Alba Nera,
Alba Nera dans la version originale parue en 2019, traduit par
Serge Quadruppani, a été publié par les éditions Métailié en 2022 dans la collection Bibliothèque Italienne. L'écriture est vive, taillée à coups de mots mêlant italien, langage familier et/ou neutre s'enchaînant à une cadence souvent échevelée: "L'adoration de Luisella pour le ballet avait quelque chose de pathologique. le mot lui-même offensait ses oreilles. Danse classique. Un rêve de petite fille, brisé par la maladie de maman et le goût du père pour les jeux virils. Elle avait été empêchée de fréquenter les cours, très bien. Elle était devenue, malgré elle, une bonne fleurettiste, bon, très bien. Mais maintenant qu'elle pouvait décider, danse classique comme s'il en pleuvait." (Page 159)..."Avec des gestes calmes et délicats, il la libère du chiffon crasseux. Dessous, elle est nue. Nue et couverte de blessures. Il retire son blouson et le serre autour de la poitrine décharnée, lui écarte une mèche de cheveux du front, elle est brûlante, ses lèvres sont crevassées et lui, il n'a pas une goutte d'eau. Une violente vague de compassion et une compatissante vague de violence le submergent." (Page 15).
Construction: le récit fait de constants allers-retours entre les années 2008-2009, époque à laquelle les trois compères sortaient tout juste de l'école de police et que le monde leur appartenait, et dix ans plus tard lorsqu'ils se retrouvent pour l'enquête sur un meurtre semblable à celui de 2009.
2008. Gianni, Dr Sax et Alba sortent de l'école de police. Ils sont les meilleurs et choisissent leur affectation. le monde leur appartient. Pourtant, ils ont échoué à résoudre un meurtre.
Dix ans plus tard. Gianni, devenu commissaire, reçoit un tuyau d'un indic. Il se pointe dans un hangar en dehors de son secteur, déclenchant un affrontement armé. Avec deux losers venus pour éliminer une fille. Jusque-là, rien d'inhabituel. Sauf que Gianni prend contact avec Alba et Dr Sax afin d'évoquer cette affaire qui lui rappelle le premier meurtre sur lequel ils ont enquêter. Leur premier échec.
Pour convaincre ses anciens amis, il énumère les similitudes: les noeuds. Les cordes. Les couleurs des rubans. Les blessures superficielles. Tout est identique. Même si cette fois la victime n'a pas été achevée d'un coup de couteau dans la carotide, tout leur rappelle la Petite Sirène tuée par di Corrado, surnommé le Monstre de la décharge. Ce dernier avait-il un complice qui reprendrait le flambeau? S'agit-il d'un émule? Ou alors, di Corrado était innocent et le véritable assassin est de retour...
Alba sent que quelque part se niche une fausse note. Pourquoi Sax fait-il tout ce qu'il peut pour réduire l'importance de l'affaire. Cela n'a pas de sens. A moins que...
Toute l'intrigue de
Alba Nera tourne autour des trois personnages principaux, charismatiques chacun à sa façon, chacun jouant un rôle au sein de leur trio: Gianni le gentil, l'honnête, le torturé aussi, consumé par l'amour non partagé qu'il voue à Alba depuis leur jeunesse; Alba, la femme énigmatique, manipulatrice et tentatrice, qui a fermé son coeur à tous sentiments qui pourraient lui faire perdre le contrôle d'elle-même, ce qu'elle ne peut envisager; Sax l'homme sympathique, bienveillant, tolérant, mais qui cache bien son jeu, car seule compte sa dévotion à son beau-père dont il est en réalité l'âme damnée; ce que les deux autres ne mesurent pas vraiment...Et c'est ce rôle que chacun joue qui détermine leurs actions, leurs décisions, la façon dont ils vont mener l'enquête: se font-ils confiance? Oui, parfois. Même s'ils ne devraient pas. En tout cas pas toujours...
Un roman puissant, non dénué d'un certain cynisme, à l'intrigue habilement menée, une plongée au coeur d'une Rome méconnue, loin des clichés des cartes postales et des manuels de tourisme. Une Rome dont de Cataldo connaît si bien les ruelles sombres, les recoins obscurs, là où se cachent des tortionnaires sadiques qui s'en prennent aux femmes, des marchands de chair humaine pour qui seul compte le profit, à n'importe quel prix. Une descente vertigineuse dans les catacombes du sexe et de la drogue. Une descente dont on ne ressort pas indemne...
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