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Critique de Soukiang


La vie tient souvent à un fil, à un détail près, le hasard, la destinée, une rencontre, pour le journaliste Raúl Pontes, il n'en fallait pas plus pour plonger dans l'histoire de sa famille imprégnée de secrets, de mensonges et à la recherche de la vérité ... dans la mémoire collective.

Pour son troisième roman, David Ruiz Martin a puisé dans les archives et les souvenirs de famillle pour nous concocter ce qu'il considère comme son roman le plus intimiste et personnel.
Bien qu'il ait quitté Madrid à l'âge de 3 ans, l'auteur désormais installé en Suisse n'a jamais oublié ses racines.
L'occasion de revisiter un pan du passé de ses ancêtres et de rendre hommage à sa ville natale.

Je remercie chaleureusement l'auteur pour l'honneur de m'avoir fait découvrir son livre auto-édité, je tiens à souligner un travail exceptionnel pour la mise en page exemplaire et d'avoir retranscrit toutes les traductions des dialogues espagnols en bas de page.
Ce qui a rendu ma lecture des plus agréables et captivante pour en apprécier toutes les nuances et ressorts dramatiques, toutes les subtilités de la culture d'un pays.

La narration à la première personne du personnage principal, Raul Montes, place le lecteur dans une position de proximité, une confidence sur mesure, une familiarité pour coller au plus près de ses sentiments et de ses convictions, dès le début de l'histoire, il ne m'a pas fallu longtemps pour adhérer et m'attacher à ce personnage pour le moins atypique, d'une grande sensibilité et tiraillé par un environnement familial étouffant et envahissant.
Le risque de vouloir ancrer la trame d'une histoire dans un fil conducteur d'un passé révolu est la crédibilité et le réalisme récurrent de l'époque, épargner le déséquilibre structurel qui peut naître entre passé et présent, trouver l'harmonie pour intégrer ces rémanences dans la contemporaneité, l'auteur a su magistralement faire naître chez son lecteur, l'envie d'en découdre, d'en savoir toujours plus.
Une lecture qui m'a pris quelques heures tant la plume est maîtrisée, généreuse, éprise d'empathie pour tous les personnages.

L'émotion à fleur de peau est un ressenti d'ordre personnel, réussir à capter l'attention et la compassion avec autant de brio, je n'hésite pas à qualifier ce roman de coup de coeur, une littérature qui renoue avec les frasques d'un sombre passé d'un pays, la tragédie de tout un peuple, déchiré par des mouvances populaires de grande ampleur, baignant souvent dan l'incompréhension et la torpeur générale, la folie des hommes, les grandes manoeuvres manipulatrices qui ont trahi, révolté des couches de population et dont les effluves, les blessures sont encore aujourd'hui béantes, vives dans l'esprit de tous, de grands bouleversements qui ont traumatisé à jamais des générations, les griffes du passé n'ont pas fini de tourmenter les vivants et de torturer l'âme des défunts.

Les apparences sont trompeuses, la réalité souvent tronquée, les mensonges délibérés pour le plus grand malheur des victimes, une ambiance survoltée pour un climat oppressant, un contraste saisissant avec l'effervescence d'une ville, ses quartiers hauts en couleur, ses couleurs bigarrées, son précieux et inestimable patrimoine, ses nuits d'ivresse, sa vitalité et sa propension à suivre sa voie, ses personnages originaux et riches en contradiction, l'alternance des époques, le miroir d'une société, l'histoire se répète, l'auteur prouve qu'il maîtrise son sujet pour toucher au plus juste et avec toute la compassion profonde chez ses personnages, un travail de recherche et de documentation avérée, des dialogues qui font mouche pour introduire des pistes de réflexion, un rythme qui ne faiblit pour ainsi dire jamais, des révélations qui insufflent une nouvelle orientation au récit, une inspiration, une âme en devenir.

Jamais dans la certitude, les doutes l'assaillant en permanance, pris entre deux feux, le protagoniste n'aura de cesse de se chercher, une quête initiatique et identitaire qui va le mener très loin face aux soubresauts, aux épreuves de la vie personnelle et professionnelle, Raul saura-t-il tracer son destin ? Peut-il se fier à son instinct ? Sa jeunesse va-t-elle le sauver ou le faire sombrer ?

Des questions existentielles qui donnent du relief à la dynamique intrinsèque qui habite tous les personnages du roman, c'est rare pour le souligner mais ils ont tous une histoire touchante à laquelle on peut aisément s'y trouver ou se retrouver, ce qui croît la cohésion et la crédibilité des liens fraternels ou amicaux.
Une plaie jamais refermée, un héritage douloureux, le poids du passé et des souvenirs de la honte, tout le long du roman, cette sensation de voir planer cette ombre surgie des affres et des entrailles de la terre souillée, avilie par de sombres et funestes desseins.

Les relations trans-générationnelle, l'importance de raviver et de ne jamais oublier, le temps qui passe, la transmission du savoir, le travail et le devoir de mémoire, les enjeux sont de taille pour se réconcilier avec soi-même, pour faire la paix avec ses fantômes de l'histoire avec un grand H, l'amour qui flirte avec la mort, l'amertume et le remords qui emprisonnent l'esprit, les prises de position pour accréditer la thèse du choix, rien n'est jamais linéaire dans la progression et la naissance d'une nouvelle vie, terre d'héritage et d'accueil pour renouer et avancer, le personnage personnage est à l'image d'un pays en pleine incertitude, en pleine mouvance, l'auteur situe l'intrigue dans une actualité récente et faisant écho à cette triste période de l'histoire du pays.

Une histoire qui touche un pays et ses frontières mais qui peut indéniablement se projeter dans d'autres civilisations, d'autres guerres, d'autres histoires tragiques qui ont secoué, chamboulé, la répétition pour occulter les erreurs, délivrer les mêmes avertissements et menaces à exécution, l'injustice, la colère, la décadence et les conséquences inimaginables qui ont causé les plus grandes pertes d'illusions, des rêves et des destins brisés, les larmes ne sont jamais loin, la stupeur, la terreur qui a pris possession des lieux, l'impuissance à stopper la machine de guerre impitoyable et infernale, l'enfer c'est les autres ...

Plus d'une fois, j'ai été littéralement submergé par l'émotion et les sentiments irrespirables pour surmonter la peur, les situations extrêmes dans cette atmosphère d'épouvante, inspirer, expirer, viscéralement scotché par l'ampleur et les vicissitudes vécus par les personnages.
Une lecture dont vous ne sortirez pas indemne, prégnante, bouleversante.

Je vous invite vivement à lire Je suis un des leurs de David Ruiz Martin, une plume, un style, une construction maîtrisée de toutes les ficelles narratives, tout le monde pourra se reconnaître ou s'identifier à travers cette galerie de personnages, les caractères et les stigmates d'une ville à la recherche du temps perdu, des habitants avides de retrouver l'optimisme et le bonheur, une histoire riche empreinte de communion et de fulfurances socio-culturelles, les liens invisibles qui unissent défunts et vivants, la deuxième chance, le destin est en marche ...

A noter, enfin, la très belle couverture mystérieuse et intrigante pour donner envie, pour éveiller la curiosité de découvrir les zones d'ombre d'une ville, entre passé et renaissance, la silhouette en filigrane étant l'un des fils conducteurs d'une passionnante histoire.

❤️❤️❤️

Coup de coeur pour Je suis un des leurs qui confirme encore une fois tout le talent de l'auteur à sortir de sa zone de confort, après deux thrillers en un huis-clos angoissant, le syndrôme du Morveux et Que les murs te gardent, une nouvelle corde à son arc pour l'auteur suisse qui monte et se rapproche du sommet des meilleurs auteurs auto-édités.
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