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EAN : 9782251445014
658 pages
Les Belles Lettres (21/10/2014)
4.21/5   29 notes
Résumé :
Sans doute l'effondrement de la civilisation romaine n'eut-il ni l'uniformité, ni la fulgurance dont se plut à le parer l'imagerie romantique. La disparition de l empire d Occident n en fut pas moins le résultat d une submersion violente du territoire romain par des populations qui désiraient jouir de ses richesses sans adopter ses disciplines. Elle se traduisit, pour ses contemporains, par un désastre comme l histoire en offre peu d exemples.
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La fin de l'empire romain n'a jamais été un sujet de connaissance historique pure. Cette question-là fait surgir mille autres problèmes et polémiques, dès 410 et le premier sac de Rome par Alaric : du temps d'Alaric à Gibbon au XVIII°s, les penseurs anti-chrétiens ont fait du christianisme une des causes de la chute de l'empire. Les historiens nationalistes allemands, relayés au XX°s par les nazis, enseignaient que les peuplades germaniques qui envahirent l'empire le sauvèrent de la décadence. Plus tard, de nos jours enfin, on s'est plu, à gauche, à voir en ces Germains de gentils "migrants" pacifiques venus rajeunir le sang fatigué de la vieille Romanité. C'est dire que le sujet, qui concerne les IV°, V° et VI°s européens, n'est pas neutre.

Ce livre de Michel de Jaeghere est donc un ouvrage d'une brûlante actualité. Paru en 2014, en pleins débats sur la question migratoire, aux Belles-Lettres, ce qui est une garantie de sérieux et de qualité, il fait le point sur la question de la fin de l'empire romain d'Occident, après les analyses révolutionnaires (hélas relayées par des révisionnistes pro-"migrants") de Peter Brown. Brown avait raison de voir dans le Romanité de ces siècles-là non pas une décadence sans intérêt, mais un "nouvel empire" et un renouvellement de la culture et de la civilisation. Mais Brown, contrairement à ses épigones, n'a jamais affecté de voir dans les invasions barbares de pacifiques "migrations" de gentils étrangers. Il y eut des violences, des guerres, des destructions et des pillages, on assista à l'installation, sur le sol romain, de nations non-romaines venues là, non comme alliées sous contrat (foedus), mais invaincues, et selon leurs propres conditions. Plus frappant encore, à côté du récit de ces trois siècles politiques et militaires, Michel de Jaeghere nous montre l'effondrement démographique, la désertification des campagnes, la pénurie économique, la misère, la disparition du commerce, de la culture, de l'école. On cesse de vivre dans des cités ouvertes et sans remparts pour retourner s'enfermer dans des forteresses (oppida) abandonnées depuis la conquête de César. La loi, enfin, n'est plus celle qui s'applique à tout citoyen, mais chaque groupe et communauté a sa loi privée (privilège) et chaque membre est traité selon son origine ethnique (encore un sujet d'actualité). Bref, les données économiques, démographiques (attestées par l'archéologie), juridiques (attestées par les codes de lois du temps) etc, attestent qu'il y eut en Occident une chute violente de l'empire romain et de sa civilisation, et que les "migrations" furent un désastre. L'auteur, tenant compte des avancées de l'histoire selon Peter Brown, rappelle, en harmonie avec lui, un certain nombre de faits que certains intellectuels, ou politiciens comme Aillagon en 2008, on ne sait pourquoi, ont eu tendance à occulter. La lecture de ce livre est donc indispensable.
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Comme il s'agit d'un livre de 790 pages, très opportunément réédité dans une collection accessible, je n'ai nulle intention de résumer cet ouvrage bourré de références, comme il sied à un travail …. de Romain !
 

Cette époque troublée de la décadence de l'Empire romain d'Occident – de la seconde moitié du IVème siècle (avènement de Valentinien 1er en 364) à 476 avec la déposition de Romulus Augustule) me passionne depuis très longtemps car elle présente un certain nombre de caractères communs avec la nôtre, ce qui est parfois effrayant. En effet, « Nulle part en Europe et dans le monde méditerranéen, une société n'a été renvoyée aussi vite par la guerre, d'un niveau considérable de prospérité régionale et d'intégration économique à la situation d'une série de microsociétés réduites à une économie élémentaire » dit Chris Wickham.
Au-delà des vicissitudes compliquées des luttes aux frontières et de l'incapacité à défendre la civilisation contre les incursions des peuples barbares, le processus de dégradation et d'éclatement de l'Empire interpelle. C'est une époque d'empereurs fantoches dominés par des hommes forts, généralissimes d'origine le plus souvent étrangère, qui ont souvent vécu plusieurs années à la cour romaine comme otages et en connaissent la culture et les techniques de combat et se démènent pour négocier, dominer, s'enrichir, s'entre-tuer pour conquérir et conserver le pouvoir : Fritigern, Alaric, Athaulf, Wallia, Stilicon, Constance, Aetius, Bauto, Arbogast, Bélizaire … Ils comptent plus que les empereurs-enfants et différents usurpateurs qui se succèdent à Milan, Trèves ou Ravenne, cette capitale protégée par ses marais méphitiques et ravitaillée par mer en cas de besoin.
Parmi les facteurs de la décadence, on note d'abord, et très naturellement, l'attirance irrésistible des peuples vivant au contact de l'Empire pour la richesse de la civilisation romaine. A la mort de Théodose en 395, Pictes et Scots en Bretagne, Frisons, Francs, Alamans, Vandales Silings, Burgondes, Marcomans, Alains au-delà du Rhin et du Danube, Vandales Hasdings, Gépides, Suèves, Goths (de l'est et de l'ouest) Huns, Perses au nord et à l'est, Maures au sud menacent la Pax Romana. Les Huns bousculent les peuples qui sont devant eux. Les Vandales sont restés tristement célèbres. Ce qui n'exclut pas les guerres opposant l'Empire d'Occident à l'empire d'Orient, qui lui survivra pourtant un millénaire de plus.
Les guerres, les pillages répétés ravagent les cultures, les liaisons maritimes qui permettaient l'approvisionnement en céréales sont coupées, les villes rétrécissent, disparaissent … Par manque d'argent pour recruter les troupes et les solder, les empereurs engagent des troupes barbares et  confient la défense de l'empire contre les invasions à des troupes non assimilées, laissées à la conduite de leurs propres chefs. Pour les rémunérer, on leur distribue des terres, ce qui aboutit à la formation de royaumes autonomes.
Pour faire face à l'effort surhumain que demandait, en hommes et en argent la défense de son immense territoire, l'empire n'a pas assez de population : il connaît structurellement une grave crise démographique : contrôle des naissances, mortalité infantile élevée, fréquence des divorces, stérilité due aux suites d'avortements, rien n'encourage, dans la société romaine, les citoyens à avoir des enfants. le christianisme n'est pas encore assez prégnant pour contrecarrer cette évolution.
Les razzias, les épidémies, la disparition de la matière fiscale, la corruption généralisée des élites qui ont perdu le sens de la fidélité à l'empire, la poussée des Huns sur tous les autres peuples puis le chaos suivant l'écroulement de l'empire d'Attila après sa mort … sont autant de facteurs provoquant l'effondrement de cet empire tant de l'extérieur que de l'intérieur… comme d'autres empires plus récemment.
« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » déclarait Paul Valéry en 1919. L'auteur cite aussi René Grousset : « Aucune civilisation n'est détruite du dehors sans s'être tout d'abord ruinée elle-même, aucun empire n'est conquis de l'extérieur, qui ne se soit précédemment suicidé. Et une société, une civilisation, ne se détruisent de leurs propres mains que quand elles ont cessé de comprendre leur raison d'être, quand l'idée dominante autour de laquelle elles étaient organisées leur est comme devenue étrangère. Tel fut le cas du monde antique.»
Les hommes étant gouvernés par les mêmes passions, la décadence de l'empire romain d'Occident a de quoi faire réfléchir …
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Ce livre n'est pas une histoire de plus des IV° et V°s romains, mais un livre qui, à travers le récit passionnant des événements de Valentinien au dernier Romulus Augustule, permet de réfléchir, une fois de plus, au thème du déclin et de la chute de l'empire romain d'Occident. Beaucoup d'historiens sérieux avaient critiqué à juste titre les notions de Bas-Empire, de décadence romaine, de chute de Rome. D'autres se sont penchés sur les Barbares pour découvrir qu'ils ne correspondaient pas à la description qu'en faisaient les Romains effrayés. De là à dire que les invasions étaient des migrations, que l'effet de la présence germanique en terre romaine ne fut pas si dramatique, il n'y avait qu'un pas que des journalistes et idéologues peu scrupuleux, désireux de promouvoir une propagande qui a tout à voir avec l'actualité mais rien avec Rome, ont franchi volontiers. L'histoire, même antique, peut servir parfois à des empoignades idéologiques de ce genre. Le mérite de cet ouvrage est de rappeler qu'il y eut vraiment régression, que le système de production et de société romain a cédé devant la présence des Germaniques en son sein, et que l'ensemble de la vie en Gaule, Italie, Espagne, Afrique, a profondément régressé. Les hommes sont retournés à des situations de vie pré-romaines, à la subsistance étroite, au sous-développement chronique, avec toutes les conséquences que peut avoir la disparition d'un état de droit qui ne peut intégrer des allogènes important avec eux leurs manières et leur propre droit.
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Dans cet ouvrage d'une très grande érudition, Michel de Jaeghere nous retransmet avec de nombreux détails la fin de l'empire romain d'Occident. Il dresse le portrait de la société et des institutions de la période trouble qu'on appelle Antiquité Tardive. Cet empire se voit obligé de lutter contre les peuples barbares qui viennent du Nord ainsi que contre l'empire romain d'Orient avec qui il a des démêlés religieux. Il analyse l'évolution de cette société, en y reprenant les points clés comme la politique, l'économie, les problématiques sociales ainsi que l'histoire militaire et n'hésite pas à remonter parfois au début de la période républicaine pour illustrer les modifications apportés par les siècles. Il explique aussi l'influence de la montée en puissance des populations germaniques et leur emprise sur le territoire romain. Cet ouvrage très complet et conséquent est exigeant à lire mais les informations qu'il nous délivre sont d'un très grand intérêt. C'est la première fois que je lis un ouvrage aussi complet sur cette longue période de trouble qui inaugure le Moyen Âge. Ainsi, si c'est un sujet qui vous intéresse, je vous recommande cette longue lecture.
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Je suis admiratif devant ce travail immense qui nous confirme encore une fois que des barbares sont des barbares et des invasions des invasions. C'est un livre à consulter posément sur un point précis ou une date car il est difficile d'assimiler plusieurs siècle d'une aussi vaste histoire.
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critiques presse (1)
LeFigaro
24 octobre 2014
Tout le mérite de Michel de Jaeghere, directeur du Figaro Histoire, est d'avoir su s'attaquer à ce sujet immense en le faisant avec la clarté d'exposition du journaliste. Il a relu toute la littérature consacrée à ce thème inépuisable et il a su nous donner un ouvrage remarquable par sa clarté et son esprit de synthèse.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Une "immigration salutaire", "promesse d'un monde nouveau" (citations de la directrice générale de l'exposition "Rome et les Barbares, 2008, Venise) ; ainsi redéfinies, les invasions germaniques finiraient, à vrai dire, par cesser d'être un sujet d'étude pour devenir le support d'une relecture idéologique destinée à rassurer ceux qui pourraient trouver, dans le spectacle des derniers siècles de la vie de l'empire romain, matière à réflexion sur la situation de l'Europe contemporaine. Y pointer des raisons de s'alarmer de la crise de civilisation qui pourrait un jour s'y produire. Les Barbares avaient provoqué la mutation la plus féconde, ils avaient accouché l'avenir.

Tout rapprochement, toute analogie entre notre situation et celle de l'empire romain finissant a longtemps été interdit, suspect d'arrière-pensées xénophobes. L'exposition du Palazzo Grassi en 2008 a marqué à cet égard un tournant. Son commissaire, très politique, assumait en effet pleinement le parallèle entre la vague d'immigration dont l'Europe est le réceptacle et la chute de l'empire romain.
... Or (...) ce que font apparaître les sources est pourtant que l'effondrement de l'empire romain s'est traduit, pour les peuples européens, par un désastre comme l'histoire en offre peu d'exemples.

p. 33
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Le confort dont avaient joui les habitants des villes, et le relatif bien-être des populations paysannes, avaient reposé, surtout, sur les échanges à longue distance qu'avait permis la paix romaine et qui avaient débouché sur une certaine spécialisation ; par elle, l'amélioration des rendements que suscite la liberté de ne produire que ce dont on a les capacités, les moyens. La productivité des terres avait été améliorée par la possibilité de choisir les cultures les mieux adaptées aux sols, la capacité d'obtenir, par l'échange, ce que l'on était soi-même incapable de fabriquer et de cultiver. L'insécurité grandissante réduisit au contraire les échanges au commerce local. Elles condamna, par là, des régions entières à un retour à l'économie de troc, alors même qu'en répandant largement dans la population des biens de consommation, des siècles de sophistication avaient détruit les savoir-faire et les réseaux d'entraide qui conditionnent la survie dans une société rudimentaire. (...) Disparut le bien-être qui avait pénétré les campagnes de l'époque romaine en permettant, partout, l'érection de maisons maçonnées, couvertes de toits de tuiles, dans lesquelles les familles paysannes habitant en Italie du nord pouvaient utiliser des batteries de cuisine en céramique fine, décorée, venue de Campanie, stocker du vin importé d'Egée dans des amphores fabriquées en Afrique. Leur succédèrent des maisons de bois venteuses,infestées d'insectes, aux toits disjoints, au sol de terre battue, où la cuisine n'était faite que dans de grossiers "fait-tout" en céramique friable, où chaque communauté villageoise tentait de survivre en quasi-autarcie.

pp. 526-527
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Comme toutes les césures de l'histoire, celle de 476 fut bien entendu relative. Il y avait longtemps que la cour de Ravenne n'avait plus guère d'influence au-delà des frontières italiennes. La Bretagne était livrée à elle-même depuis le règne d'Honorius. Les provinces africaines avaient échappé au contrôle du gouvernement central en 439, lors de la chute de Carthage. Les régions alpines et danubiennes ne recevaient plus, dès le milieu du cinquième siècle, aucune assistance militaire du gouvernement. Les royaumes barbares de Gaule et d'Espagne se comportaient en principautés indépendantes depuis l'échec de la tentative de reconquête de l'Afrique (468). La déposition de Romulus Augustule ne fut pas la cause de la désagrégation de l'empire d'Occident. Bien plutôt son ultime aboutissement.
Elle ne marqua pas, non plus, la fin brutale de la civilisation gréco-romaine.
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Devant les vagues d'invasion suscitées, tout au long du limes, par la poussée des Huns, l'erreur de l'Occident fut de conjuguer les risques en confiant sa défense à des troupes barbares laissées à la conduite de leurs propres chefs. C'était constituer, sur son sol, une féodalité étrangère, et couvrir du prétexte d'une mission officielle la présence d'armées rebelles à l'idée même d'unité romaine. Programmer, par là même, le fatal engrenage de sa dislocation.

L'empire d'Occident n'a pas été envahi de vive force au terme d'une irrésistible invasion. Il a péri d'avoir placé son sort entre les mains de ceux-là mêmes qui avaient forcé ses frontières. De s'en être remis à d'anciens adversaires qu'on n'avait pas été capable de vaincre, et dont on n'avait pas pris le temps de faire des citoyens romains.

p. 583
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L'histoire du déclin et de la chute de l'empire romain est l'une des plus fascinantes qui soit parce que chaque époque s'est demandé si cette histoire ne pourrait pas un jour devenir la sienne. Il est certes bien vain de croire que l'on peut, par simple analogie, dessiner les lignes de l'avenir. L'Histoire n'est pas une science expérimentale : elle ne se répète pas à l'identique. Il n'est pas moins absurde d'en négliger les enseignements.
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