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En 1973 exactement, année où l'auteur américain écrit Great Jones Street, son troisième roman, deux ans après Americana. Un livre plein de rock et d'hystérie, furieux reflet de la décennie sixties, à l'heure des Stones, de Morrison et de Dylan. DeLillo nous raconte la célébrité, mais pas n'importe laquelle. « Je parle de la célébrité véritable, de la dévoration des néons, pas du crépusculaire renom d'hommes d'État sur le déclin ou de rois sans couronne. Je parle de longs voyages dans un espace gris. Je parle de danger, du bord qui cerne un néant après l'autre, de la situation où un seul homme confère aux rêves de la République une dimension de terreur érotique. »

Bucky Wunderlick, héros et narrateur, incarne tout cela. Il a 26 ans, c'est une rock star doublée d'un prophète. Au milieu d'une tournée, il abandonne son groupe pour se terrer dans un appartement de l'East Village new-yorkais. Pas vraiment un burn out, plutôt une crise spirituelle, comme le veut l'air du temps. Pendant que les fans attendent le prochain message que l'idole Bucky délivrera, les parasites défilent dans le terrier : manager crapule, ancienne amante, dealer... le voisin du dessus fait les cent pas toute la journée, à la recherche de l'inspiration. Il est écrivain et travaille à quelque chose de nouveau : de la « littérature pornographique pour enfants ». La dame d'en bas cache un gamin difforme qui crie quand il rêve. Tout est à l'avenant : étrange, déroutant, drôle aussi. Difficile, dans cette mesure, de dégager le fil de l'intrigue. On comprend que deux paquets ont disparu. L'un contient des bandes de chansons inédites, qui pourraient assurer le retour en grâce de Bucky ; l'autre, des échantillons d'une nouvelle drogue aux pouvoirs mystérieux, dont celui de pousser celui qui y goûte à former non plus des mots, mais des sons. Effet miroir, puisque les échanges ne conduisent ici qu'à la perte du sens, chaque personnage étant enfoui loin en lui-même, inapte au face-à-face. Ce qui importe, désormais, c'est le soulèvement collectif, la masse qui s'électrise, la présence aveuglante d'un guide.

Don DeLillo a écrit une satire. Celle d'un temps, en pleine guerre du Viêtnam, où le moindre refrain contestataire, jusqu'au plus abrutissant, pouvait devenir un hymne - en témoignent les tubes de Bucky qui émaillent le récit, par exemple « Vietcong chérie ». Celle aussi du rock, des médias, de l'art contemporain... Soit à peu près tout ce qui compose l'époque. le goût de la dérision n'empêche cependant pas Great Jones Street de distiller une authentique poésie, citadine et crasseuse, qui culmine dans le dernier chapitre, sorte de collage sensoriel. La ville se dessine sous la pluie. On ne parle plus de célébrité, mais de l'inverse. Regard sur les marginaux, les anonymes. « Une population errante de sorcières et de vagabonds orageux. Ils se traînaient dans les rues mouillées en parlant des langues plus anciennes que des pierres ensevelies dans le sable. Lits et punaises. Hommes et poux. Gonocoques nichés dans l'étreinte de l'amour.
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Un des premiers romans de Don de Lillo, où l'on retrouve les thèmes qui occuperont les textes postérieurs : la déchéance, l'errance, la création, le monde artistique, la musique. On trouve déjà la présence forte des dialogues, le caractère erratique de l'écriture, construite sur des décalages, des échanges étonnants, le coq à l'âne, une traduction semblant des plus littérales.
L'auteur fait le récit paranoïaque d'un monde régi et traversé par le pouvoir de l'argent, dont il n'est possible d'échapper que par les mots (quand ils ne se dérobent pas), la fuite au désert, ou l'anormalité. Une galerie de portraits marquante, -une rock star en cavale, un écrivain miteux, un dealer, une égérie mélancolique-, parcourent l'univers créé par de Lillo, univers urbain extrêmement concret, sombre et enneigé, hanté par la mort.
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Don DeLillo (Donald Richard DeLillo), né en 1936 dans le quartier du Bronx à New York, est un écrivain américain. Auteur de nouvelles, de pièces de théâtre, de scénarios, et d'articles, il est surtout célèbre pour ses romans. Great Jones Street, son second roman (1973) n'a été traduit chez nous qu'en 2011. Et autant le dire tout de suite, ce n'est pas son meilleur, même pour moi qui suis un admirateur de cet écrivain.
Don DeLillo n'est pas un auteur toujours facile à lire, alors avec ce roman, soit vous accrocherez dès les premières pages, soit vous abandonnerez illico presto et dans ce cas vous rejoindrez ceux qui y voient un grand n'importe quoi – ce que je peux comprendre mais qui moi, ne m'a pas déplu.
Tentons un résumé de l'intrigue : Bucky, le narrateur, star du rock en proie à une crise spirituelle, abandonne son groupe sans prévenir et va se planquer dans l'appartement minable de sa copine Opel, absente, situé dans Great Jones Street, à Manhattan, New York. Il veut le calme et la solitude mais il va se retrouver cerné par une meute d'indésirables de tout poil, avides pour des raisons diverses de le faire réintégrer le monde qui continue de tourner inexorablement… Il y a ceux comme le Dr Pepper ou Bohack qui veulent mettre la main sur un mystérieux paquet confié à Bucky par un tiers, contenant peut-être une nouvelle drogue aux effets inconnus qui intéresse fortement la Communauté agricole de Happy Valley scindée en deux courants rivaux ; il y a aussi Globke, son manager, qui lui voudrait récupérer un autre paquet ( !) contenant des enregistrements/démos faits par Bucky dans son chalet à la montagne.
Au fur et à mesure que le lecteur s'aventure – c'est le cas de le dire - dans le roman, il a la nette impression de lire les confessions d'un drogué paranoïaque. Bucky, c'est la synthèse littéraire de toutes les figures emblématiques du rock, vedettes du star-système : broyé par une célébrité mondiale, devenu à l'insu de son plein gré une sorte de messie pour un public avide du moindre de ses gestes, de sa moindre parole ou d'un rot quelconque. Sa crise existentielle s'apparente à une dépression teintée de paranoïa, ce qui donne à ses propos un écho interrogatif pour le lecteur : qui sont réellement ces gens qui le contactent et lui tiennent un langage particulièrement tordu, voire incompréhensible ? Est-ce une invention pure de son cerveau, ou bien une déformation de la réalité ? Est-il en plein trip chimique ?
C'est en cela que la lecture de ce roman est difficile, soit vous vous laissez porter par ces divagations qui vous scotcheront par l'imagination débordante de Don DeLillo, soit vous abandonnez. du coup, la question que l'on est en droit de poser n'est pas « comment peut-on lire ça ? » mais plutôt, comment un écrivain arrive-t-il à « écrire ça ? » Car attention, cet équilibrisme en trois dimensions se tient ! Dans ce délire verbal se glissent des théories et des tentatives d'explications (qu'on acceptera ou pas).
Bien entendu derrière la forme, il y a le fond, l'écrivain ne se contentant pas de balancer des histoires à la mords-moi-le-noeud gratuitement. Il nous sort la grosse artillerie pour dénoncer, je cite en vrac : les rumeurs et la manipulation des rumeurs (il prédit Twitter ?), la paranoïa complotiste avec cette drogue qui serait une création du gouvernement pour priver du langage ses opposants, l'économie de marché (« S'il n'existe pas encore de marché pour un produit lambda, un nouveau marché se développe automatiquement… »), les médias, une certaine réussite (« Mégafourberie. Grande gueule. Insultes inimaginables. Pieux mensonges à la petite semaine. Dégueulis en tout genre. Trahison d'amis dont on se vante. Voilà les choses qui vous donnent une stature dans cette industrie. »), la relation entre l'art et l'argent. Et au milieu de tout cela (la Société moderne), l'Homme (Bucky) prisonnier de son rôle/habit (rock-star).
Un roman qui n'est pas le meilleur de l'auteur mais avec l'excuse recevable de n'être que son second ouvrage, complexe à lire mais qui n'est pas sans charmes pour ceux qui s'y intéresseront.
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Bucky Wunderlick, une rock star désabusée abandonne son groupe au milieu d'une tournée et se réfugie à New York dans un appartement miteux d'un quartier pauvre.
Dès lors, vont se succéder ceux qui ont fait sa gloire, rapaces de la production, dealers de drogue atypique, des journalistes, des fans mêmes ainsi que sa petite amie. On y parle de la vie, de la mort, du suicide. Il y a du Kurt Cobain dans le personnage du film de Gus van Sandt, Last Days, en plus philosophe peut-être mais, souvent, on se demande que ce qu'il narre vient vraiment sa vision du réel ou d'un délire personnel.
Le roman est difficile à résumer, à raconter même tant la lecture donne une ambiance étrange. On croirait lire les paroles d'un album de rock des années soixante-dix avec des personnages surgis de nulle part qui apparaissent et réapparaissent, où l'on cultive la « private joke ». D'ailleurs , sont inclus les paroles comme dans un album, de quelques chansons sur la ville, le blues et la mort.
Le style est très bien adapté mais, il y a cette bizarrerie irrationnelle déroutante assez courante dans le roman américain. Il faut prendre les choses comme elles viennent et ne pas trop se poser de questions. Comme dans la vie, peut-être. Souvent on revient en arrière car le personnage de tel ou tel est venu au début - le roman n'est qu'une série de visites – et l'on ne se souvient plus du tout de son rôle. Ainsi, pour ne citer que lui, un fameux Docteur Pepper (comme le Sergent des Beatles, album du début de l'ère psychédélique) est omniprésent et on suppose qu'il est le dealer attitré de Bucky. D'autres personnages sont plus « clairs », surtout lorsqu'il s'agit de produire le fameux disque laissé en plus les fameuses « Mountain Tapes » et repartir en tournée. Mais Bucky en a assez des vampires médiatiques et ne supporte plus le mouvement :
"Also too much travel simply isolates people. It
narrows them. It makes them boring."
("Mais aussi de voyager trop isole les gens. Ça appauvrit leur esprit. Ça les rend pénibles.")

Sans m'en rendre compte, je me suis aperçu, ayant souligné dans certaines marges du livre comme je le fais quand je veux retenir un passage, que c'était ma deuxième lecture de ce roman et qu'en bon français rationnel, je cherchais un sens, un fil conducteur auquel me raccrocher et chaque chapitre est un jour nouveau sous le soleil du New York du narrateur qui tourne en rond tout en se remettant en question.
Un roman et un univers difficiles à appréhender.
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C'est pas un livre c'est une ambiance, une sorte de roman rock, genre concept album psychédélique et foutraque. A partir d'une idée de départ intéressante, celle d'une rock star mondiale qui décroche subitement, laissant journalistes, fans et musiciens dans l'inconnu, le traitement est particulier. Malgré quelques bonnes réflexions sur l'art, l'artiste, la vie, le marché de la musique, la création ... Il y a aussi des personnages intéressants, et cela bien au delà du seul héros, Bucky. Mais le tout ne prend pas. C'est quelque peu sinistre, l'écriture est laborieuse (bravo en passant à la traductrice qui fait un travail remarquable) et la lecture aussi.

Pourtant en début de lecture j'ai trouvé cette atmosphère et cet humour décalé vraiment génial, j'ai cru être atteint par un coup de coeur, mais la descente a été difficile et brutale, comme après un shoot d'héro. Dommage.

Que le rock soit avec toi malgré tout. Tiens j'vais aller m'écouter L.A.Woman ....


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Bucky Wunderlinck, rock star, s'est retiré du monde du showbiz pour vivre en ermite dans un appartement miteux de l'East Village. En pleine crise existentielle, il côtoie de sombres personnages, scories d'un monde en plein chaos. Ce livre symbole de la pop culture, comme écrit sous acide, ne se laisse pas facilement appréhender. Et j'avoue que je suis restée en dehors...
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Nick Hornby rencontre Timoty Leary, "Juliet naked " sous acide, un roman qui part dans tous les sens , revisite le mythe hippy et ses drogues hallucinogènes, narre la solitude d'une rock star proche de celle d'un coureur de fond, des moments lumineux qui valent que l'on se violente pour le lire .
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Après un premier roman audacieux, parlant de l'auteur en filigrane, et montrant une construction de l'identité littéraire au travers de la déconstruction de la vie de son personnage, nous retrouvons Don Delillo avec son troisième roman. Troisième, car il existe une second, End Zone, inédit en France. Great Jones Street fut publié en 1973 en Amérique du nord, mais ne sortit qu'en 2011 chez nous.Venant conclure sa trilogie de «jeunesse», de l'aveu de l'auteur, il aurait aimé le faire différemment avec le recul, plus court et plus drôle.

« La célébrité nécessite toutes sortes d'excès. Je parle de la célébrité véritable, de la dévoration des néons, pas du crépusculaire renom d'hommes d'Etat sur le déclin ou de rois sans couronne. Je parle de longs voyages dans un espace gris. Je parle de danger, du bord qui cerne un néant après l'autre, de la situation où un seul homme confère aux rêves de la république une dimension de terreur érotique. Comprenez l'homme contraint d'habiter ces régions extrêmes, monstrueuses et vulvaires, moites de souvenirs de profanations. Si demi-fou qu'il soit, il se trouve absorbé dans la folie absolue du public ; même entièrement rationnel, bureaucrate en enfer, génie secret de la survie, il ne peut qu'être détruit par le mépris du public pour les survivants. La célébrité, cette espèce particulière, se nourrit de scandale, de ce que les conseillers d'hommes inférieurs considéreraient comme de la mauvaise publicité – hystérie en limousines, bagarres au couteau dans l'assistance, litiges bizarres, trahisons, fracas et drogues. Peut-être l'unique loi naturelle régissant la célébrité véritable, est-elle l'homme célèbre se voit, à la fin, contraint de se suicider. »

Peut-on échapper à son destin ?
Choix audacieux de la part de Bucky Wunderlick, une rock star / messie, en plantant son groupe au milieu d'une tournée et en partant se réfugier dans un miteux appartement dans « Great Jones Street ». Son isolement ne va pas être de longue durée, car très vite son manager, sa petite amie, des personnages plus ou moins proches et plus ou moins mal intentionnés vont commencer à graviter autour de lui, tirant partie de sa notoriété, de sa faiblesse temporaire, de sa résignation. Pendant que les rumeurs folles et incohérentes courent dans les rues de tout le pays sur le sort de Bucky, celui-ci abandonne toute ambition et se laisse porter par les situations. Mais à trop se laisser faire ne forçons nous pas les gens à faire de nous ce qu'ils leurs plait ?

Don Delillo écrit comme Steve Reich compose de la musique, c'est minutieux mais bancal. Chaque mot, chaque phrase a son importance chez Don Delillo, au risque de perdre le lecteur – Et encore sur Great Jones Street c'est du très abordable – son roman crée un tout compact qui n‘offre pas à un oeil distrait le loisir d'être lu simplement. Tout comme la musique de Steve Reich il faut de l'investissement de la part du lecteur, accepter la logique de l'auteur, tolérer l'irréalisme des dialogues et les préoccupations des personnages. Car les personnages de Don Delillo évoluent dans une sphère toute autre. Certains servent même seulement à incarner une idée et n'existent que pour ça.
Bancal, oui mais foutrement bien bancal, la progression est logique mais toujours avec un léger décalage, comme si Delillo souhaitait mettre l'accent sur l'aspect superficiel que peut représenter le temps et marquer encore plus le fait que Bucky a décidé d'arrêter d'avancer.

Pour comprendre mon idée de comparaison avec Steve Reich je me dois de vous expliquer une invention du compositeur. Un jour, par accident et à cause d'un magnétophone défaillant qui lisait légèrement plus vite que la normale, Steve Reich découvrit le « Dephasing ». Cette technique consiste à prendre, par exemple, deux pianos qui vont jouer la même partition mais un des deux va la jouer légèrement plus vite. Les deux mélodies, qui sont à la base similaires, vont se « desynchroniser » progressivement, créant une autre mélodie et surtout une sensation d'irréalité, de motif onirique qui ne devrait pas exister. Ces « déphasages » sont plus ou moins long mais les deux instruments finissent à un moment ou un autre par se reconnecter, se resynchroniser.
Avec « Great Jones Street » nous assistons au même processus entre la réalité et Bucky qui jouent la même partition, mais Bucky décide de la ralentir, et c'est là toute l'intelligence de Don Delillo, car mis à part une technique d'écriture et un style déjà grandiose, il arrive à nous entraîner dans une sorte de rêve éveillé sans autre artifice, rêve qui sera fatalement resynchronisé avec la réalité. Une merveille à prendre le temps de découvrir.

Pour le petit coté «fun fact», il est question du Running Dog, un magazine parodique du Rolling Stones. C'est ce même Running Dog qui reviendra de manière beaucoup plus centrale en 1978 dans son roman « Chien Galeux».
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