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Régis Debray a consacré ce gros livre aux religions monothéistes, la juive et surtout la chrétienne. Il commence par se pencher sur la genèse de Dieu, qui date de 6000 ans maximum, alors que l’homo sapiens est apparu 50000 ans plus tôt. Puis il montre que l’environnement désertique a favorisé le monothéisme et que l’invention de l’écriture a permis de fixer la Loi divine. Les Juifs ont éprouvé le besoin d’enraciner leur culte dans un lieu sacré: Jérusalem. Ensuite, Debray réfléchit sur l’étonnante naissance d’une nouvelle religion, « la Croix sortant de l’étoile de David »; c’est le plus intéressant des chapitres et je souhaite y revenir ci-dessous. Dans la suite du livre, l’auteur étudie aussi l’évolution historique de l’Eglise, le rôle spécial de la Vierge dans le christianisme, la dissidence protestante favorisée par l’invention de l’imprimerie, la place du Fils qui devient bien plus importante que celle du Père, enfin l’évolution contemporaine de l’engagement religieux: cette seconde moitié du livre est, à mon sens, moins originale que la première. A présent, je reviens sur la thèse de Debray sur la naissance du christianisme. Il insiste sur le fait que Jésus fut un des nombreux prophètes (plus ou moins obscurs) qui étaient actifs pendant ces temps troublés. Mais, par une prodigieuse perlaboration posthume, son fiasco a été converti en apothéose, et son supplice infamant en titre de gloire. C’est Paul (qui, justement, n’avait pas connu Jésus) qui est l’artisan principal de cette sorte de miracle. Debray voit dans les Evangiles une abréaction libératoire après des événements traumatisants. Les rédacteurs de ces écrits ont le génie de simplifier tout ce qui était complexe, pour s’adresser au petit peuple qu’ils voulaient convertir. Ils ont eu aussi l’habileté de présenter comme un témoignage direct ce qui était seulement une profession de foi. Debray insiste aussi sur l’illusion d’optique selon laquelle il y aurait eu au départ une vérité historique établie, une base dogmatique unique; puis, par effet centrifuge, seraient apparues les divergences, les hérésies. Non ! Au contraire le point zéro du christianisme a été certainement diffus; ce sont les apôtres, puis les Pères de l’Eglise qui ont fixé a posteriori le dogme, l’image de Jésus et son rôle messianique. Cette analyse a, au moins, le mérite de nous faire réfléchir sur les Ecritures trop souvent acceptées d’une manière machinale. Voici donc un ouvrage fort intéressant, de mon point de vue. Régis Debray est très cultivé, ses idées sont pertinentes. Malheureusement, je le trouve difficilement lisible. Son écriture est trop allusive et souvent provocante; sa formulation se veut brillante mais elle est parfois irritante. Son intelligence est, si j’ose dire, "contondante" et le lecteur a du mal à suivre. Son mérite est ailleurs. L’auteur fait une critique de la religion, car il est sans doute agnostique; mais, ce faisant, il ne se livre pas vraiment à une démolition en règle du christianisme, ce qui n’est pas le cas des athées militants (comme Michel Onfray). C’est du moins ce que j’ai ressenti pendant ma lecture (laborieuse). + Lire la suite |
République ou barbarie
Régis Debray
Didier Leschi
Jean-François Colosimo
Éditions du Cerf
Un dialogue autour de l'héritage de la tradition française de laïcité et du devenir de l'exception que constitue la France à cet égard, dans le contexte de la mondialisation. La discussion aborde aussi le retour du fait religieux dans la vie de la cité, le basculement de la France dans le communautarisme et le sens de la prétention française à l'universalité, en ce début de XXIe siècle. ©Electre 2021
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