Elles se hissent piteusement puis se blottissent sous les serviettes. Leurs premiers regards sont encore absents, démunis et lointains, comme si elles avaient perdu quelque chose sous la surface. Mais c'est tout le contraire, elles ont gagné quelque chose, et ce quelque chose pousse sous la chaleur des serviettes. Et ce quelque chose trouve bientôt les mots pour se dire, ou tout au moins essayer de s'exprimer. La lumière regonfle les yeux, les sourires, les mains se tapent et les mots coulent enfin, libérés comme après la rupture d'un barrage.
Nosy hèle Rima et modifie la trajectoire. Dix minutes plus tard, une trentaine de dauphins escortent le bateau. Leur compagnonnage joyeux et tumultueux fait décoller les quatre humains et les emporte loin de la pirogue, du canal, des vacances et de la crainte du courant, des parents, de l'îlet, de l'heure du repas qui approche et du temps qui passe... Il les emporte au cœur du monde, et, l'espace de quelques minutes, les aventuriers aussi sont des dauphins. Un cétacé bondit hors de l'eau et retombe à trois mètres d'eux dans un fracas d'écume. D'autres l'imitent et les navigateurs applaudissent. La joie de ce moment est si intense que leurs bouches s'entrouvrent pour laisser sortir ce que le corps ne peut encaisser, sous peine d'exploser. Puis le groupe de cétacés s'éloigne d'un coup et vire au large. Disparus aussi soudainement qu'apparus, les dauphins laissent les marins hébétés.
Sur cette carte-ci, on voit bien que juste derrière l’îlet, il n’y a pas de barrière de corail. Comme si l’îlet était la barrière. Et il y a un dessin de marlin, un peu plus bas. Genre gros poisson pélagique.
Ici l’eau vit et grouille de créatures incroyables.
Ici est le monde.