Déjà scénariste en 2012 de Turquoise* dans lequel la responsabilité française dans le génocide rwandais était questionnée,
Frédéric Debomy signe ici un deuxième album sur le thème du génocide des Tutsis au Rwanda.
Accompagné et guidé par Alain Gauthier du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR),
Frédéric Debomy va, de Kigali à Kabarondo, à la rencontre de ceux qui ont été les victimes ou les témoins des massacres.
L'auteur questionne ainsi la responsabilité des autorités en place et celle des dirigeants français tout en menant une réflexion sur la mémoire :
« Ici c'était le siège de la radio-télévision des Mille Collines, qui appelait à exterminer les Tutsi. Et là, si on se retourne, il y a l'église de la Sainte-Famille, où comme à l'église de Kabarondo, des gens sont venus de réfugier et ont été massacrés. Mais les lieux ne parlent pas d'eux-mêmes. À Kabarondo, la façade de l'église a été refaite. Les impacts de balles ont disparu. Pour relayer ce qui s'est passé, il reste les témoins. Mais ils vieillissent, meurent, ne se souviennent plus ou ne souhaitent plus parler. Quelqu'un pourra bientôt venir et affirmer sans être contredit que ça n'a pas eu lieu. Bien sûr, la réalité du génocide est établie. La négation n'est pas sérieuse. Mais la tentation existe. Tout s'écrit sur ce génocide. On doit pouvoir discuter librement de ce qui s'est passé. Mais à la condition de ne pas avoir comme projet sous-jacent de réécrire l'histoire pour des raisons douteuses. »
En très peu de pages, aidé par les dessins aux couleurs très vives d'
Emmanuel Prost,
Frédéric Debomy revient sur l'histoire du Rwanda à l'époque de la colonisation - les colonisateurs allemands puis belges ont fait des trois groupes composant la société traditionnelle rwandaise (les Tutsi, des éleveurs, parmi lesquels se distinguaient de riches et puissants propriétaires de troupeaux, les Hutu, des agriculteurs et paysans et les Twa, des artisans et ouvriers) des races et des ethnies différentes, ce qui correspondait à la mentalité de l'époque, puis ont promu les Tutsi comme race supérieure et administrateurs - puis à partir de l'indépendance, une histoire dans laquelle les causes du génocide des Tutsis au Rwanda sont inscrites. C'est aussi l'occasion pour lui d'évoquer le travail d'Alain et Dafroza Gauthier, deux « chasseurs de génocidaires », et du CPCR pour retrouver les victimes d'un des génocides les plus rapides de l'histoire et de mener devant la justice les génocidaires. le rôle de la radio-télévision des Mille collines qui, « entre deux titres funky », diffusait « les listes des « cafards » à éliminer »** est également évoquée.
Full Stop. le génocide des Tutsi du Rwanda constitue une très bonne introduction à un sujet difficile - quelques pages abordent les massacres commis par les génocidaires - et une « invitation » à lire davantage tout ou partie de la bibliographie de fin d'ouvrage.
* Opération militaire organisée par la France et autorisée par la résolution 929 du 22 juin 1994 du Conseil de sécurité de l'ONU pendant le génocide des Tutsis au Rwanda dont la mission consistait à « mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force. »
** À lire : https://www.humanite.fr/rwanda-alain-et-dafroza-gauthier-chasseurs-de-genocidaires