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Critique de PaulMartin


L'auteur à 91 ans quand il achève ces mémoires ; il en avait 18 en 1900 et est un des grands témoins du XXe siècle. Patriarche emblématique de la famille Debré, une famille de la moyenne bourgeoisie que tout semble tirer vers le haut. Les mots travail, courage, sens de l'honneur et de la patrie, grandeur d'âme peuvent lui être accolés.
Mais pour moi le principal intérêt de ce livre n'a pas été de la faire découvrir, il a plutôt été de revisiter le siècle à travers le regard d'un homme actif, bien informé et aux nombreuses relations.
Ce regard au ras du sol, porté sur une multitude de personnages, d'événements, de grands ou menus faits, de détails, d'anecdotes… à des périodes à la fois peu éloignées et très différentes de la nôtre, mérite le détour. L'auteur fait bien sentir les ambiances, l'état d'esprit de ses contemporains…

Il a connu d'anciens communards et des contemporains de Jules Ferry et Flaubert, rencontré de nombreuses personnalités, beaucoup de savants, d'écrivains, de Péguy à Mauriac.

Ancien Résistant, fils de rabbin, il se montre curieusement antisioniste : « la création après une guerre de conquête, d'un Etat juif au milieu d'un monde musulman devenu hostile est une entreprise dangereuse et sans doute funeste » (p.27)

Au Maroc en 1911, il évoque l'état de santé lamentable de la population avant la mise en place du protectorat français (1912) dans un pays où « l'examen physique n'était point autorisé » aux médecins (p.105), assiste à des ventes d'esclaves où une mère est vendue d'un côté, son enfant de l'autre, évoque les castrations d'esclaves qui provoquent la mort trois fois sur cinq.

En visite dans le Massachusetts dans les années 1920, il indique « à ce moment, on n'était pas hanté en Amérique par les scandales de la corruption, de la drogue, de l'insécurité dans les villes, par le développement du banditisme et de la délinquance (…) On sentait alors beaucoup plus qu'aujourd'hui l'idéalisme des pèlerins du Mayflower, des quakers et puritains et des insurgents » (p.322)

Les parties les plus intéressantes concernent les deux guerres mondiales, mais aussi les débuts de la Ve République.
Les nombreux passages sur la médecine – dont le fil rouge est son projet d'hôpital de pédiatrie (inauguré en 1952) – montrent le travail considérable qu'il a réalisé dans ce domaine en évolution rapide et le nombre impressionnant de pathologies disparues dont les enfants souffraient à l'époque, mais ils intéresseront surtout les spécialistes.
L'auteur montre bien comment les résistances suscitées par la création des CHU en 1958 – qui a permis de décloisonner les professions de santé et de faire progresser la médecine – révèlent les intérêts particuliers de l'époque. (p.355)

Il analyse en clinicien l'origine des événements de Mai 68. Les causes principales en seraient la physiologie particulière de la génération des boomers, différente des générations précédentes, et l'augmentation du nombre d'étudiants favorisant les phénomènes de foule :
- « une contradiction entre une adolescence plus tôt commencée, plus vite achevée d'une part, et d'autre part le retard de l'âge viril dans le sens social du terme. »
- « les éléments d'ordre émotif changent du tout au tout quand l'homme se trouve au sein d'une foule. Les foules sont violentes et se jettent contre l'obstacle pour s'y briser ou le briser. »
Le déséquilibre entre activités intellectuelle et physique dû au développement des transports aurait aussi favorisé l'effervescence.

Ecrit d'une façon parfaitement surannée, il reste intéressant comme reflet de son époque, de son art de vivre et de ses valeurs. Une époque largement révolue mais utile à connaître pour mieux évaluer la nôtre.
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