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Critique de Eskalion


RAMBO. John RAMBO. Ça vous dit forcément quelque chose? Impossible que vous ne connaissiez pas ce nom, qu'immédiatement vous n'ayez pas en tête l'image de ce personnage ,un poignard entre les dents ou un fusil d'assaut dans les mains.

Un film qui devait en annoncer d'autres nettement moins intéressants et qui devait lancer dans les étoiles la carrière d'un certain Sylvester Stallone.

Mais saviez vous que cette histoire n'était pas née dans l'esprit d'un scénariste Hollywood mais bien dans celui d'un écrivain? Cet écrivain, c'est David Morrell . Auteur canadien bien connu outre-Atlantique, qui a déjà signé plusieurs romans à succès.

Pour notre plus grand bonheur les éditions Gallmeister réédite cette année, dans une nouvelle traduction, ce premier roman de l'auteur qui date de 1972 . L'occasion pour le lecteur de découvrir ce personnage tel que David Morrell l'avait réellement imaginé.

Rambo est rentrée de la guerre. Il marche le long des routes, avec ce qu'il reste de sa vie en bandoulière et pour seule boussole son instinct qui le conduit à travers le pays. Mais dans cette région agricole qu'il arpente, on n'aime pas les vagabonds ni les cheveux longs.

Dans la petite ville de Madison, c'est au shérif Teasle qu'il incombe de veiller à ce que la quiétude des braves gens ne soit pas perturbée par la présence en ville de routards et autres marginaux en vadrouille. Aussi, quand il tombe sur Rambo, il l'invite prestement à monter dans sa voiture de patrouille et le reconduit immédiatement à la sortie de la ville.

De la rencontre de ces deux hommes viendra la déflagration. Rambo reviendra en ville, sera à nouveau intercepté par le shérif pour finalement être arrêté et déferré devant un juge. Jusqu'au drame qui va tout déclencher : Rambo tue un adjoint du shérif et s'enfuie dans la forêt toute proche.

Dès lors la chasse à l'homme peut commencer et les rouages du cataclysme à venir se mettre en branle.

Le roman de David Morrell est très différent du film qui s'en est inspiré. Il s'en démarque d'abord par la violence qui s'y déchaine. Si dans le film Rambo ne cherche pas à tuer, dans le roman, à l'inverse, il ne cherche pas à épargner . La mort est omni présente et les cadavres jonchent les chapitres.

L'autre différence tient à la peinture des personnages. Rambo n'est pas ce taiseux un peu bourrin qui ne serait juste qu'une machine à tuer tel qu'il est dépeint dans le long métrage. Il a une conscience assez aiguisée dans le texte de Morrell, il réfléchit aux raisons du drame qu'il est en train de provoquer et aux conséquence de ses choix.Il s'exprime, parle, ressent les choses jusque dans sa chair.

Quant au shérif, présenté comme un plouc, bête et méchant dans le film, c'est un tout autre personnage qui se dessine sous la plume de l'auteur.

Plus âgé que Rambo, c'est lui aussi un vétéran et un héros médaillé. Lui a gagné sa guerre ( de Corée) quand Rambo est en train de perdre la sienne ( au moment où le roman est écrit la guerre du Vietnam n'est pas encore terminée).

Un homme qui ne transpire pas la haine, mais qui fort de son autorité et de son expérience décide de ce qui est bon pour sa communauté, et qui ne supporte pas de voir celles ci remises en cause . Accroché à cet ordre qui semble tenir lieu de bouée à son existence , Teasle veille sur sa ville.

Malgré l'intransigeance du shérif vis à vis de Rambo, il aura pour lui une certaine compassion, avant que celle ci ne se transforme progressivement en un mélange d'admiration et de soif de vengeance. C'est un homme obstiné qui assumera jusqu'au bout ses choix, même au risque d'introduire la guerre au coeur d'une région qui s'en tenait jusqu'ici éloigné.

Dès lors on s'écarte de la vision manichéenne du film, et l' alternance volontaire des points de vue des deux protagonistes dans le livre va rendre difficile ,voire impossible l'émergence d'une empathie pour l'un des personnages .

Le lecteur assiste au cataclysme provoqué par ces deux hommes qui paradoxalement au fond d'eux ont une certaine forme de respect l'un pour l'autre, mais qui pris dans « leur » guerre iront jusqu'à une issue qui ne pourra qu'être funeste. Car ces deux hommes bien que vivants sont déjà, et depuis longtemps, de l'autre côté de la vie.

Le roman de David Morrell est remarquable. Si le film dénonce le problème sociétal du retour au pays des soldats du Vietnam, le roman s'axe cependant davantage autour de ces deux hommes qui en conscience vont progressivement s'abandonner à leurs pulsions meurtrières et retrouver leur instinct guerrier, incapables de renoncer au scénario qu'ils sont en train d'écrire.

Un retour vers la bestialité symbolisé par un Rambo qui s'enfuira nu de la ville, comme s'il abandonnait derrière lui le peu d'humanité qui lui restait, et qui se réfugiera dans une grotte, comme un retour à l'âge primaire de l'Homme. le décors épuré et magistral qu'offre la nature sauvage des lieux viendra amplifier ce sentiment.

David Morrell ne nous offre pas un duel entre deux têtes brûlées, deux abrutis gonflés à la testostérone. Leurs rapports sont bien plus complexes que cela.

Affrontement de deux Amériques, opposition générationnelle, rapport d'une société à violence qu'elle fabrique, relation au père, le roman ne manque pas de symboliques.

Un roman bien loin du film de Ted Kotcheff qu'il convient donc de lire pour rencontrer le véritable Rambo que nous croyons tous connaître, mais qu'il nous reste à découvrir !
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