L'autorisation d'organiser, à l'occasion des funérailles, un cortège à travers Paris, est refusé aux dirigeants des syndicats et du parti communiste. C'est donc en voiture automobile, "à la sauvette", pourrait-on dire, que le corps de Paul Eluard sera transporté, le 22 novembre, de la chapelle ardente dressée dans le hall du journal "Ce Soir", au cimetière du Père-Lachaise ou doit avoir lieu l'inhumation.[...]
Le cortège s'ébranle, gagne les hauteurs du cimetière, s'arrête près du Mur de Fédérés. C'est là, au milieu des fusillés de la Commune, des martyrs de la Résistance et de la Déportation, au milieu de ses frères en liberté, que Paul Eluard va reposer.
Non loin de là, dans le même cimetière, est une tombe qu'en ce jour de funérailles solennelles, nul ne songe à visiter. C'est une tombe modeste, déjà un peu touchée par le temps, avec un seul bouquet de fleurs. Sur la pierre, un nom : Nusch Eluard. 1906-1946. Là-bas, devant la fosse ouverte, le défilé du peuple continue. Il y a des monceaux de fleurs.
Et le rêveur qui tient à l'écart se prend à imaginer pour ce poète mort, loin des discours et des symboles, une tombe perdue dans l'herbe, une dalle toute simple, sur laquelle on aurait écrit :
Ci-gît celui qui vécut sans douter
Que l'aube est bonne à tous les âges
Quand il mourut il pensa naître
Car le soleil recommençait.