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Critique de Sarindar


L'auteur nous propose d'abord un bref tableau de la France en 1382, après quarante ans de conflit entre les rois de France et d'Angleterre, l'affaire ayant commencé en Guyenne et s'étant poursuivie dans les Flandres avec le désastre naval subi par notre flotte à L'Ecluse (Sluys, 1340), précédant des déroutes françaises au sol à Crécy en 1346 et à Poitiers-Nouaillé-Maupertuis en 1356.
La France semble à peine remise de ces revers, Charles V, qui a repris grâce à du Guesclin, à Anjou et à Berry, les provinces perdues, vient de mourir. le nouveau roi, Charles VI, semble aimé de son peuple au tout début de son règne, qui semble prometteur. Et pourtant, les menaces pointent déjà à l'horizon. Et, dans le royaume, la situation s'envenime. le pays est présuré de taxes et autres impôts, et le rétablissement des aides et des fouages, abolis à la fin du règne de Charles V, est à l'ordre du jour. La relance et le renforcement de ces derniers mettent en ébullition les populations des villes et des campagnes. Un peu partout, c'est la révolte. A Paris, ce sont les Maillotins. Et en beaucoup d'autres lieux, on s'en prend aux collecteurs et aux seigneurs locaux, dépositaires du pouvoir et victimes désignées. La colère est d'autant plus forte que ces nobles, qui sont chevaliers, n'obtiendront plus, comme sous Philippe VI de Valois et Jean le Bon, les résultats attendus sur les champs de bataille, face aux Anglais. Un peu plus de trente ans plus tard, ce sera Azincourt.


Alors, on cherche ailleurs ce qui pourrait donner espoir et sens à ces terribles expériences. On a du mal à faire confiance aux instances dirigeantes de l'Eglise, qui se déchirent : en 1378, le Sacré Collège a porté sur le trône De Saint Pierre un pape Urbain qui a décidé de retourner siéger à Rome, tandis que les cardinaux français dissidents ont élu un Clément qui fait le choix de maintenir le siège de la papauté en Avignon, où celle-ci est retenue "captive" depuis Philippe le Bel. Alors, ne sachant plus à qeul saint se vouer ni à quelle tête obéir, des groupes de croyants pour redonner du courage aux fidèles vivant dans le royaume, malgré des Prélats qui sont plus ou moins opposés à ce type de mouvements, décident de raviver le culte des reliques, et c'est à qui en produira de plus saintes, la dernière n'étant pas le drap qui aurait enveloppé le corps de Jésus avant son ensevelissement. de quoi entretenir la flamme chrétienne et l'ardeur des résistants à "l'invasion anglaise" dans le coeur des sujets. Et ici, c'est un féodal dont le nom est connu des contemporains qui prétend détenir le précieux objet et le tenir de son père, Geoffroy de Charny, seigneur de Lirey et membre de l'ordre de l'Etoile, compagnon d'armes du roi Jean II le Bon, et qui est mort pour le défendre lors de la funeste bataille de Poitiers.

Nous voici donc en compagnie de son hoir, Jacques de Charny, qui s'en revient de croisade - oui, on en fait encore, isolément ou par groupes longtemps après la perte d'Acre en 1291 ! -, et cela fait six ans que le jeune homme a quitté ses terres. En chemin, il a perdu son valet, un serviteur à tout faire d'origine picarde, ainsi que sa bourse de voyage dérobée par un fripon, et le voici réduit à vendre les housses des pièces de son armure et à revêtir celle-ci pour continuer son chemin, tout comme s'il partait au combat ou se jetait dans la mêlée d'un tournoi. Enfin parvenu devant le château de Lirey, demeure familiale, et s'étant frayé à grand-peine un chemin parmi la foule qui se presse dans la plaine, il est reconnu à la couleur de son blason, et le pont-levis s'abaisse pour lui donner accès à la cour de la forteresse. S'engouffrant dans le passage où est ménagé un escalier à vis, il entend par une porte entrouverte la voix d'une jeune fille et poussant légèrement l'huis, il aperçoit cette dernière tenant entre ses mains un livre dont une image et le titre en lettres gravées sur la reliure lui révèlent qu'il s'agit du Décaméron de Boccace, ouvrage ô combien licencieux qu'une damoiselle vertueuse ne saurait détenir. Marie, quinze ans, soeur de Jacques, est maintenant une belle jouvencelle, et elle s'effraye de voir pénétrer en sa chambre un homme en armes, puis elle se ravise et identifie la personne en entendant sa voix et ses propos tout à la fois rabroueurs, sentencieux et familiers. Après de brèves embrassades, Jacques, plantant là sa soeur cadette, gagne la grand-salle où, au simple bruit de ses pas, Jeanne, sa mère, devine immédiatement qui entre dans la pièce, comme si elle l'attendait. Un reproche fuse des lèvres de Jeanne aussitôt que Jacques lui demande si elle vient de donner son accord pour une ostension du Saint-Suaire, ce qui expliquerait le regroupement populaire aperçu avant l'entrée au château. Jeanne sent tout de suite où son fils veut en venir, car tous deux savent que l'autorité épiscopale la plus proche regarde d'un oeil suspicieux ce genre de démonstration populaire avec exhibition de reliques quand ce n'est pas l'évêque qui est à l'origine de la manifestation. Comment Jacques pourrait-il en vouloir à sa mère de recourir à ces expédients. N'a-t-il pas deviné ce qu'à coûté sa folle expédition loin du domaine, pendant les années écoulées ? Il fallait bien courir le risque de subir les foudres de l'évêque et encaisser les oboles et les dons en montrant le Saint-Suaire aux yeux des foules inquiètes pour empêcher la seigneurie de courir à la faillite.

D'un bon roman - roman historique dont l'action est placée au Moyen-Âge, on ne décrit, forcément, que les toutes premières pages, pour donner envie au lecteur. Et, croyez-moi, vous ne serez pas déçu(e)s. Laurent Decaux, Parisien de 36 ans, signe là son premier "opus", "une formidable histoire de cape et d'épée" comme l'indique la quatrième de couverture. Un vrai régal ! J'en dois la découverte, la révélation, à mon ami surnommé ici, dans Babelio, Nostradamus. Je le remercie, car c'est un beau cadeau. Je remercie aussi, par son biais, les éditions XO qui m'ont fait parvenir un exemplaire de l'ouvrage.

François Sarindar, auteur de : Jeanne d'Arc, une mission inachevée (2015)
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