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Critique de Osmanthe


Madame Otani, jeune femme de 26 ans, mère d'un enfant de 4 ans manifestement attardé, voit rentrer une nuit son alcoolique de mari dans leur miséreuse demeure…poursuivi par un couple, auquel il aurait volé de l'argent. Brandissant un couteau, il se sauve ! La laissant se débrouiller avec ces gens qui vont lui raconter le forfait et son contexte : ils sont tenanciers d'un bar et ont parmi leurs habitués Monsieur Otani, poète souvent sans le sou, qui a pris la fâcheuse habitude de ne pas payer ses consommations. Madame Otani apprend d'eux qu'il est souvent accompagné de femmes, et que sa dette envers l'établissement a pris une ampleur que les patrons aimeraient résorber. Si ce récit des aventures de son mari fait rire Mme Otani, qui ne semble pas surprise outre mesure, un minimum d'honneur exige que cette dette soit remboursée. Elle va donc s'y atteler dès le lendemain en se proposant à travailler gratuitement au bar. Elle va avaler quelques couleuvres, entre le mari qui se pointe pour s'attabler avec de nouvelles dames, des clients masculins pas toujours délicats, et la nécessité d'assumer la responsabilité du gamin, et d'éponger les dettes de Monsieur à la sueur de son front.

Comme la plupart du temps, Dazai commet ici un texte quasi-autobiographique. Très court, il s'agit en fait d'une nouvelle, dont la lecture est agréable. Bien sûr, on y trouve les aspects noirs de la vie de Dazai : la pauvreté, l'alcoolisme, le goût pour les femmes, son instabilité qui n'en font pas un père très fiable, cet homme fuyant ses responsabilités. On ajoutera que l'enfant attardé est aussi autobiographique, car un de ses enfants souffre en effet d'un handicap mental. Mais la narration est assez enlevée, grâce à l'heureuse insertion de dialogues finalement assez légers, qui viennent soulager la narration de Mme Otani.

S'il se glisse clairement dans la peau de M.Otani, poète assez connu, le tour de force de Dazai est de prendre comme narratrice la femme du poète. Il se met ainsi en quelque sorte à sa place, comme pour mieux comprendre ce que lui, Dazai, peut faire endurer à sa propre femme au quotidien. Son personnage masculin a écrit un essai sur François Villon, dont on connaît les frasques et la fin tragique. C'est en fait Dazai qui s'identifie à Otani qui s'identifie à Villon…Et si Mme Otani assume courageusement de laver l'honneur de son mari sans se plaindre, le seul moment où elle craque est justement à la vue du rapprochement Otani/Villon sur une affiche dans le train : « de voir ainsi accolés le nom de mon mari et celui de François Villon, je ne sais pourquoi, j'ai senti mes yeux s'embuer de larmes amères et je n'ai plus rien vu. »
C'est que Dazai est pétri de contradictions, se montrant irresponsable, dépensier, alcoolique et infidèle, et en même temps parfaitement conscient de ses terribles défauts, qui le minent de culpabilité et de remords, le poussant aux pensées et propos masochistes et suicidaires. Alors son procédé littéraire lui sonne comme une manière d'expier ses fautes. Au fond, ce n'est pas un mauvais bougre, et d'ailleurs, contrairement à une des critiques lues par ailleurs sur cette nouvelle, non non non, je ne pense pas que M. Otani soit un monstre violent, il ne semble pas qu'il lève la main sur sa femme. Simplement, il peut s'emporter quand il a bu, et de ce fait devenir dangereux.

L'écriture est comme toujours chez Dazai simple et classique à la fois, je dirais un style populaire de qualité. C'est un bon moment de lecture, un texte court, que j'aurai plaisir à relire un jour. Selon moi il n'est pas si noir, éclairé par des dialogues bien sentis et teintés d'une forme d'humour qui dédramatisent la situation.
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