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Critique de berni_29


Impossible est le dernier roman d'Erri de Luca, auteur qui m'est si cher.
En voici le sujet. Nous sommes en Italie, dans la région montagneuse des Dolomites. Un homme plutôt âgé chute dans le vide, au passage d'une vire. Derrière lui, un autre homme tout aussi âgé donne l'alerte. Malheureusement, il n'y a plus rien à faire, celui qui est tombé n'a pas survécu à cette chute vertigineuse. Or, il s'avère que les deux hommes se connaissaient, tandis que celui qui a donné l'alerte indique que cette rencontre sur ce chemin escarpé est totalement le fruit du hasard. Ce dernier, par ailleurs alpiniste chevronné, devient brusquement un suspect aux yeux de l'enquête...
En effet, ils se connaissaient, ayant été tous deux très proches l'un de l'autre dans un passé désormais lointain, ils furent des amis, notamment lors de leur engagement politique au sein d'une organisation révolutionnaire clandestine. Puis, celui qui a chuté dans le ravin s'avère avoir été un traître pour l'organisation, entraînant celui qui est suspect à des années d'incarcération... Alors, cette rencontre au détour d'un sentier abrupt, est-ce une simple coïncidence ou bien un traquenard savamment orchestré ? C'est ce que cherche à savoir le jeune magistrat dépêché sur cette affaire.
Le roman est une forme de huis-clos. Nous assistons à l'interrogatoire du principal témoin par le magistrat chargé d'instruire l'enquête. Très vite, le témoin devient suspect et les questions deviennent à charge contre lui. Alternent les interrogatoires avec un magistrat très offensif, au-delà peut-être de ses prérogatives et la détention provisoire du témoin, le narrateur, qui se confie à la femme qu'il aime en lui écrivant et qu'il appelle Ammoremio.
La forme du récit est originale, puisque les pages relatant l'interrogatoire présentent une typographie de type policière, comme saisie à la machine à écrire et restituée telle qu'elle par le greffier présent, tandis que les pages plus intimistes où le narrateur s'adresse à sa bien-aimée sont d'une typographie italique.
Nous retrouvons ici les thèmes chers à Erri du Luca : l'amour, l'amitié, l'engagement politique, le militantisme, la résistance, la transgression, la montagne, la liberté, la solitude aussi...
L'entretien avec le magistrat est une lutte acharnée d'une tension extrême, un peu comme deux cerfs mêlant leur bois dans un combat sans merci... Cela ressemble à une sorte de jeu du chat et de la souris dans lequel le juge cherche à faire tomber le suspect dans les pièges tendus, mais ce dernier ne se laisse pas faire, s'ensuit un bras de fer sans concession l'un pour l'autre. Nous assistons à des joutes verbales qui auraient toute leur place dans une scénographie théâtrale...
Une étrange relation se noue et se dénoue entre le juge et le suspect...
Dans cet échange, le narrateur cite un proverbe oriental : "quand les eaux montent, la barque doit en faire autant". Dans ces mots sans doute se résume toute la tension narrative du roman.
Si le récit est d'une rare maîtrise, une histoire construite avec intelligence, cela me semble-t-il a un peu nui à la grâce poétique habituelle qui m'a si souvent séduit chez Erri de Luca. Les scènes de l'interrogatoire m'ont paru parfois un peu artificielles, d'une rigueur froide et mécanique où j'avais du mal à entrer en empathie avec le suspect. J'attendais avec impatience que celui-ci regagne sa cellule pour m'engouffrer dans les respirations épistolaires et amoureuses avec sa bien-aimée, Ammoremio.
Il m'a sans doute manqué ici un petit quelque chose pour que je puisse être emporté par la grâce vertigineuse et solaire dans laquelle cet auteur m'a si souvent entraîné...
Cela dit, j'ai retrouvé de manière intacte les valeurs d'humanité auxquelles adhère cet écrivain sans compromis.
Je remercie Babelio et les Éditions Gallimard de m'avoir donné l'occasion de lire ce roman en avant-première.
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