1147 pages et le roman le plus exigeant, possiblement le plus ambitieux, lu de ma jeune carrière de bibliophile. Ce n'est pas seulement une brique, c'est un puzzle cruellement intelligent.
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Dans un monde post-apocalyptique en proie à une terrible guerre, quelques membres de l'élite espagnole se retrouvent cloîtrés dans un refuge magnificent à l'existence ignorée de tous. Pendant 7 jours et 7 nuits, les conteurs se relaient pour narrer une multitude d'histoires qui s'imbriquent comme des poupées russes. Elles vont de l'essai scientifique à la fable politique en passant par le fait divers et la saga familiale à rebondissements, leurs fils tissant progressivement la toile d'un complot d'ampleur internationale.
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Ce roman est un rite initiatique.
Il se lit, mais surtout, il se vit.
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On plonge, on plonge, on plonge dans les abysses des récits qui s'enchâssent… et au plus profond, au plus sombre, pile au milieu : OH, PÊTARD !
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La révélation.
La première clef qui déverrouille tout ce méli-mélo d'histoires et nous fait rembobiner chaque détail (et mazette, il y en a une sacrée pelletée car rien n'est laissé au hasard) pour commencer à saisir la puissance de l'intrigue. On s'aperçoit aussi que chaque conteur joue au poker, où est la vérité ?
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Puis pour donner encore un autre niveau de lecture… les personnages débattent entre eux des histoires et nous apportent ainsi de nouvelles interprétations. Sans compter tous les messages qui y passent : viol, euthanasie, peine de mort, éthique… Ce livre est riche, ce livre est fou !
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Le récit est d'une telle complexité que l'éditeur a annoté les marges avec des repères, a créé un arbre des récits et un index des personnages. Il est vrai qu'il faut s'accrocher : en plus de son architecture alambiquée, certains débats m'ont totalement dépassée. Ce roman m'a demandé un bon mois de lecture et beaucoup de jus de neurones, mais quelle expérience !
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Je me souviendrai longtemps de cette oeuvre labyrinthique et tout à fait inclassable.
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Une intrigue unique incluant 250 personnages, un monument littéraire qui appartient à la grande littérature catalane. Miqel de Palol écrit l'été à Platja d'Aro et l'hiver à Barcelone. Fils d'architecte et petit-fils d'archéologue, il devient, pour nous lecteurs, un écrivain architecte et archéologue magnifique. de la haute voltige qui met le lecteur à genoux.f Mais, à la fin du livre, on peut se dire à soi-même : bon dieu, je l'ai fait !
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_ Je pense que la peur n'a que deux causes possibles : d'abord, l'inconnu, ensuite la menace d'un changement substantiel en soi-même. On peut retrouver la perspective de la mort dans ces deux facteurs.
_ Et même, ce pourrait être une bonne définition paradigmatique... de la mort...et en des termes qui dans d'autres circonstances s'excluraient l'un l'autre...
_ Pourtant, ce serait aussi une manière d'évaluer ses propres capacités...
_ j'ai l'impression qu'on met sous le mot peur deux concepts différents... L'un d'eux est l'angoisse, révélation du néant tel que l'entendaient les existentialistes, vertige de la connaissance, etc. ; c'est un sentiment qui conduit à une attitude, un présupposé intellectuel vital qui a pour objet l'appréciation du vide et, le cas échéant, la fusion avec ce vide.
L'autre concept correspond à un mécanisme de défense, une réaction animale qui a pour seul objet de s'éloigner du danger ; cette peur est commune aux hommes et aux animaux ; tandis que la première n'existe que chez l'homme.
La vie d'un individu, même la plus insignifiante, est un minuscule miroir de la vie de la société, aussi tentai-je de trouver en moi l'origine de la folie guerrière. Depuis le temps qu'on disait que pareille chose ne pouvait se produire ! Et certains n'arrivaient toujours pas à y croire.
Je regardai par la fenêtre ; fumées ou nuages ? Peut-être n'étaient-ils désormais qu'une seule et même chose.
Il n'y a rien de pire que les juges incorruptibles, qui ne se sont jamais demandé s'ils étaient dans l'erreur et agissent sous le dictat divin de la raison, convaincus de détenir la vérité absolue.
Les corrompus, quand ils n'ont pas d'intérêts dans une affaire, sont les plus justes, ils ne sont pas mus par le désir d'exalter leur destin de rédempteur ni aucun principe sublime, ils savent qu'ils ne sont rien de plus que des hommes qui peuvent se tromper ; les autres se prennent pour des anges exterminateurs...
Et pourtant rire est un privilège, me répétai-je pour me mettre au diapason. Ceux qu'on va exécuter rient, les tortionnaires et les bourreaux rient, même celui qui est condamné à vivre en ayant tout perdu rit.
Des mots de minuit - Mot à Mot : Miquel de Palol (2 octobre 2018).
Le jardin des sept crépuscules (Roman intégral, éditions Zulma, 2015).