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sur 789 notes
Deux solitudes.
Deux forces vieillissantes.
Deux vies bien remplies.
Deux élans arrêtés.
Le chasseur et le chamois, sorte de dieu Janus.
Le commencement et la fin.
Un papillon léger sur une corne de bête, trop lourd sur l'épaule de l'homme.
Aucun mot de trop. Emotion croissante jusqu'au bout.
La montagne et sa pureté. La montagne et sa dureté.
Puis, il y a le pin des Alpes, sa force, sa grâce, ses deux bras tendus... et sa solitude.
Merveilleux Erri de Luca.

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Je ne sais pourquoi, je m'étais attendu à une lecture sans surprise, à un hymne de plus dédié à la nature, à quelque chose de beau et contemplatif, mais somme toute convenu.
Le fait est que j'ai découvert tout autre chose, j'y ai trouvé une réflexion sur la vie que je n'attendais pas, une philosophie aussi, de celles qui se construisent de façon personnelle et intime, car étant le produit de ses propres observations au travers de ses expériences de vie.
Un braconnier et un chamois, un chasseur et sa proie, deux êtres d'exception car ils sont tous deux rois de leur domaine depuis vingt ans, et pour tous deux, il s'agit de la dernière saison, car l'heure du déclin est venue. le récit alterne les points de vue des deux protagonistes de l'histoire, il y a une part de fantastique évidente et belle, le roi de la harde des chamois est incontestablement "totémique" et fascinant, quant au chasseur, il n'est pas seulement implacable, il fait corps avec la montagne, il est la montagne.
Mais les rois meurent aussi. Ce récit est crépusculaire et sa lumière est pourtant éblouissante. Sentant leur force décroître et leur rayonnement faiblir, le roi des chamois et le chasseur doivent se résoudre à l'évidence, le premier sera détrôné, quant à l'homme, il n'a désormais plus la même vigueur, il est temps pour eux de se souvenir et d'accepter leur fin prochaine sans regrets ni peur.
"Un hiver, il mourrait lui aussi de faim et de froid, sans arriver à allumer un feu. C'était une bonne fin pour les solitaires, une fin de bougie".
J'ai apprécié la plume et la sensibilité d'Erri de Luca que je découvre avec ce titre, j'aime la façon dont il manie les mots et les émotions qu'il a su créer chez moi, j'ai, comme le chasseur, soixante ans, et cette façon de se souvenir m'a particulièrement parlé.
Pour conclure, je suis heureux de cette rencontre, j'ai adoré cette lecture, et... non, ce récit n'a rien de convenu, l'épilogue est d'ailleurs assez surprenant.
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Avec ce récit très court (+ une petite nouvelle d'une dizaine de pages pour terminer), Erri de Luca nous démontre une nouvelle fois sa grande qualité de conteur. Comme toujours chez lui (en tout cas dans ce que j'ai lu), il y a une économie de mots, tout est méticuleusement pesé et soupesé pour aller à l'essentiel, on se laisse porter par la narration efficace et brillante, une ode à dame nature et à la liberté à travers deux personnages que De Luca réussit à rendre attachant, ce qui avec un chasseur et un chamois n'était pas forcément évident. le poids des années conjugué avec celui d'un papillon est le coeur du roman Toute la poésie de De Luca aussi.
Un petit livre pour un grand plaisir.
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J'aime bien attendre les livres et l'inverse aussi, mais vraiment quinze années d'attente depuis la publication de cette petite merveille, n'était-ce pas trop? L'essentiel est de l'avoir lu, bu comme une potion délicieuse, avec des retours sur presque chaque page tant il est nécessaire d'en saisir la quintessence et prendre le temps pour ce court voyage de montagne peuplé principalement d'un chamois mythique, d'un vieux chasseur qui le désire comme cible ultime et d'un arbre qui est enveloppé tel un deuxième cadeau offert à la fin du livre, avec cette magnifique visite à un arbre.

Donc, pas de mots, ou très peu pour saluer la poésie qui émane de cette oeuvre où la nature, la montagne, les élements naturels tels que le vent, les nuages, la neige, la glace, la foudre sont sanctifiés par l'auteur à chaque page. Elles se tournent trop vite ces pages, elles emportent le lecteur à la suite des chamois bondissants, inaccessibles étoiles qui brillent sur les crêtes. J'ai eu souvent la chance d'admirer quelques belles hardes en hiver dans le Mercantour et je n'en comprends que mieux l'émotion exprimée par Erri de Luca lorsqu'il évoque cette conquête de l'animal, conquête des femelles diffusant leur arôme d'amande durant le temps des chaleurs, conquête de l'homme et même conquête de la femme qui pour une fois prend l'homme, simplement par la main, ce bref contact générant encore une cascade d'émotions sensuelles.

Et puis, à la toute fin, cette très brève nouvelle sur le pin des Alpes, accroché dans le vide, et cette visite annuelle magique que lui rend l'auteur, hommage à ces "héros plantés au-dessus du vide". Et là encore, en quelques mots, toute la puissance de l'écriture de Erri de Luca emporte le lecteur pour un ultime moment de partage émotionnel que l'on voudrait ne jamais voir prendre fin.
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Ce livre est incroyable, si petit, si puissant Harmonique. Poétique.
Il est la légèreté de l'air, la pureté de la neige, l'abrupt des montagnes, la virginité des hauteurs, le silence rugit des altières solitudes, l'exactitude des mots qui épousent l'hiver, hiver des cimes, hivers, vertiges ultimes de l'homme et de la bête.
Ce livre craque, comme des pas sur la neige ou comme un bois qui braise dans un feu consumé, il craque la vie qui s'use, les forces qui déclinent, le passage obligé, si proche, si las, si là. En bout de flamme, la vie, rude, chaude et fière, la vie des solitaires, belle comme « une fin de bougie ».

Homme-animal unis, chasseur-chassé mêlés, tous deux rois et maîtres des lieux chacun à leur manière, tous deux vêtus de vent et d'éraflures du temps.
Leur unique rendez-vous, aux odeurs de novembre, sera de toute beauté, émouvant, magnifié dans la froide épure des glaces.
Ce livre claque, comme la rugosité des pics, délivre l'authentique, féroce et charitable, la friction de la nature telle qu'elle : sauvage, cruelle et brute et … belle.

L'écriture est sublime, lumineuse, les mots choisis, économes, savamment semés sous nos yeux, telles de petites étoiles propres à créer l'éblouissement.
Le livre s'achève en ravissement au bord du vide, « au bras » d'un arbre, en suspension, en prolongement libre du tout premier silence.

Rien d'autre à dire qu'à LIRE !

« le soir émousse, polit une dernière fois au papier de verre le jour fait à la main »
Demain sera un autre jour, un nouveau règne,
Et peut-être sur ces sommets, les jours de lune, entendra t'on vibrer la neige … d'un souffle d'harmonica aussi léger - qu'un poids de papillon.


(Merci à Olivier de m'avoir incitée à découvrir cet auteur et indirectement ce petit bijou ;-))

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C'est une histoire de vieillesse et de fin de vie.
C'est l'histoire d'un vieux chasseur et d'un vieux chamois.
C'est une histoire pleine de tendresse et de poésie.
C'est une histoire qui résonnera longtemps en moi.

Une fois de plus, l'immense poète et grand amoureux de la montagne Erri de Luca vise juste. En très peu de pages, il arrive à exprimer tant de choses ! C'est l'économie des mots au service de l'émotion pure.

Il arrive à nous faire entrer tour à tour dans la tête du chasseur et du chamois. Ils sont vivants sous nos yeux, ou plutôt, ils vivent en nous, notre coeur bat avec le leur, nous sommes dans leurs pensées.

Aucune parole dans ce court récit, tout est dans le ressenti. Un texte bref et intense qui ne m'a pas lâchée, jusqu'à une fin magnifique.
Les grands thèmes chers à l'auteur sont là : la nature, la montagne, la liberté, le respect. C'est poétique, c'est beau, c'est authentique, c'est simple et puissant.

Comme l'a si bien écrit Bernard Pivot (dans le JDD du 14 mai 2011) : "Le Poids du papillon, d'Erri de Luca, pèse peu dans la main et beaucoup dans le coeur et la mémoire".
Tout est dit.
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L'homme est vieux, le cheveu grisonnant, les articulations grinçantes.
Le chamois est vieux aussi, une barbe grisonnante mais des bonds encore assurés.
La montagne est là depuis des siècles, le soleil encore plus. Et depuis longtemps ce lieu retiré du monde voit le combat entre l'homme et l'animal. Souvent l'homme gagne, il emporte ses trophées, les cornes et la peau, laisse les viscères aux aigles. Souvent. Mais le roi des chamois résiste. A l'homme. A ses fils. Il est majestueux sur son rocher, dans le genre le roi lion, la crinière en moins. Vingt ans qu'il domine cette montagne.

L'homme est vieux, habite seul dans sa cahute en bois au sommet de la montagne, loin de la civilisation, loin des autres hommes, et des femmes. le vrai solitaire qui préfère jouer de l'harmonica plutôt que de parler. Il apprécie cette solitude, le silence de la montagne. Guide, chasseur, voleur de bétail, il se définit ainsi, mais avant de prendre sa retraite, il veut dans sa ligne de mire le roi des chamois qu'il côtoie depuis 20 ans sans le voir. Sa dernière chasse, son dernier trophée.
Le chamois est seul au sommet de sa gloire, les jeunes pousses ne l'ont pas encore chassé dehors, il continue toujours à mettre en cloque son cheptel en chaleur.
Mais jusqu'à quand. Jusqu'à quand sera-t-il le roi des chamois, jusqu'à quand le chasseur pourra tenir son fusil sans trembler ?

Deux histoires, d'homme et de chamois.
Deux histoires de solitude au coeur des Alpes italiennes.
Deux histoires de vieillesse et ce dernier soubresaut pour finir la vie en beauté.

Erri de Luca ne sacralise pas le chasseur, ni le chassé. N'aie pas peur du viseur, derrière ce fusil se dévoile un grand moment de poésie, d'une pureté aussi rafraîchissante qu'alpine. Minima des mots, maxima des émotions. La plume est belle, toute poétique, comme ces aigles royaux virevoltants au-dessus des cadavres éventrés de jeunes chamois succombés à la suprématie du roi des chamois.

Deux histoires, un grand moment.
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L'écriture de Erri de Luca est sobre et épurée. Minimaliste.
Il n'y a pas un mot de trop. L'économie de mots est compensée par une musicalité qui exprime des sentiments extrêmement profonds.
Dans ce conte l'auteur nous livre une fabuleuse ode à la nature, aux cycles de la vie, un face à face de deux forces qui se confrontent, l'espace d'un instant, aussi brève que le frémissement des ailes d'un papillon.
Alpiniste émérite, Erri de Luca nous gratifie toujours d'un fondement autobiographique, ce qui rajoute encore plus d'épaisseur au conte. Dans ses écrits il y a toujours la notion du temps qui passe et la recherche constante du bonheur dans les choses simples de la vie, de moments de bonheurs arrachés, volés…

Baignant dans un climat aussi concret que poétique, ce petit roman envoûtant et singulier a la force du mythe et l'impalpable ambigüité du réel.

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La Montagne, c'est beau, la Montagne! Cela paraît tellement anodin de dire ça, comme ça! Et pourtant, c'est un élément de la nature tellement extraordinaire, avec sa beauté lumineuse, sa puissance éternelle, sa majesté dominante, sa force qui nous semble si tranquille mais qui nous émerveille!
C'est aussi le lieu d'innombrables activités que seul l'observateur à l'oeil affuté va savoir déceler. Mieux! Il va prendre le temps de regarder, d'étudier minutieusement chaque détail de la vie qui s'y déroule, vie et mort s'y mêlent sans cesse!
J'envie les témoins qui savent si bien décrire ces pièces d'un théâtre éternel, qui se déroulent dans ce décor magnifique.
Erri de Luca, est l'un d'entre eux, il doit bien connaître, je le soupçonne même d'en être un acteur tant il en parle si bien.
Dans son roman, le poids du papillon, il va nous placer au milieu d'un drame, celui du combat éternel entre l'homme et la nature, ou plus précisément, entre l'homme prédateur, cruel et sans pitié et sa cible, ici, le roi des chamois et il va nous conter ce duel qui se déroule au plus haut de ces cîmes, car l'homme est doué pour gravir les montagnes les plus hautes pour atteindre son but. Gagnera-t-il son duel? L'animal est malin et connaît très bien son domaine. Je ne vous dirai rien, à vous de tout découvrir dans ce petit roman qui se lit comme on boit l'eau de source qui s'écoule des montagnes, si pure et si glaciale parfois!
Ecrit par Erri de Luca, tout récit devient de la dentelle, garnie de beaucoup de poésie!
Un régal à lire en contemplant la montagne toujours sage qui, jamais ne choisit son camp!
Un MUST! une friandise!
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S'écrit la fin de l'automne. L'achèvement de la saison qui illumine les feuillages et aussi, s'écrit, en reflet, l'épilogue des existences qui se consument. L'hiver se fait déjà caressant. Il s'insinue en toute chose, comme un présage de ce qui s'achève, comme un signe de ce qui ne sera bientôt plus.

Ils sont deux. Deux solitaires.
Deux êtres qui ont choisi de vivre en leur seule compagnie, de ne point se mêler à leurs congénères.
Deux qui sont si proches, pourtant, dans leur attitude, deux qui sont miroirs l'un de l'autre, l'un issu du règne animal, l'autre simplement humain.
La vie semble ralentir en eux à l'image de la saison qui s'annonce et qui clame en silence l'amenuisement du souffle de la vie. Ils l'éprouvent au plus profond d'eux mêmes, ils laissent la certitude s'incarner en eux : cet hiver sera le dernier, ils s'amenuisent et se retirent, à l'image de la première neige qui va tout recouvrir et tout "éteindre".

Dès lors, une dernière course pour l'animal majestueux, pour entendre encore une fois chanter le ruisseau, pour s'imprégner des effluves des mélèzes, pour poser une dernière fois le regard sur le troupeau, pour contempler ces graciles créatures qui ont été, l'espace d'un battement d'aile, siennes. Regarder s'ébattre une dernière fois les petits des saisons à peine passées, sa descendance.
Le temps est venu : il va laisser sa place, son rôle, sans se battre, juste en se reculant, juste en s'absentant.

Dès lors, une dernière ascension pour le braconnier silencieux, entêté. Une dernière escalade pour observer la harde mais surtout son "roi", considérer une dernière fois celui qui a choisi de vivre seul, en retrait, éloigné, à l'écart. Celui qui, ayant grandi seul, n'a cessé de vivre simplement avec lui-même... et le voile d'un papillon.
Une dernière montée pour tenter une ultime fois de s'accaparer un trophée si longtemps convoité.


C'est le murmure de ces deux vies qui tressaille dans ces pages. L'écriture limpide et incandescente devient le reflet des émotions, les mots portent l'attente, tout y est sensibilité. Comme l'ultime bourrasque, comme le sifflement de la bise dans les épines, en rythme oscillant, tournoyant, pour accompagner ces deux âmes qui vont l'une vers l'autre, on lit inlassablement les mêmes phrases, les mêmes mots pour s'imprégner de ce crépuscule qui s'annonce, pour éprouver le rythme de ces vies qui se rencontrent.
Le vent se fait murmure, les pins se laissent deviner par leur bruissement, on effleure la douceur rugueuse des pelages d'hiver.

Un merveilleux récit qu'il est impossible de posséder véritablement à l'image de la beauté toujours renouvelée de la nature, et c'est ce qui en dit toute sa valeur et sa poésie. Il faudra reprendre la lecture, se perdre à nouveau dans les pages, éprouver le souffle du vent et tendre l'oreille au bruit des sabots heurtant la roche, on fera halte pour retrouver ces yeux qui se croisent, ces têtes qui se tournent l'une vers l'autre, ces deux vies qui se sont si souvent mêlées intimement, qui s'accompagnent là pour une ultime escapade qui, même, se poursuivrait "au-delà", sous le vol virevoltant du papillon, seul témoin et seul receleur du secret des destinées.


*****

Comme un ultime cadeau, la seconde nouvelle nous dit l'âme des pins, spectateurs attentifs et presque silencieux de ce premier récit.
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