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EAN : 9782749152646
504 pages
Le Cherche midi (18/05/2017)
3.92/5   155 notes
Résumé :
Février 1913. Leda a dix-sept ans. Elle quitte son petit village italien pour rejoindre en Argentine son cousin Dante, qu'elle vient d'épouser. Dans ses maigres bagages, le précieux violon de son père.
Mais à son arrivée, Dante est mort. Buenos Aires n'est pas un lieu pour une jeune femme seule, de surcroît veuve et sans ressources : elle doit rentrer en Italie. Pourtant, quelque chose la retient... Leda brûle d'envie de découvrir ce nouveau monde et la musiq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (72) Voir plus Ajouter une critique
3,92

sur 155 notes
Les dieux du tango ne sont pas avec moi !

Je ne les ai pas rencontrés tout au long – très long ! – de ce livre, que je n'aurais pas lu jusqu'au bout si l'éditeur ne me l'avait offert, par l'intermédiaire de Babelio.

Je risque désormais leur courroux, en écrivant cette chronique comme je m'y étais engagé, alors qu'il eût peut-être été préférable de me taire.

Quelle est la trame du roman ? Leda est une toute jeune Italienne, débarquée seule et sans ressources à Buenos Aires. Son unique patrimoine est un violon dont elle sait à peine jouer. Munie de ce violon, Leda parviendra à survivre, puis à vivre, en inscrivant son parcours dans celui du tango pendant les premières décennies du vingtième siècle. Un tango au début confiné dans les bastringues et les bordels des bas-fonds, où prostituées et travailleurs misérables s'enivrent de sa chorégraphie lascive ; un tango qui finira par acquérir ses titres de respectabilité et trouver sa place dans les cabarets fréquentés par la meilleure société de Buenos Aires… Lascivité pour tous !

Un parcours semé d'embûches pour Leda, les femmes musiciennes n'étant pas à l'époque tolérées en Amérique Latine, où les esprits étaient resté désespérément machistes. Leda devra se faire passer pour un homme et ne jamais se dévoiler à quiconque…

Cadré comme cela, tout aurait pu aller bien… Mais voilà ! Des longueurs, des redondances, des digressions sans intérêt ! Carolina de Robertis sait incontestablement manier la plume. Sur un détail de rien du tout, elle vous noircit facilement cinq feuillets. Au total, un récit de cinq cent quarante pages et une forme de verbiage qui ralentit la lecture, la rendant ennuyeuse… Pour moi, en tout cas !

Des invraisemblances, aussi. Peut on croire, par exemple, que Leda apprenne à jouer du violon toute seule, dans le silence, en mimant les gestes ?... Après tout, pourquoi pas ! Enfant, j'avais bien appris à nager le crawl en répétant les mouvements sur mon lit…

Je n'ai pas été sensible aux velléités lyriques de l'auteure, à ses manières d'envolées emphatiques parfois proches du ridicule, comme ce titre de chapitre intitulé « une gorgée de la rivière de l'oubli » ou ce propos sur la chaleur de l'été, quand « l'air devint aussi épais qu'un grog brûlant dont une simple bouffée suffisait à rendre saoul ».

Toute à ses recherches de style, Carolina de Robertis ne m'a pas donné le sentiment d'une véritable passion pour la musique en général et le tango en particulier. Tiens ! Tango et blues ont des racines communes, apprend-on ! « Les mots ne sont jamais les mêmes, pour exprimer ce qu'est le blues », chante Johnny, exsudant sa passion. Ne pas le prendre au pied de la lettre. Peu de mots, en fait. Des mots simples. C'est suffisant.

A l'évidence, l'auteure n'a pas écrit ce roman pour un lecteur de mon genre. Comment aurais-je pu me sentir concerné par les acrobaties intimes accomplies chaque jour par Leda pour dissimuler sa féminité ?... Prisonnière à perpétuité de son apparence masculine, Leda se découvre une attirance sexuelle pour les femmes. Elle s'avérera une amante experte, emportant ses partenaires dans des tourbillons de jouissances semble-t-il inouïes (!), sans que ces femmes ne doutent de sa masculinité. L'une d'elles l'accusera même d'être le père de son enfant !... Si ! c'est dans le livre !... Si vous voulez en savoir plus, lisez-le. Mais je vous préviens, ce ne sont que des scènes de cul très soft, aussi érotiques qu'un documentaire sur la reproduction des huitres. Des récits où le plaisir est idéalisé et sublimé, juste crédibles pour celles et ceux qui préfèrent que l'amour physique reste un rêve…

Je terminerai par un compliment pour un très bel effet littéraire. Je suis revenu à plusieurs reprises sur la première page, incompréhensible à la lecture des événements racontés par la suite. La lumière ne surgit qu'après les toutes dernières pages. Magnifique !... Combien s'en rendront compte ?

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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« le tango est une pensée triste qui se danse » 
Il y a quelques semaines, j'ai connu une Cetta qui quittait son Italie natale en 1909 pour l'Amérique. Elle finira prostituée dans l'Upper East Side donnera naissance à Christmas pour un roman qui m'a emballé (voir « le gang des rêves »).
Et voici que Carolina de Robertis me présente une Leda qui quitte son Italie natale en 1913 pour l'Amérique. Elle aurait pu finir prostituée dans une pulperia de Buenos Aires. Elle fait un autre choix... Et son histoire m'a séduit aussi...
Je n'ai pas vu filer les 500 pages, emballées dans une couverture remarquable... Ce roman envoûtant est à la fois une peinture forte des bas-fonds de Buenos Aires, le récit de l'émancipation d'une jeune femme prête à tout pour vivre de sa passion et c'est enfin le roman du tango, qui évolue et quitte ses racines populaires, cesse de d'être la musique des exclus pour devenir une musique à la mode... Cette musique et cette danse qui fascine de par sa sensualité et son érotisme torride.
Les Dieux du tango c'est l'histoire de Leda qui quitte Naples et débarque à Buenos Aires où elle doit rejoindre son cousin et mari, Dante. Malheureusement, Dante vient de mourir. Refusant de repartir en Italie pour se retrouver à nouveau prisonnière de sa famille, Leda choisit de rester en se créant une nouvelle vie. Cette vie, ce sera la musique, le violon confié par son père la veille de son départ, et le tango. Mais cette vie-là, elle ne peut la vivre en tant que femme, elle va donc devenir un homme...
Sans doute inspirée du personnage réel de Billy Tipton  ( quelle histoire fascinante que celle de ce musicien de jazz dont on découvrit à sa mort qu'il était une femme), Carolina de Robertis, mêle à la mutation de cette musique nouvelle, cette transformation de Leda qui devient Dante, cette quête d'amour et de désir, cette sexualité qui se découvre ou s'éveille, cette ligne discontinue, frontière entre deux sexes, deux mondes...
Les Dieux du tango, c'est un magnifique roman palpitant, sensuel, dont les pages se tournent toutes seules. Un très beau récit, exaltant et riche de thèmes, d'interrogations, de symboles. Roman initiatique dans une Buenos Aires multi culturelle, c'est le roman de l'immigration italienne en Argentine, de l'exil, du pays natal à jamais perdu, mais surtout, en nous contant l'histoire du Tango, l'auteur nous parle avant tout de la place des femmes dans la société, avec une belle galerie de portraits féminins , de celle qui se soumet à celle qui s'émancipe. C'est le roman d'une femme qui trouve grâce à la musique les clés d'une porte intime secrète. Nombre de passages sont d'une beauté saisissante d'une sensualité incroyable, sur le tango, sur l'érotisme et le corps des femmes.

Un roman intense passionnant qui vibre de passion, dans lequel la mort et l'amour dansent un tango langoureux...

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« Elle pressait les cordes de son violon et cinquante jolies chevilles de femmes bougeaient en même temps, vingt-cinq adorables dos s'arquaient, vingt-cinq cuisses remontaient le long de jambes de pantalon. Ces corps se pressaient les uns contre les autres comme elle pressait le manche de son doux violon en les regardant depuis la scène. Serre la bien contre toi, compadre, pensait Dante.Glisse ta jambe entre les siennes, guide-la si habilement qu'elle croira que le mouvement vient d'elle, cale ta main dans le creux de ses son dos comme si c'était le siège de tous les plaisirs terrestres et je te donnerai ma musique. Nuit après nuit, ma musique te fera bouger, ma musique te guidera, ma musique, à travers toi, lui fera l'amour. »
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«Quelle tristesse que Dieu ait donné une telle oreille à une femme», p 167

Un superbe portrait de femme avant tout,
une ode à la musique argentine et au tango aussi,
un roman sur l'immigration en Argentine au début du XXe siècle... à travers la vie de la jeune Leda qui quitte son Italie natale pleine d'espoir pour sa vie à venir.

En 1913 la condition de la femme est très limité: soumise à son père ou à son mari, juste bonne à nourrir les siens, faire le ménage et coudre les vêtements. Elle n'a même pas le droit d'apprendre à jouer d'un instrument de musique; ce serait une pure perte de temps puisqu'elle doit tout son temps à tenir la maison. La jeune Leda a pourtant très envie de jouer du violon comme son père et son grand-père. Elle s'entraîne en cachette.
A cette époque, de nombreux jeunes fuient la misère et espèrent gagner un monde nouveau et se construire leur vie rêvée en embarquant pour les Amériques. Un cousin de Leda, Dante, part en Argentine. Ils se font la promesse de s'y retrouver et se fiancent. Ils fuient tous les deux un passé lourd et un fardeau difficile à porter. Hélas lorsque Leda débarque enfin sur le sol argentin, Dante n'est plus. Seule, veuve, sans véritable ressource, elle va devoir composer avec la vie, tricher, mentir, se cacher pour s'en sortir. C'est le tango qui va lui permettre de se trouver, la musique qui va la sauver.
Peu à peu, à travers le parcours semé d'embûches de Leda, le lecteur entre en contact avec le monde de la nuit argentine rythmé par le tango qui se développe progressivement, se modifie, emporte les foules et entremêle parfois les passions.

Ce roman apparaît comme une véritable fresque historique à la découverte de Buenos Aires au début du XXe siècle. La vie des immigrés de différentes provenances, leurs conditions de travail et de survie, les épidémies qui déplacent les populations d'origines et permettent aux nouvelles de s'installer dans les quartiers de la Boca ou San Telmo, la progression du tango jusqu'à son apogée, alors que l'Europe entre en guerre et se déchire. C'est une époque de ruptures, de changements irréversibles, de tourmente.
La plume de Carolina de Robertis sait admirablement rendre ces sentiments multiples, divers, parfois opposés. Ce monde en profonde mutation qui souffre, se passionne, séduit, détruit aussi mais qui est la condition de milliers d'êtres qui ne demandent qu'à vivre.

Un roman à l'écriture fine et précise, au rythme bien structuré dans des parties distinctes, emprunt d'une grande sensualité, de générosité, de respect et de tolérance. Puisse-t-il contribuer à ouvrir un peu plus grand certains esprits...

Merci aux éditions du Cherche-Midi pour ce cadeau et à Babelio de m'avoir invitée à cette Masse Critique spéciale! Je suis heureuse de cette découverte.
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En février 1913, Leda a dix-sept ans .
Elle quitte son petit village Italien et rejoint son cousin Dante qu'elle vient d'épouser en Argentine.
Hélas, à son arrivée Dante est mort, au lieu de retourner en Italie, elle se lance à la découverte de ce nouveau monde et cette Musique : le Tango qui fait bouillonner les quartiers chauds de cette ville.
Habillée en homme, vêtue du costume de son mari, elle se lance un défi improbable et part invisible, à travers la ville.....
Immergée dans le monde de la nuit, elle s'engage toute entière dans un voyage qui la mènera tout au bord de sa condition de femme, forte de ses convictions artistiques ....
Un roman pétri de sensualité et de mouvement , qui met à l'honneur le bruit et la fureur , la musique et la femme mais pas seulement .....
Toute sa magie tient à la vibration des nuits chaudes du tango dans la chaleur écrasante d'Argentine , l'ambiguïté des sexes et des interdits, des amours folles , des histoires cachées, et des mélodies audacieuses .
L'écriture vivante, colorée, féminine, violente, charnelle exalte tous les désirs....
L'intérêt de ce récit ancré dans l'histoire du XX° sicle nous immerge dans le Buenos Aires de 1915 , sur le thème de la quête de soi, de l'émancipation , de l'évolution, une quête constante , acharnée , faite de passions exacerbées, de sensualité débridée, un roman émaillé de nombreuses scènes de sexe.
Nous vibrons à la chaleur du tango argentin mais nous découvrons aussi les avatars , les souffrances, les abandons et les nombreux chambardements pour les émigrés déracinés, leur capacité à s'adapter , ainsi que la condition féminine en Italie et en Argentine .
Une ode à la liberté , un témoignage fort sur la naissance et l'histoire du tango .
Dommage que l'écriture très imagée, émaillée d'envolées lyriques alourdissent ce récit un peu trop long.
Mais ce n'est que mon avis , un livre emprunté à la Médiathèque à cause du titre et du rouge de la première de couverture, ridicule non!!
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Ce roman est à l'image de cette musique et danse : envoûtant, sensuel, cruel parfois. Ouvrir ce livre et vous voilà transportés dans un autre monde, charmés par la douce plume de l'auteure, vous vous laisserez emporter dans les sillons de l'histoire du tango certes mais pas que.
Nous sommes en 1913 en Italie, un drame se joue avant même que le roman se poursuit, c'est déjà les prémices des amours avortés. Cora et Lena, cousines, amies presque soeurs dessinent le tableau d'une tragédie qui poursuivra Lena au-delà de l'océan. le paquebot qui l'emporte vers une autre vie, tout comme bien des centaines de congénères, espérant une terre d'accueil, accoste en Argentine. Sur le quai, devait l'attendre son mari sur papier, le frère de Cora donc son cousin. Hélas, Lena pensait débuter une nouvelle vie avec son mari, fonder une famille et pouvoir rêver à un avenir meilleur. Tout s'écroule quand l'ami de Dante vient lui annoncer le drame. Je ne peux hélas vous le révéler. Lena – Dante, une, deux personnes, parfois les deux.
Lena n'a rien, sauf son courage et un trésor inestimable : un violon et pas n'importe lequel celui du roi de Naples. Ce petit instrument va lui ouvrir une nouvelle route, vers une vie à l'opposé de ce qu'elle pensait vivre.

Ce roman est coloré, chaleureux, et empli de courage par le personnage de Lena mais aussi de tous ces pauvres diables qui tentent l'aventure sur un continent hostile où il ne fait pas toujours bon d'être une femme.
Voici une autre corde à l'arc, l'auteure à travers le personnage de Cora, Lena, Rosa, Alma oui que des A, nous peint la condition féminine de cette époque, et comment Lena a su passer outre les barrages montés bien haut afin que la femme ne puisse accéder à la gloire et la réussite pour ne pas dire faire de l'ombre à l'homme.
C'est aussi, une façon de nous exposer l'homosexualité féminine, vous imaginez à cette époque où la femme n'était qu'une chose alors grand Dieu, deux femmes qui s'aiment c'est le bucher assuré. Quelques passages sur ces rencontres féminines, qui restent soft et n'entachent pas le sujet principal qui reste l'immigration, la naissance et la reconnaissance du Tango. Je ne suis pas une spécialiste du genre, mais j'ai par cette lecture enrichi mes connaissances sur le Tango, et je ne mets pas en doute la crédibilité de l'auteure, toute information est bonne à connaître, à chacun de vérifier son authenticité. Ça reste un roman avant tout, avec sa part de fiction, de rêve, et je dois dire que la belle complicité qui régnait dans l'orchestre que vous découvrirez en lisant ce livre, m'a fait frémir. L'auteure a su nous livrer la passion musicale, tout ce que la musique peut procurer à ceux qui la jouent et la vivent pleinement, on ne peut rester indifférent à cette grande dame, fut elle du tango, elle est immense et émouvante, elle vous possède entièrement vous emmenant loin très loin où plus rien n'existe que le rythme qui vous emporte. Les danseurs de tango l'ont bien compris, il suffit de les regarder tanguer, glisser, se cambrer, tournoyer, pour comprendre cette osmose qui règne entre la musique et ses musiciens, la musique et ses danseurs. Tout un monde qui ne s'ouvre pas à tous un peu comme la poésie, on est hermétique ou sensible. A chacun sa clé, à chacun sa chance, à chacun son univers.

Par ce roman, j'ai donc voyagé, dansé, frémi, j'ai beaucoup aimé le personnage de Lena, sa bravoure et sa détermination à conquérir son monde, braver les interdits, découvrir et explorer un univers qu'elle ignorait totalement comme beaucoup soit dit en passant. J'ai apprécié le côté historique et sociologique du récit, et j'ai également beaucoup aimé la plume de cette auteure que je ne connaissais pas.
De plus, le livre en tant que tel est très agréable bien que lourd, mais il a une chouette couverture, et l'intérieur est tout aussi beau… un beau livre qui me change des poches.

Pour cela, je dois tous mes plus chaleureux remerciements à Babelio qui m'a permis de pouvoir concourir à une masse critique privée, et mes plus vifs remerciements aux éditions Cherche midi qui m'a offert ce très beau roman dans les deux sens du terme.

Une très belle lecture pour un très beau livre pour mettre à l'honneur, la femme, la musique, le tango, et tous les êtres qui mettent en péril leur vie en quittant leur terre pour espérer rejoindre un bout de paradis tant rêvé.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Elle grimpa sur la passerelle et rejoignit le pont. Elle se rapprochait des Amériques, de Dante, son cousin, son époux, et à présent qu’elle ne marchait plus sur la terre ferme mais sur une longue passerelle suspendue dans l’air, elle se sentit comme une émigrée. Un entredeux, se dit-elle lorsque ses pieds foulèrent le pont. Une épouse mais encore vierge, entre l’Italie et l’Amérique du Sud. Je suis l’impossible et je suis ce qui fait que tout est possible, comme une fuite dans la digue du temps. Cette pensait la rendait confuse et l’excitait tout à la fois. Elle ne savait plus ce que racontait son propre esprit.

[…]

La musique était une flèche qui transperçait les murs les plus épais. La musique faisait oublier les inégalités. La musique transcendait les siècles. C’était le nectar des démons, l’ambroisie de Dieu.

[…]

La solitude la prenait à la gorge comme un fil de fer meurtrier. Personne ne la voyait comme elle était vraiment ; il n’y avait pas d’issue possible à cette mascarade et à son histoire. Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas vivre dans la peau de ce nouveau Dante, mais en cachant la moitié de son histoire elle avait l’impression de devenir invisible, ou à moitié visible, comme la lune quand une de ses faces est voilée. Et il y avait des moments où elle avait envie qu’on la voie, qu’on la touche. Comme ce n’était pas possible, elle repoussait ces idées de son esprit. Elle était heureuse que personne ne puisse la voir, en tout cas, pas toute entière. C’était son salut. Les gens ne peuvent pas voir ce qu’ils ne peuvent pas imaginer, et même à ses propres yeux elle défiait l’imagination. Elle était comme un accroc dans le tissu du réel. Aucune femme n’avait jamais fait ça, si ?

[…]

Ce son les réunissait et Dante se sentit soudain très proche des autres hommes. C’était presque une fusion, mais plus immédiate qu’avec le sexe, ou en tout cas ce qu’elle en imaginait d’après ce qu’elle avait glané auprès des matrones d’Alazano, dans les bordels et les bars. Il n’y avait rien de la relation marie et femme ou homme et putain dans cet échange. Pas de soumission, pas de conquête. Chaque musicien pénétrait les autres en même temps qu’il était pénétré, chaque homme s’exposait : toi, tu souffres comme ça, et voici ce qui te fait vibrer. Et moi, voici ma douleur, mon plaisir. Chaque être humain a sa propre géographie intérieure, bien cachée au fond de lui, mais calez-vous sur le même rythme et alors tous les secrets enfouis remontent et s’illuminent.

[…]

« Le tango est à nous. Rappelle-toi ça, rappelle-toi d’où il vient. Pour chaque personne qui connaît ses racines, il y en a cent qui ne les connaissent pas. Et peut-être qu’un jour ceux qui savent auront tous disparu. Mais le secret vivra toujours, son cœur bat dans les percussions et dans son rythme syncopé. Même quand les percussions auront disparu, il vivra dans les pas des danseurs qui ne sauront même pas qu’ils imitent les pas d’une vielle religion arrivée ici dans le ventre purulent des négriers. Le seul plaisir qui survit à l’enfer. Un dieu et une déesse qui dansent côte à côte comme ils le faisaient avant que le tango ne les fasse se mettre face à face et s’enlacer. Et ces blancs se demandent pourquoi ils se sentent si vivants avec le tango. Ne t’inquiète pas pour ça. N’essaie même pas de le leur dire. Contente-toi de leur donner cette musique et laisse-la faire le reste. »
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La musique.
Elle s'éleva des cordes et des doigts dans une communion éblouissante, comme un sanglot de plaisir sous l'archet. Les cordes de la guitare vibraient et intensifiaient ce puits de chagrin.
Carlo se mit à chanter. Il parla de la nuit qui étreignait son cœur, d'une femme, d'une mauvaise femme.
Elle n'arrivait pas à tout comprendre mais le son la tenait captive. Il pénétrait ses os, fouettait son sang. Elle ne se connaissait pas elle-même ; elle ne le comprenait que maintenant et elle n'avait jamais rien su. Jusqu'à ce jour. A présent, elle savait qu'une telle sensation existait, qu'il existait dans le monde un tel son, un tel éveil, une mélodie aussi riche que la nuit.
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"Toutes les créatures sur Terre dorment le jour ou la nuit, mais Buenos Aires ne dormait jamais.C'était donc une créature qui n'était pas de ce monde.
Toute la nuit, les cafés restaient illuminés, la plupart avec les lampes à pétrole, certains avec la lueur arrogante de l'électricité.Les hommes dansaient, buvaient et montaient avec des femmes de petite vertu.Dante vit des couples dans un coin ou contre un mur, les jupes de la femme retroussées, une jambe enroulée autour de l'homme en rut...........La vision lui faisait monter le feu aux joues.
De Honte. D'Excitation.De Peur ou de Désir ?"
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Ils jouaient toute la nuit, ils jouaient pour que le soleil se lève au-dessus des toits. Ils jouaient pour les pauvres, pour les riches qui venaient s’encanailler avec les pauvres, pour les femmes payées à danser, et les femmes payées à danser et baiser, et quand ils avaient vraiment besoin d'argent, ils jouaient même pour les femmes payées à baiser, qui baisaient tant qu'elles ne pouvaient jamais danser.
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Ce son les réunissait et Dante se sentit soudain très proche des autres hommes. C’était presque une fusion, mais plus immédiate qu’avec le sexe, ou en tout cas ce qu’elle en imaginait d’après ce qu’elle avait glané auprès des matrones d’Alazzano, dans les bordels et les bars. Chaque musicien pénétrait les autres en même temps qu’il était pénétré, chaque homme s’exposait: toi, tu souffres comme ça, tu brilles comme ça et voici ce qui te fait vibrer. Et moi, voici ma douleur, mon plaisir. Chaque être humain a sa propre géographie intérieure, bien cachée au fond de lui, mais calez-vous sur le même rythme, et alors tous les secrets enfouis remontent et s’illuminent.
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Vidéo de Carolina De Robertis
Carolina de Robertis signe avec ce roman un texte d?une grande sensualité, une ode à la liberté, à la passion, à la vie. Pour accompagner la destinée de ces personnages sublimes et poignants, le tango, omniprésent, résonne à chaque page. Plus qu?un roman, ce texte est aussi un témoignage captivant sur la Buenos Aires du début du XXe siècle, et un document rare sur la naissance du tango.
En savoir plus : http://bit.ly/2oDfSfK Lire un extrait :
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