Attention ! Ce livre est magique. Si vous prenez le temps d'y entrer, vous en ressortirez transformé. Je le situe au Panthéon de mes livres préférés. C'est d'ailleurs par ce roman que je suis entré dans l'univers d'Erri De Luca. Grâce soit donc rendu à ce livre, Trois chevaux...
Erri De Luca est un auteur dont l'écriture est fine, ciselée, sensuelle et légère. Il peint le quotidien avec justesse et beauté. Les mots deviennent de la lumière sous sa plume. Ce livre est magnifique. Les gestes ordinaires y sont peints avec beaucoup de poésie. Erri De Luca est un peintre, un poète ou bien les deux à la fois. Les mots qu'il touche, qu'il pose sur le papier, deviennent de la lumière, deviennent incandescents. Ils brûlent nos mains, nos yeux, nos pas après cela.
La vie d'un homme dure autant que celle de trois chevaux.
Le personnage principal est un jardinier. Il est italien. C'est lui le narrateur. Il revient d'Argentine, de la dictature des généraux. Là-bas, il a vu sa femme se faire assassiner, son corps jeté à la mer. Elle a payé cher son combat contre la dictature. Alors il a pris la fuite, il est revenu en Italie. C'est ainsi que s'achève sa première vie, le premier cheval.
L'homme est meurtri. Il s'enferme alors dans une forme de solitude. Ce métier l'aide à cela. Un jardinier, c'est quelqu'un qui a une relation simple et direct avec les plantes, il leur parle. C'est sans doute un dialogue. Il comprend les arbres aussi, il entend ce qu'ils disent, ses gestes sont faits de rien, toucher de la terre, froisser du basilic entre les doigts, écouter les étoiles. Parfois il se souvient du corps qu'il a étreint, cette femme aimée, disparue, de l'autre côté de sa vie. C'est dans ce retour en Italie qu'il entame la deuxième tranche de sa vie, le deuxième cheval...
Trois chevaux est un cri de révolte contre la barbarie. Un cri presque silencieux. L'écriture est sobre. C'est ce qui la rend intense, lumineuse.
C'est un roman où l'amour est présent, l'amitié aussi. L'amour vient par la belle Làila, un amour corps et âmes, intense, vibrant. La différence d'âge n'est pas un fossé mais un pont. Peut-on aimer encore après la douleur et la mort ? Il y a aussi l'amitié avec Sélim, un éleveur africain qui vit au rythme des saisons, c'est une magnifique amitié. Le jardinier est quelqu'un qui comprend les saisons.
Dans ce livre, le passé et le présent se côtoient étrangement, harmonieusement. Parfois violemment. Le passé revient comme un écho, c'est comme le bruit d'une barque qui revient du rivage d'en face.
Les mots d'Erri De Luca sont sobres et attachants, sensuels aussi. On voudrait les entendre toujours couler en nous comme des fleuves dociles.
À quel cheval sommes-nous déjà rendus dans nos vies approximatives ?
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Quand je suis arrivée chez Babelio, il y a presque deux ans, Erri De Luca avait le vent en poupe , pas une journée sans citations ou critiques. Un beau jour, j'ai lu la critique de Claire G et j'ai su que Trois chevaux serait mon premier roman de cet auteur.
J'aime énormément ces histoires où des personnes se rencontrent, font un bout de chemin ensemble et puis un beau jour chacun reprend sa route ou ses habitudes. Entre temps ces êtres parfois renfermés, fuyant leur passé ou en quête de sens, évoluent, s'enrichissent l'un l'autre. le personnage principal va redécouvrir l'amour et des émotions refoulées suite à la mort de sa compagne. Mais quand tout le monde se sépare chacun conserve en lui un petit quelque chose de l'autre et est apaisé.
de belles descriptions de jardins. de belles réflexions sur la lecture. Un beau roman peut-être un peu trop court.
La vie de trois chevaux est peut-être le temps qui nous est imparti mais Erri De Luca a l'art et la manière de susciter en nous le désir de saisir l'instant, d'accepter la vie comme elle vient avec ses cadeaux et sa beauté en toute simplicité.
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Portrait d'un jardinier qui passe plus de temps à s'occuper de la terre et des arbres, un livre dans la poche, qu'à côtoyer les hommes. Pourtant les hommes, il les connaît, il les décrit à la façon dont il effleure les troncs, dont il s'imprègne des odeurs de la terre, de la mer et des fleurs, dont il sent la caresse ou la tourmente du vent. Il s'intéresse aux détails plus qu'à l'ensemble. Pour lui, les visages sont écrits, il les lit comme dans les pages des livres qui ne le quittent jamais. Chaque phrase mérite son attention, tout comme un regard, une bouche, un nez, la paume de la main, une voix… Il lit les hommes et les femmes.
Des livres d'occasion, usagés, qui ont voyagé, qui appartiennent à plusieurs vies, tout comme lui avec son visage de « carton d'emballage ». Ses pensées bourdonnent du passé. Il y a la femme qu'il a aimée, l'Argentine, la fuite d'un pays ravagé par la violence. Dans son présent il y a l'Italie et Làela qui lui offre une nouvelle vie. Passé et présent s'entremêlent. Et de quoi sera fait demain ?
« Je vois la ligne rouge du coucher de soleil qui sépare le jour de la nuit, je pense que le monde est l’œuvre du roi du verbe diviser et j'attends la ligne qui viendra me détacher des jours. »
L'auteur emploie des mots qui collent aux sentiments. Ce sont des mots d'odeurs, de vent, de pluie, de terre, de vin, de sauge, de basilic, d'olives, de ciel, de nuages, d'étoiles, de sable, de bois, de feuilles, de carton, de fumée, de sel, de soleil, de nuit... Erri de Luca est un jardinier des mots. Des mots qu'on n'aurait pas pensé employer de cette façon, qui font qu'on se retourne sur leur passage, qu'on relit une phrase, pour ne pas laisser échapper l'image qui se dessine devant nos yeux. Ses mots sont un peu comme des nuages portés par le vent, qui deviennent notes, puis mélodie. On s'échappe du livre, on voit plus loin.
L'histoire de cet homme, de sa sensibilité, de son dénuement, de son regard lent et précis sur les gens et sur les gestes, la géométrie qu'il voit partout, sa façon de ne faire qu'un avec le tout, nous apporte une sensation d'apaisement, malgré les épreuves que l'on devine. Il nous raconte tout simplement la vie qui passe, avec ses choix, ses rencontres et ses adieux, avec tout ce qui s'y mêle de sensations, d'émotions et de souvenirs.
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