, la première cage à nettoyer. C’était celle des lions, puisque les bêtes étaient au travail sur la piste.
C’est dans cet univers de fauves qu’il fit la connaissance d’Ahmed. Marocain, le même âge que lui mais sept mois d’expérience, déjà, avec Pinder. Il apparut dans la cage à sa rescousse et lui montra où on rangeait la fourche, les seaux, où jeter le purin, où trouver un point d’eau, quelles latrines récurer. Il lui offrit aussi une cigarette, chapardée secrètement au lanceur de couteaux, un raciste. Le cirque, en apparence si différent du monde, n’échappait pas aux préjugés du monde.
Les deux enfants, derrière une caravane, fumèrent ensemble leur trésor dérobé. Ahmed était bavard, Abdallah écoutait. C’était le début de leur belle amitié.
L’un et l’autre travaillaient sans relâche. Ils n’étaient pas payés, mais logés et nourris, ce qui était quelque chose, comme le leur répétait le patron de Pinder à longueur de journée.
— Et si vous bossez bien, à la fin de la tournée, vous pourrez même garder votre costume de spectacle, avec les épaulettes et leurs jolies dorures !
Ahmed et Abdallah ne ménageaient pas leur peine. Ils nettoyaient la piste, déblayaient les gradins, nourrissaient les lamas, les zèbres, les éléphants… et très souvent aussi se farcissaient la plonge. Entre-temps, ils s’entraînaient, perfectionnaient ensemble leur jonglage, répétaient les acrobaties annoncées tous les soirs par Monsieur Loyal comme le célèbre numéro des sauteurs maghrébins. Sous les applaudissements du public, leurs corps d’enfants trop musclés pour leur âge multipliaient les équilibres au sol, les saltos, les pirouettes et les sauts périlleux, les élévations, les dévissés, les colonnes…
Ils étaient tous les deux de très bons acrobates. Abdallah avait une façon de s’élever dans les airs très vive. Ahmed était aussi un excellent sauteur, dans un style différent et plus lentement chorégraphié. À la fin du numéro, sur un roulement de caisse claire dramatisant son ascension, comme une montée à l’échafaud, Abdallah se plaçait en haut de la pyramide, bras et jambes écartés, avant d’en être catapulté sur un coup de cymbale. Le spectacle ensuite se poursuivait, suivant les soirs, avec Weyland ou la belle Diane, deux trapézistes.
Diane avait beaucoup d’affection pour Abdul, qu’elle appelait son habibi — il lui avait appris ce mot arabe qui veut dire « mon chéri ». De dix ans leur aînée, elle était de ceux, avec Weyland, qui le soir tombé quittaient leur caravane pour venir sous la tente des sauteurs maghrébins, logés à part dans le campement du cirque. Ils écoutaient sans comprendre, souvent, les histoires en arabe, les blagues qui se racontaient et ils riaient d’entendre les autres rire. Ils s’efforçaient aussi d’apprendre de petits mots. Habibi, salam, labass, bslama, choukran… On ne se comprenait pas dans les moindres détails mais on s’appréciait fort sous la tente des sauteurs, qui sentait bon le kif, la bonne humeur et le thé à la menthe.
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Genet ne se contentait jamais, quand il aimait, de vivre avec quelqu'un. Vivre une histoire d'amour, ça n'était pas assez. C'était bien trop banal, c'était sans intérêt. Il s'agissait plutôt, grâce à l'amour, de créer quelque chose qui, jusqu'alors, n'était rien. Faire quelque chose de quelqu'un. C'était ce qui lui plaisait. C'était ce qui l'excitait.
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Tel un mystagogue des temps reculés, Genet invite le jeune homme vers ce qu'il pourrait devenir. Persuadé qu'Abdallah peut briller, il encourage à poursuivre dans son art sans relâche, dans cette quête, pour se réaliser, se révéler à lui-même. C'est là l'enjeu de tout art.
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Certains trouvent dans le voyage une énergie nouvelle, salvatrice dans laquelle ils vont pouvoir puiser. Le moi catapulté dans un tout autre ailleurs reconquiert des assises, il se redéfinit, se tourne vers les autres, puis il relativise la souffrance qu'il endure. C'est une chance. D'autres comme Abdallah, s'avèrent bien incapables de vivre ainsi le voyage et ne se retrouvent que plus terriblement face à eux-mêmes, à ce qu'ils fuient, face à leurs peurs, à leurs contradictions, à leurs déceptions. Ils se sentent en voyage encore mille fois plus seuls qu'ils ne l'étaient avant de larguer les amarres.
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Ce rêve commun inspira à Genet l'un de ses plus beaux textes, Le Funambule, un poème en prose qui est tout à la fois une lettre d'amour, tendre et très délicate, écrite à son amant, un portrait d'Abdallah ainsi qu'une réflexion sur l'art.
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Vidéo de Rémi David
"Le tyran des mots" de Rémi David et Valérie Michel, éditions motus
Dans un royaume lointain, un horrible tyran persécute son peuple. Redoublant d'imagination pour conserver son trône, il décide un jour d'interdire aux habitants de prononcer certaines lettres ou certains mots. de fil en aiguille, des mots disparaissent vraiment, puis des émotions et même des pensées. Une fable qui rappelle combien la liberté de pensée et liée aux mots, et aux idées qu'ils véhiculent. Mis en mots par Rémi David et sublimé par les illustrations de Valérie Michel, ce roman graphique interpelle par son sujet et la justesse de son ton. Un auteur, une illustratrice et un éditeur normands pour une collaboration réussie !
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