Rappelez-vous Sindbad, ce marin d'une poignée d'histoires des « Contes des mille et une nuits ». Erri DE LUCA le fait revivre le temps d'une pièce de théâtre. Seulement son Sindbad à lui nous est contemporain et capitaine d'un bateau plein de migrants à fond de cale. Destination : l'exil, le refuge, la paix. Ils sont nombreux à fuir la guerre et à s'entasser clandestinement dans le rafiot bien qu'ayant payé leur place. Mais le voyage risque d'être périlleux. Parmi ces passagers une femme enceinte. Sindbad accueille ces clandestins, les prévient du danger, y compris pour lui.
Sur le livre de bord, les réfugiés sont comparés à des caisses. Ils SONT des caisses. de la marchandise à livrer. Dans cette pièce, DE LUCA met en avant les croyances alors qu'une tempête s'abat sur le bateau. Les idéaux utopiques d'un pays que peut-être les passagers rejoindront, et le triste retour vers des réalités prochainement bien plus terre à terre : « Tu es opposé aux armes, tu es une colombe ? ».
Le capitaine Sindbad égrène ses souvenirs. Vus par DE LUCA ils sont forcément superbes et font flamboyer l'oeil « Un jour, il y a bien des années, j'ai connu un marchand de colombes pendant une tempête. Il s'était embarqué à Jaffa et voulait aller en Occident. J'étais alors un jeune moussaillon et quand les paquets de mer se sont abattus sur nous, on m'a mis sur le pont pour jeter l'eau des plus grosses vagues par-dessus bord avec un seau. Je rendais la mer à la mer, c'est ce que je pensais à chaque lancer pour me donner du courage : voilà, reprends-la, elle est à toi. Je n'avais pas d'expérience et je tutoyais tout le monde, le ciel, le vent et la mer ».
Pièce de théâtre en deux temps, dix scènes pour le premier, cinq pour le second. La musique accompagne cette difficile traversée, une danse improvisée doit être réalisée, sans quoi « Danse, l'homme, tu es l'hôte de la mer, tu vas la vexer ».
DE LUCA se préoccupe depuis des décennies du sort des migrants, c'est d'ailleurs pour lui un vrai combat, que l'on croise dans nombreux de ses écrits. Il est définitivement marqué par cette lutte pour la survie des exilés, mais aussi cette lutte pour les accueillir dans les meilleures conditions possibles. DE LUCA met souvent l'accent sur les scènes avant l'arrivée en terre promise, c'est-à-dire les scènes de traversées, ces épiques épisodes maritimes. Il a écrit cette présente pièce en 2002. S'il a choisi la figure de Sindbad, c'est parce que, indique-t-il en préface « J'ai emprunté un marin aux mille et une nuits pour le faire naviguer sur Notre Mer avec le chargement de la plus rentable des marchandises de contrebande : le corps humain. Il n'a pas besoin d'emballage, il s'entasse tout seul, son transport est payé d'avance et pas à la livraison ».
Ce récit a attendu 2016 pour être traduit et publié en France. C'est, prévient DE LUCA, la dernière traversée de Sindbad qui s'en ira rejoindre Les Milles et Une Nuits. « Ici, Sindbad en est à son dernier voyage. Il transporte des passagers de la malchance vers nos côtes fermées par des barbelés ».
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Brève pièce de théâtre, où De Luca dénonce la situation des réfugiés qui tentent d'aborder les côtes italiennes. Lorsque les garde-côtes ouvrent le feu, il fait dire à son personnage Sindbad, voici l'accueil de l'Europe, cette maison de fous.
Une pièce de théâtre sous forme de conte qui évoque un voyage de migrants venus rechercher la liberté en Europe.
Un thème cher à Erri de Luca qui mêle ici conte et actualité.
Intéressant pour le message mais ce n'est pas un coup de coeur pour moi.
Une brève pièce de théâtre pour dire en un éclair l'infamie de la politique anti-migrants.
Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/05/29/note-de-lecture-le-dernier-voyage-de-sindbad-erri-de-luca/
LE CAPITAINE : Je ne descends jamais dans la cale. Ça me fait drôle de voir des femmes à bord. Elles font penser à la terre ferme.
LE MAÎTRE D’ÉQUIPAGE : C’est sûr, capitaine, avec elles on a l’impression d’avoir débarqué. Ma bonne femme est toujours prête quand je reviens. Je passe la porte et il y a déjà une poule au four, le plat que j’aime. C’est une sorcière, elle sait le jour et l’heure de mon arrivée. Moi, je ne le sais pas, mais elle oui, elle me sent de loin.
LE CAPITAINE : Eh ! C’est pas difficile. Essaie de te laver un peu plus souvent.
LE MAÎTRE D’ÉQUIPAGE : En se lavant à l’eau de mer, on développe encore plus son odeur.
LE CAPITAINE : Elle se développe aussi avec l’ail que tu croques tout cru.
LE MAÎTRE D’ÉQUIPAGE : Contre les vers et contre les esprits, les vieux bateaux ont plus de fantômes que de rats.
LE CAPITAINE : C’est à peine s’ils te chatouillent, tu les fais fuir en crachant dessus. Tu t’en tireras toujours, toi. Car ceux qui ont une femme qui les attend se sauvent toujours des malheurs et des tempêtes. Au moment du danger, leurs forces redoublent, ils sont deux à se battre. La mort se lasse contre deux à la fois, elle préfère les solitaires.
J’ai écrit ce Sindbad en 2002. Les poissons de la Méditerranée se nourrissaient déjà de naufragés depuis cinq ans. Cela se passait à Pâques en 1997. Sur l’Adriatique, un navire de guerre italien essayait de bloquer la route d’un gros bateau albanais en éperonnant sa coque. Il coula à pic immédiatement et plus de quatre-vingts Albanais périrent. Le bateau s’appelait Kater I Rades et son naufrage inaugurait l’infamie.
J’ai emprunté un marin aux Mille et Une Nuits pour le faire naviguer sur Notre Mer avec le chargement de la plus rentable des marchandises de contrebande : le corps humain. Il n’a pas besoin d’emballage, il s’entasse tout seul, son transport est payé d’avance et pas à la livraison.
Ce Sindbad est un concentré de marins et d’histoires, depuis celle de Jonas, prophète avalé vivant par la baleine, à celle des émigrés italiens du vingtième siècle avalés vivants par les Amériques.
Ici, Sindbad en est à son dernier voyage. Il transporte des passagers de la malchance vers nos côtes fermées par des barbelés.
LE CAPITAINE : (…) À l’époque, les vies se brisaient sur un quai, de vrais adieux s’échangeaient, certains de ne plus se revoir. On pouvait entendre le bruit des adieux, un bourdonnement de recommandations et un déboîtement d’os. (Pause.)
LE MAÎTRE D’ÉQUIPAGE : Avec l’émigration de contrebande, on se salue avant, on embarque déjà salués.
LE CAPITAINE : Merci, tu as toujours le mot juste pour atténuer les retours d’émotions.
Ce conte philosophique de Voltaire, paru à Genève en 1759, s'intitule : "Candide ou --------"