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Critique de NMTB


Grégoire de Tours était issu d'une puissante famille gallo-romaine d'Auvergne qui comptait déjà quelques saints avant lui. On peut dire qu'il fait une description assez apocalyptique du monde dans lequel il vivait. Il donne vraiment l'impression qu'il se sent à deux doigts de la fin du monde. Et pourtant, on pourrait s'attendre à pire de sa part : qu'il traite les Francs comme des envahisseurs, des barbares. Mais il reconnaissait sans peine la légitimité de la royauté franque : « beaucoup de gens des Gaules désiraient ardemment vivre sous la domination des Francs ».
Le fait est que Clovis en se baptisant est devenu, après avoir battu le dernier grand général romain d'occident, le seul protecteur des catholiques romains face aux différents barbares païens ou ariens. Car l'hérésie arienne véhiculée par les Goths inquiétait beaucoup Grégoire et il se sentait redevable à Clovis de l'avoir chassée. Toutefois, cette conquête, qui remontait à une petite centaine d'année quand Grégoire a entrepris de la coucher sur le papyrus, n'est le sujet que d'un ou deux livres sur les dix que contient cette Histoire des Francs ; l'essentiel a été écrit sur ce qu'il a connu de son vivant, pendant son épiscopat dans les années 570 et 580, ce qui a lui permit de fréquenter quelques-uns des acteurs, des rois et des reines.
Sigebert, Chilpéric et Gontran étaient les petits-fils de Clovis et ce sont d'eux dont il est surtout question, ainsi que de leurs femmes, en particulier Frédégonde, la « douce et tendre » de Chilpéric. Il leur reproche beaucoup leurs guerres fratricides et il faut bien avouer que cette famille mérovingienne est digne des Atrides, il y aurait eu matière à en tirer quelques bonnes tragédies : meurtres, trahisons, vengeances, tout y est.
Outre l'histoire des Francs, la religion de Grégoire est un élément très développé et intéressant à découvrir. Comme je le disais, l'hérésie arienne le préoccupait en premier lieu mais son deuxième ennemi étaient les juifs (il s'attarde plus sur eux que sur les païens, il me semble) et je note qu'il y avait déjà des problèmes avec les juifs usuriers (chapitre 23 du septième livre). La pauvreté, et disons-le carrément, le désir de pauvreté est l'aspect principal de la foi de Grégoire. Il loue énormément les saints qui se mortifient, jeûnent et font de grandes abstinences. Et il a beau se moquer des païens, on peut constater qu'il est lui-même très superstitieux ; on n'échappe pas si facilement à son temps... Sans même parler des nombreux miracles qu'il attribue aux reliques, il n'arrête pas d'interpréter les phénomènes naturels comme des signes de Dieu (incroyable, le nombre d'éclipses, de comètes, de séismes et de lumières bizarres dans le ciel qu'il y a eu à cette époque).
En tout cas, il est certain que la religion a joué un grand rôle dans la constitution du royaume franc. Grégoire laisse aussi entrevoir une autre question, celle des impôts. Il évoque les recensements de population et les collectes d'impôts qu'on imagine basées sur celles des Romains. J'ai parcouru (en parallèle, pour me faire une idée plus vaste de la mentalité de l'époque), la Vie de Saint Eloi par saint Ouen, et, comme c'est une hagiographie, il est évidemment encore beaucoup question de religion. Elle est plus basée sur la charité et le respect des lois, moins sur la contrition, que celle de Grégoire. On peut quand même regretter que des personnages comme saint Ouen ou saint Eloi n'aient pas écrit une Histoire des Francs un peu plus « administrative », ç'aurait été tout aussi passionnant.
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