S'écrit la fin de l'automne. L'achèvement de la saison qui illumine les feuillages et aussi, s'écrit, en reflet, l'épilogue des existences qui se consument. L'hiver se fait déjà caressant. Il s'insinue en toute chose, comme un présage de ce qui s'achève, comme un signe de ce qui ne sera bientôt plus.
Ils sont deux. Deux solitaires.
Deux êtres qui ont choisi de vivre en leur seule compagnie, de ne point se mêler à leurs congénères.
Deux qui sont si proches, pourtant, dans leur attitude, deux qui sont miroirs l'un de l'autre, l'un issu du règne animal, l'autre simplement humain.
La vie semble ralentir en eux à l'image de la saison qui s'annonce et qui clame en silence l'amenuisement du souffle de la vie. Ils l'éprouvent au plus profond d'eux mêmes, ils laissent la certitude s'incarner en eux : cet hiver sera le dernier, ils s'amenuisent et se retirent, à l'image de la première neige qui va tout recouvrir et tout "éteindre".
Dès lors, une dernière course pour l'animal majestueux, pour entendre encore une fois chanter le ruisseau, pour s'imprégner des effluves des mélèzes, pour poser une dernière fois le regard sur le troupeau, pour contempler ces graciles créatures qui ont été, l'espace d'un battement d'aile, siennes. Regarder s'ébattre une dernière fois les petits des saisons à peine passées, sa descendance.
Le temps est venu : il va laisser sa place, son rôle, sans se battre, juste en se reculant, juste en s'absentant.
Dès lors, une dernière ascension pour le braconnier silencieux, entêté. Une dernière escalade pour observer la harde mais surtout son "roi", considérer une dernière fois celui qui a choisi de vivre seul, en retrait, éloigné, à l'écart. Celui qui, ayant grandi seul, n'a cessé de vivre simplement avec lui-même... et le voile d'un papillon.
Une dernière montée pour tenter une ultime fois de s'accaparer un trophée si longtemps convoité.
C'est le murmure de ces deux vies qui tressaille dans ces pages. L'écriture limpide et incandescente devient le reflet des émotions, les mots portent l'attente, tout y est sensibilité. Comme l'ultime bourrasque, comme le sifflement de la bise dans les épines, en rythme oscillant, tournoyant, pour accompagner ces deux âmes qui vont l'une vers l'autre, on lit inlassablement les mêmes phrases, les mêmes mots pour s'imprégner de ce crépuscule qui s'annonce, pour éprouver le rythme de ces vies qui se rencontrent.
Le vent se fait murmure, les pins se laissent deviner par leur bruissement, on effleure la douceur rugueuse des pelages d'hiver.
Un merveilleux récit qu'il est
impossible de posséder véritablement à l'image de la beauté toujours renouvelée de la nature, et c'est ce qui en dit toute sa valeur et sa poésie. Il faudra reprendre la lecture, se perdre à nouveau dans les pages, éprouver le souffle du vent et tendre l'oreille au bruit des sabots heurtant la roche, on fera halte pour retrouver ces yeux qui se croisent, ces têtes qui se tournent l'une vers l'autre, ces deux vies qui se sont si souvent mêlées intimement, qui s'accompagnent là pour une ultime escapade qui, même, se poursuivrait "au-delà", sous le vol virevoltant du papillon, seul témoin et seul receleur du secret des destinées.
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Comme un ultime cadeau, la seconde nouvelle nous dit l'âme des pins, spectateurs attentifs et presque silencieux de ce premier récit.