« Je veux écrire l'incertitude, le mystère et le flou. Qu'entre les lignes apparaisse toute la magie de qui nous sommes. Des êtres profondément insatisfaits. Je veux dire notre irrémédiable intranquillité, qui constitue notre force et notre beauté ».
Aliénor Debrocq, une jeune Belge, m'a baladée tout au long de ce qu'on peut appeler son – ou ses – romans, d'un bout à l'autre de la planète : de Bruxelles à Calais, de la Bretagne à la Thaïlande.
Elle m'a emmenée dans les méandres tortueux d'un cerveau de romancier – ou de romancière. Et je peux vous dire que ça remue, là-dedans ! Ca tourne, ça arrête, ça repart, ça abandonne...ça lâche prise.
L'histoire de ce tiers sauvage, ce tiers abandonné par la civilisation et ses codes, qu'on veut garder intact ? Je vais essayer de vous la livrer, mais ça va être difficile car
Aliénor Debrocq se joue de ces codes, elle traficote avec la réalité et ses diktats pour mieux nous conduire au pays de cette intranquillité dont son héroïne est la représentante.
« Je n'arrive pas à décider qui va raconter cette histoire. La focalisation m'échappe » : voilà ce que Clara Clossant (mais s'appelle-t-elle vraiment Clara Clossant... ?) déclare. Elle s'essaie à écrire un roman et doute d'elle. Coincée dans son appartement pourri à l'ombre d'un viaduc routier, désabusée à la suite d'une sombre histoire où elle a perdu une amitié et où elle s'est elle-même perdue, elle devient assistante d'un écrivain à la mode pour mieux l'espionner.
Cela ne sert à rien que je raconte la suite, car tout va se bousculer : l'écrivain en question, son fils, son ex-femme, les protagonistes de ses 3 romans, ses anciens copains de Fac, ainsi que les personnes – personnages peuplant la vie et l'imagination de Clara. On y parle de snobisme des « salons » littéraires, de touristes égoïstes, de migrants (é)perdus... On y parle aussi de compassion, d'amour, de lâcher-prise...
« Elle n'a jamais cru au destin, n'a jamais utilisé de mots comme celui-là, mais il arrive que la vie nous étonne, et on se retrouve la bouche pleine de clichés, qui prennent soudain sens ».
Les histoires vraies et de fiction s'enchevêtrent pour former un tout qui, ma foi, tient la route : celle de l'incertitude.
Je suis entrée dans ce roman comme on entre dans un labyrinthe. C'est alerte, très intellectuel, plein de remarques acerbes où le cliché est honni (peut-être y a-t-il trop d'allusions à ce cliché honni). La première partie fuse en tous sens et je me suis bien amusée. J'ai trouvé la suite un peu moins jouissive, un peu plus donneuse de leçons ainsi qu'un peu plus « trop de choses dans tous les sens », mais la fin se rattrape bien, et l'auteure adresse un pied-de-nez à toute cette intelligentsia bien-pensante autour de la chose littéraire.
Merci aux éditions
Luce Wilquin pour ce roman pétillant.
Croyez-moi, Aliénor Dubrocq est une auteure à suivre. Il n'y a pas qu'
Amélie Nothomb, en Belgique...