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EAN : 9782072971518
Gallimard (25/05/2023)
3.47/5   18 notes
Résumé :
Qu'en est-il de "l'art d'être français" ? Et quelle figure d'écrivain serait la mieux à même d'incarner ce génie singulier ? Une institution littéraire réputée, saisie par les plus hautes instances politiques, aurait, dit-on, tenté de répondre à cette question, en soumettant le sujet au vote auprès de ses membres les plus éminents. Résultat : Stendhal, premier sur la liste, assez loin devant Hugo.
Alarmé par cette rumeur, et conscient qu'un tel choix aurait ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
« Dans le pays où 1789, c'était la faute à Voltaire et à Rousseau, et 1940 à André Gide et Marcel Proust, personne ne songe plus à mettre « le suicide français » sur le dos de la NRF ou des Éditions de Minuit. On enquiquine son monde en lui parlant bouquins, sauf à enchaîner de suite sur le testament de Johnny ou la dernière série Netflix. le trésor national vivant, le monstre sacré, le délégué du génie national à l'étranger, c'est celui dont le pied laisse une trace sur le Walk of Fame d'Hollywood Boulevard. C'est Montand ou Aznavour (180 millions de disques) ou, intra-muros, Johnny. Donner sa couleur à l'époque, accompagner nos joies et peines, faire vibrer plusieurs générations de suite, ce n'est plus dans les moyens du noircisseur de pages. L'imprimé a cessé d'imprimer. Plus compétitif. Seuls les bons restaurateurs parisiens et les clercs de notaires donnent encore du « Maître au folliculaire ». c'est le show-biz et le stade qui mènent la danse et concentrent les honneurs, les réseaux et les hommages présidentiels. de l'image à l'image, c'est en circuit fermé qu'on est sûr de se faire voir et entendre des populations. »
Du génie français, Régis Debray, Gallimard (septembre 2019), pp.17-18
Il est parfois bien agaçant, ce Régis, passé du Che (Guevara) à Valéry (Paul), et bien moins rebelle aujourd'hui que, comme il le dit lui-même, " vieux screugneugneu ". Mais, outre cette citation qui dit avec justesse la misère du Livre et du littérateur dans la France actuelle, cet essai sur le génie français et le formidable match Stendhal-Hugo qu'il déroule est absolument pertinent et brillant, drôle et convaincant. Et, même si l'on en était déjà un fan absolu avant, après lecture, on vote à deux mains pour le grand Victor contre l'égotiste Stendhal, tellement à l'image, ce dernier, c'est vrai, de notre ère libéralo-macronienne... Oui, oui, avec tout le brio de Régis Debray, mettons-nous au bord du tombeau de Hugo et adressons notre requête au grand cadavre : " lève-toi et marche "...
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Debray, en bon littérateur, a le courage d'orchestrer, loin du petit écran, un match peu évident de prime abord, mais de manière assez convaincante, sur l'identité nationale littéraire. Selon lui, le vrai gagnant de l'époque, en France, serait Stendhal, qui par son romantisme, son jeunisme, son individualisme, dans ses romans comme dans sa vie, voire par ses échecs et frustrations, constituerait LA référence à la mode et snoberait un Hugo relégué parmi les auteurs scolaires. Ce serait là la modernité française. L'"aéré du style", le « décousu main », les ellipses ont sans doute contribué pour partie à une certaine adhésion. Les héros stendhaliens ont également de quoi enthousiasmer. de fait, Stendhal brasse large effectivement, et l'écrivain rassemble de manière paradoxale des adeptes aux opinions politiques très tranchées. Par opposition, l'hommage rendu à l'homme plutôt qu'à l'écrivain Hugo relève d'une poignante sincérité et rappelle effectivement qu'il fut l'homme de quasiment tous les combats.
le match est pourtant loin d'être plié. L'opposition n'est pas si tranchée. Stylistiquement, Stendhal n'est pas vraiment non plus l'apogée d'un style photographique ni éclaté dont le XXe siècle fourmille. C'est aussi un romantique qui fait croire au bonheur, et pas seulement un chroniqueur cynique. Politiquement, Stendhal est plus engagé, il a bien pris part mouvements libéraux de l'époque (Vanina Vanini) et les ultras en prennent bien pour leur grade (Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen...). Côté Hugo, il est difficile de souscrire pleinement à l'idée de son déclin actuel tant les événements, les séries (Les Misérables ; Hugo, ennemi d'Etat), les documentaires (Hugo en exil), les publications continuent de lui rendre hommage certain. L'exclusion trop rapide d'autres prétendants, comme Flaubert dont Barnes voudrait faire le patron de notre époque, montre que la couronne est au moins partagée, et les valeurs plurielles.
Au-delà, le titre accrocheur soulève une autre question plus profonde sur les idées de l'époque : individualisme replié, consécration du soi et du roman personnel, frustrations et échecs. On ne dissimule pas un certain malin plaisir à retrouver ici un exercice de style familier à l'auteur. le trait est cependant forcé, « Stendhal » devenant alors un prétexte à une critique plus général. C'est alors on peut sérieusement se questionner sur l'existence même d'un tempérament national unique et distinct. Posé comme une évidence, les grands symboles nationaux étrangers semblent également assez éloignés des pratiques politiques et des identités nationales en cours. Si Johnson est shakespearien, c'est plutôt Macbeth. Quant à Confucius/Xi Jiping…
le plus paradoxal sans doute tient à ce que le critique se prend à son propre jeu. Son propre style, formulaire, allusif, la rédaction fugitive de l'essai empruntent bien davantage à celui qu'il prétend condamner (Stendhal) qu'au candidat de son choix. Ce qui fait l'intérêt de cet essai, c'est bien sa brièveté et son allant. Au moins, Debray a le mérite de s'engager et de lancer le débat, proposant une vision littéraire des débats actuels, et ce n'est pas là sa moindre qualité.
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Stendhal porté aux nues, symptôme d'une époque


Victor Hugo a longtemps dominé par son écrasante majesté l'histoire des lettres françaises, élu par goût majoritaire numéro un des écrivains dans le coeur des français. Mais depuis quelques décennies Stendhal l'a détrôné et occupe désormais sa place de grand magistère littéraire.

Entre froissement et perplexité, Debray tente dans son essai d'expliquer et de dénouer les enjeux de ce retournement de popularité d'Hugo pour Stendhal.

Il avance comme argument principal l'égotisme contemporain qui s'identifie davantage à Henri Beyle qu'à Hugo, que ce soit par son oeuvre ou par sa vie. Cet homme qui préférait l'Italie à la France et dont les personnages, sans grands engagements répondent à des destinées imprévisibles. A contre-courant de leur siècle, ils font désormais corps avec le nôtre.

Cette mise en perspective des deux écrivains et leur affrontement spéculatif est un exercice de style réjouissant où Debray conspue l'être moderne stendhalien en restant fidèle au monde hugolien.

La prose de Debray est toujours une joie. Cet engagement de phrases biscornues et toniques, révélatrices d'un imaginaire fécond en ébullition. On passe au-dessus et au-dessous de la ligne de flottaison de l'académisme scriptural, ballottant notre esprit captif et imposant ralentissements et accélérations dans le rythme de la lecture. Son style est une musique qui se module en fonction du sens des mots alignés, de l'enchaînement des idées et des orientations conceptuelles.

Pour conclure, un livre passionnant, porteur de tout ce que Debray charrie de pensées sur l'époque et les êtres qui la traversent. N'échappant pas à l'écueil de notre temps, je me reconnais en l'égotisme De Stendhal mais n'oblitère pas pour autant la figure tutélaire incontestée du géant Hugo.


Samuel d'Halescourt
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Un grand merci à Babelio pour cette réception des Masses Critiques Non-fiction !
Force est d'avouer que si je connais Régis Debray de nom, j'ai choisi cet ouvrage majoritairement grâce au graphisme de sa couverture et à son titre génial (dans tous les sens du terme).

Dans cet essai aussi court qu'interne, Régis Debray avait amour objectif de déterminer qui, De Stendhal ou de Victor Hugo, méritait d'être nommé incarnation de l'art d'être français... Une fois l'écheveau stylistique défilé, l'apparente désorganisation de la pensée qui semble régner entre ces pages fait place à un duel : Stendhal à gauche, Hugo à droite.
J'ai été stupéfaite d'apprendre que l'auteur du Rouge et le noir pouvait être donné pour favori (je dois bien confesser une certaine antipathie à son égard). de ce fait, si le choix ne se limitait qu'à eux, Victor Hugo avait ma voix (et celle de Debray aussi, ça tombe bien!).

De circonvolutions sémantiques en métaphores filées, Debray s'interroge (nous interroge) : pourquoi Stendhal, à contre-courant de son époque, dégouté de la France, dont les personnages reflètent un egotisme étonnant, serait-il devenu la mascotte de la littérature française ? Quelle ironie néanmoins, que pour expliquer la victoire de Hugo, la majorité de l'essai discuté De Stendhal... 😅

J'ai enfin été étonnée que la "fonction suprême", l'incarnation littéraire de "l'art d'être français", ne puisse être décernée qu'à Stendhal ou Hugo... Oui, c'est vrai, ce n'est pas comme si Molière parlait à tous, que Lamartine fut l'homme politique le plus respecté de son temps, ou que Rabelais sut faire rire tout en instruisant ! Quelle grande preuve d'un petit esprit !


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Régis  Debray propose dans ce livre un parallèle littéraire et sociétal, essentiellement entre Stendhal et Hugo. Cette mise en perspective des différentes attentes du lectorat au fils des temps permet de discerner les évolutions de ce qui est ou fut un "génie" littéraire. En cela, cet essai est très pertinent et minutieux dans les comparatifs utilisés et j'ai eu un coup de coeur pour le distinguo soulevé entre les personnages De Balzac et De Stendhal.


Toutefois, l'auteur, dans une grosse liberté de jugement effectue également de nombreux jugements de valeur de la société contemporaine qui s'écartent grandement de la littérature et n'apportent donc pas de plus-value dans cette réflexion de "génie littéraire".


Du génie français se présente comme un essai et, en cela, je trouve appréciable qu'il y ait une biographie de l'auteur présentant sa thèse. Or, la biographie initiale est très rapide, elle nous apprend seulement que l'auteur a fait l'École normale supérieure. La pensée, quelque peu élitiste, présente dans les études supérieures en classe préparatoire catégorise la littérature, dissocie une forme de "vraie" littérature et de "sous" littérature. Il faut donc supposer par la très courte biographie de l'auteur ce positionnement dans cet essai.




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critiques presse (2)
Actualitte
23 décembre 2019
Régis Debray, dans un petit essai intitulé Du Génie français, paru en septembre 2019, évalue les mérites respectifs de Stendhal et de Victor Hugo, finalistes d’une prétendue consultation des membres de la SGDL (Société des Gens de Lettres) pour savoir qui incarnerait le mieux « l’âme française ».
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeMonde
23 septembre 2019
Le nouveau livre de l’essayiste est une philippique contre une France du XXIe siècle où régnerait l’individualisme stendhalien au détriment de la grandeur hugolienne. Embarrassant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« Dans le pays où 1789, c’était la faute à Voltaire et à Rousseau, et 1940 à André Gide et Marcel Proust, personne ne songe plus à mettre « le suicide français » sur le dos de la NRF ou des Éditions de Minuit. On enquiquine son monde en lui parlant bouquins, sauf à enchaîner de suite sur le testament de Johnny ou la dernière série Netflix. Le trésor national vivant, le monstre sacré, le délégué du génie national à l’étranger, c’est celui dont le pied laisse une trace sur le Walk of Fame d’Hollywood Boulevard. C’est Montand ou Aznavour (180 millions de disques) ou, intra-muros, Johnny. Donner sa couleur à l’époque, accompagner nos joies et peines, faire vibrer plusieurs générations de suite, ce n’est plus dans les moyens du noircisseur de pages. L’imprimé a cessé d’imprimer. Plus compétitif. Seuls les bons restaurateurs parisiens et les clercs de notaires donnent encore du « Maître au folliculaire ». c’est le show-biz et le stade qui mènent la danse et concentrent les honneurs, les réseaux et les hommages présidentiels. De l’image à l’image, c’est en circuit fermé qu’on est sûr de se faire voir et entendre des populations. »
Du génie français, Régis Debray, Gallimard (septembre 2019), pp.17-18
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Oui, mais l'ouvrage relié pleine peau et la chauffeuse près de la cheminée ont déjà rejoint l'écomusée car nous avons muté en rejetons de l'image et du son. Comme notre esprit se calque sur nos prothèses, et notre mémoire sur l'écosystème, il y a, à chaque génération, un darwinisme de la gloire, une sélection du plus apte, d'où vient l'impitoyable tri de la vidéosphère parmi les candidats à la devanture. L'écrit en style sauf accident, se mord la queue et tourne en rond. La vieille religion littéraire a beau se survivre à coups de subventions, pubs, foires, festivales, résidences et Goncourt, l'encombrement des librairies n'empêchent pas les désertions. La France entend toujours se doter d'une voix et d'un visage mais les ados ont d'autres autels : ils écoutent et ils visionnent. Branchez votre radio, ouvrez votre télé, lisez les nécros. Celui ou celle qui "nous a quittés à l'âge de quatre-vingt-un ans, à la suite d'une longue maladie", c'est le comédien, le chanteur, le rockeur, non le poète ou le romancier. Le point de mire fait l'ouverture du 20 heures et des nouvelles à la radio parce qu'il y a des images à faire défiler, un son de voix à faire entendre. Ca meuble. Alors qu'avec nous, les plumitifs, la flatteuse rumeur n'a rien à se mettre sous la dent en sorte que notre trépas reste clandestin, expédié en page 13 de notre quotidien préféré, dans un "en bref". C'est la loi sous l'audiovisuel. On n'y peut rien.
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Mais quand on voit, en 2018, "Mimi", la reine des paparazzis et du show-biz, en haut lieu, debout derrière le bureau du général De Gaulle, faisant des deux mains le V de la victoire, on se convainc que l'état lui-même et sa majesté ne sont pas sortis indemnes du clic-clac Kodak.
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Normal qu'on se sente en famille, quand on a dans sa poche un cousin de Grenoble, chez qui on ne risque pas de tomber sur des vocables aussi ringards que dévouement, loyauté, conviction, bien commun, grandeur, fraternité ou sacrifice.
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On ne prend pas la Bastille avec pour slogan un "ne croyons plus en rien ni personne". Difficile à mettre sur pied, le Rassemblement des "J'en ai rien à foutre".
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