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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le billet d'Apoapo me rappelle ce livre, lu il y a plusieures années. Il documente, en détail, la lente déscente aux enfers que constitue la déstruction d'un être humain par la négligence. Se retrouver à la rue, comme un sac poubelle. Jeté, refusé, éliminé. La honte, la colère, le chagrin, la pitié, la solitude, la peur et bien d'autres choses encore ....

Il y a quelques années, j'étais volontaire dans un hopital Bruxellois. Situé près de la gare du Nord, un quartier qui comptait pas mal de sans-abri. On en voyait régulièrement à l'hopital. Bien sur, on parlait avec eux. Ceux qui n'étaient à la rue " que" depuis quelques mois pouvaient encore exister dans un environnement ordonné. Car, c'est évident, dans un hopital on se lève plus ou moins tous à la même heure, il y les premiers soins, la toilette, le petit déjeuner, suivi d'examens, de traitements, de repos, de visites. Et il faut rester dans sa chambre, être à disposition pour examens et traitements. Alors, quand la vie est devenue un chaos, une quête continue de nourriture, boisson ou drogue, de vêtements, de compagnonnage, d'un endroit où dormir, tout ca est surréaliste. Rester dans une chambre toute la journée, moi ? Faire tout sur commande, manger, debout, assis ? Impossible !

Je me souviens de scènes cocasses, tragiques, folles. Beaucoup allaient fumer devant l'entrée principale, seul endroit où c'était toléré. Je me souviens de ce bonhomme. Admis à l'hopital, il faisait la manche à l'entrée, dans son pyjama au ras des fesses, avec son mât de perfusion. Il était content : "ca rapporte bien ici, ce matin je me suis déjà fait vingt euros ! " L'hopital ,bon enfant, inséré dans ce tissus social de la Gare du Nord, fermait les yeux ... Telle autre, hospitalisée avec son compagnon. le compagnon avait huit ans de rue. Il savait ce qu'il fallait faire pour survivre. Elle était en quelque sorte son apprentie - moins d'un an à la rue. C'est pourtant elle qui était difficile. Jamais a la chambre... Vous vous imaginez... "Mme. Dupuis à la radiographie ... comment VOUS NE SAVEZ PAS OU ELLE EST ?! C'est le bordel dans votre service ? !" . Et, bien entendu, à l'entrée principale, elle rencontrait ses copains, avec leurs caddies, caddies bourrés de canettes de bière. Quand elle a commencé à rentre ivre morte, il a fallu sévir . " Ce service est un service de chirurgie, les gens sont déjà nerveux, anxieux, parce qu'ils vont être opérés. Alors rentrer comme ca en beuglant à 23:00 heures, c'est inadmissible ! Un peu de respect pour les autres ! Si tu recommences, on ne peut pas te garder ! ". La nuit suivante, même histoire. On a fini par trouver un hopital qui l'acceptait encore.

Ce mélange - ingérable - de tragédie, de farce, de folie, d'anarchie ... C'est cela, c'est aussi cela. La kermesse de l'horreur.
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Un livre simplement bouleversant qui raconte le monde des clochards.
Patrick Declerck nous livre son témoignage dans cet ouvrage tout autant essai que "carnet de route", et qui lui servira de thèse pour son doctorat.
L'auteur divise le livre en deux grandes parties: "Routes" tout d'abord qui raconte le terrain et l'expérience de Patrick Declerck, et "Cartes" ensuite qui prend un caractère plus théorique et clinique.
Declerck a, à plusieurs reprises, revêtu "l'habit" du clochard pour pouvoir s'immerger dans ce monde à part, cette marge de l'humanité.
En tant que psychanaliste et ethnologue, il tente de démontrer que la clochardisation est en partie liée à des troubles psychiatriques, une difficulté à appréhender le monde.
Un livre d'une grande humanité qui n'apporte pas forcément de réponses définitives et souligne toutes les carences du "système", l'absence de considération des pouvoirs publiques...
On ne sort certainement pas indemne de la lecture des "Naufragés".
Il serait par ailleurs intéressant de savoir quels visages revêt ce monde de la rue aujourd'hui.
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Un livre inoubliable car nourri de l'expérience de l'auteur, de ses rencontres en tant que clinicien mais pas que puisqu'il s'est aussi laissé "embarquer" par le SAMU social, se faisant passer pour un errant et amener dans un lieu d'accueil. Cette expérience, dont il n'est pas sorti indemne (on "bascule" vite...), lui permet de dégager des axes de réflexion et de travail très pertinents. Il peut ainsi questionner avec une grande pertinence la notion de projet (logement, emploi, etc.) pour des populations dont le souci est de savoir comment subsister la nuit d'après, c'est à dire qui vivent une perpétuelle immédiateté.
A lire, à méditer, à ne jamais oublier l'histoire de Raymond, un SDF pour qui les travailleurs sociaux avaient fait beaucoup de projet...
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Cet essai, publié en 2001 mais issu d'une thèse de doctorat dont les recherches se sont étendues entre 1982 et 1995 durant lesquels ont été réalisés entre 1500 et 2000 entretiens et plus de 5000 consultations de médecine à Nanterre, demeure un véritable monument, un classique de l'étude des sans-logis à Paris et de leur prise en charge médico-sociale.
Phénomène ambigu s'il en est, mêlant l'exclusion sociologique et la pauvreté extrêmes aux problématiques psychopathologiques de la désocialisation et des addictions, il est traité dans cet opus en deux parties : « Routes », qui est descriptive, laisse une large place à l'étude de cas et des lieux, en donnant également la parole à quelques sujets (par des verbatims et de leurs textes écrits) ; et « Cartes », qui est centrée sur l'analyste clinique et psychanalytique des soignés mais également des soignants, et notamment sur le fonctionnement du Centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre, qui a conservé certaines règles et mentalités de l'époque encore récente (jusqu'à 1992) où le vagabondage était considéré comme un délit, la Maison de Nanterre était régie par une logique pénale, et le « ramassage » était coercitif. Grâce à ces deux parties complémentaires, toutes deux nécessaires et merveilleusement explicatives, commencent à se déconstruire les images confuses et angoissées que nous possédons tous, construites socialement et inconsciemment, d'un public inquiétant, et de politiques publiques que nous pressentons comme inefficaces et peut-être volontairement inadaptées, mais dont les causes d'inadéquation voire de perversion inconsciente ne peuvent apparaître qu'à la lumière d'une connaissance profonde, d'une proximité bienveillante et d'une analyse furieusement lucide, telles que celles de Declerck, formé à la philosophie et à la psychanalyse. de même qu'une approche uniquement sociologique (et politique) désubjectivante et victimisatrice des errants ne suffit pas à rendre compte du phénomène, de même l'idéologie qui fausse notre jugement et tend vers un totalitarisme prescriptif est insuffisante à la compréhension de la dimension inconsciente de nos peurs projectives face à cette altérité qui remet violemment en cause nos normes de vie.
Cette publication a trouvé sa place dans une collection d'ethnologie et d'anthropologie militantes : « Terre humaine » fondée et dirigée par Jean Malaurie. Une postface – que j'ai lue en premier – constituée d'une lettre de Malaurie à Declerck et de la réponse relative, fait état d'une relation d'amitié au moins décennale de ces deux hommes, et d'une interrogation fort compréhensible auprès du lectorat sur la motivation de l'auteur à consacrer une grande partie de son activité professionnelle à un public aussi inhabituel : y aurait-il une vocation religieuse ? ou au moins une philanthropie exacerbée ? L'auteur (cf. infra cit. 8) répond par la négative, avec l'expression de sentiments que les lecteurs de Declerck ont pu connaître par ses ouvrages (y compris fictionnels) postérieurs, mais qui laissent pantois sachant que, durant ses années de formation universitaire, l'auteur a su se faire passer pour lui-même un clochard afin de pénétrer dans la Maison de Nanterre et en voir le fonctionnement du point de vue d'un soigné... Aime-t-il les SDF ? La beauté du réel dans toute son abjection. Renie-t-il sa propre composante sadique ? Même pas. le fait est que sans doute situés à l'extrême du spectre des psychopathologies sociales, les errants et leur étude nous renvoient comme sous une loupe agrandissante à nos propres dysfonctionnements à la fois sociaux et psychiques, en ceci que, conformément à l'aphorisme de Wittgenstein cité en exergue de l'épilogue : « Ils sont pour ainsi dire tous méchants et tous innocents ».

PS : Gros regret pour le fait que les nombreuses illustrations dans le texte, particulièrement celles des oeuvres picturales, aient une si piètre qualité d'impression.
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Tout est dit dans la critique de Maltese. :)

Ce livre est vraiment très enrichissant et je n'aurai plus le même regard sur ces personnes que nous côtoyons si souvent sans jamais les rencontrer.
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Une réflexion passionnante quant aux conditions de vie des "gens de la rue", dotée d'un positionnement éthique et politique des plus appréciables lorsqu'on s'intéresse à ceux "dits" en marge de la société. La proposition théorique impose de penser, de s'extraire d'une logique binaire pour approcher l'autre, lui-aussi humain.
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Un livre vivant et passionnant qui nous plonge dans les bas-fonds sans pour autant nous lasser. On ne s'ennuie jamais et l'humour de l'auteur nous fait passer la pilule. Cependant, Patrick Declerck est psychiatre, et si la grille utilisée nous livre certaines clefs importantes ( les clochards boivent pour éviter la rumination, c'est-à-dire, le souvenir obsédant d'un traumatisme), elle en biaise parfois d'autres. Les clochards, nous dit l'auteur, sont masochistes. Alors que le personnel de Nanterre leur a précautionneusement rangé les papiers dans une armoire, papiers qui leur permettent d'obtenir des aides, la moitié d'entre eux les réclame avant de partir pour une beuverie, … et les perdent systématiquement ! Quel masochisme en effet ! Sauf …. que des papiers, ça se vend ! Les clochards vivent au jour le jour, drogués par l'alcool. On sait bien que n'importe quel drogué fera tout pour se procurer sa came sans songer au lendemain. de plus l'auteur s'interroge sur le fait que ces personnes ne rentrent pas dans le cadre, même si on voit dans leurs discours les raisons qu'ils invoquent. Patrick Declerck laisse ces arguments de côté. La vie asservissante d'un travailleur en usine qui les saoule ne semble pas un argument suffisant à l'auteur pour vouloir lâcher prise et s'envoler avec les potes vers le sentiment de liberté que doit leur provoquer leurs envols vers la folie des déliriums trémens…. assourdissants, anesthésiants…. Portes d'un lent suicide inconscient !
Les psy s'interrogent toujours sur le pourquoi ne rentre-t-on pas dans le moule ? Jamais il ne leur vient à l'esprit, certainement du fait de leur condition sociale et de leur formation, de se demander pourquoi la plupart des gens rentrent-ils dans ce moule. Comment s'y prennent-ils ? Quelle est le mode d'éducation qui est parvenu à les formater à ce point ? Comment parviennent-ils, durant toute une vie à se lever contre-nature, à manger sans tenir compte de leurs besoins originels, à travailler sans plaisir pour l'enrichissement d'un autre …. Payer leurs taxes, leurs frais de voitures … etc… juste pour pouvoir travailler ! le travail n'est pas un loisir ! Mais il n'est pas de bon ton de l'avouer. On préfère le nier, c'est mieux vu. Les classes « bien pensantes » ont tendance à l'ignorer, parce que certains métiers sont passionnants … mais ceux-ci sont bien-sûr réservés à l' « élite ».
Les clochards ont très peu été éduqués, et de ce fait, deviennent inaptes à accepter leur condition et leur futur. Ils ont tenté d'y croire, de se battre, de travailler, puis un jour, ils ont renoncé. L'abus d'alcool, de drogue ou de folie ont fait le reste !
L'auteur avance que la pauvreté rend les gens méchants. Pour moi c'est un raccourci qui ignore les effets de l'alcool et de la destruction du cerveau qu'il engendre, d'une part, et celle issue des traumatismes. Pour moi, la violence subie, le sentiment d'injustice et l'impression d'être dans une voie sans issue mêlés aux conséquences des drogues et de l'insécurité sont les souffrances qui engendrent la violence. Combien de peuples pauvres sont d'une gentillesse remarquable ? Dire que les pauvres sont méchants n'arrangerait-elle pas les classes favorisées ?
Hormis ces quelques critiques que je me suis autorisées, j'ai apprécié cette démarche.
Qui ne s'est jamais posé la question de la clochardisation dans un pays où les aides sociales sont particulièrement développées ? Les naufragés sont une tentative de réponse à cette question, une trace du passage sur terre de ces laissés pour compte.
L'auteur a raison. Non, il n'y a pas de solution pour ces pauvres gens, les dés sont jetés depuis trop longtemps, peut-être même avant leur naissance, dit-il, dans le ventre de leur mère qui buvait elle-même, pour certaines d'entre elles au moins.
Et c'est tout ce désespoir que leur histoire peut nous transmettre…. Celui de leur vie, leur passé, leurs projets qu'ils n'ont pas, le cadre dans lequel ils sont nés, celui dans lequel ils sont sûrs de mourir, quoi qu'il arrive. le destin.
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Je remercierai jamais assez cet auteur qui m'a fait rentrer dans le social par le biais de l'exclusion.
Un très bon livre qui n'expose pas mais oblige à regarder ceux et ce que l'on évite.
Tel le miroir placé en salle de consultation il nous invite à regarder notre images, nos craintes, nos rejets, car au travers de ces gens, ou plutôt de ce qu'ils nous inspirent, il n'est question que de nous.

A lire lire lire lire lire lire lire lire
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Livre magistral sur la condition des sans abris en France. L'auteur a vécu au plus près d'eux pour que sont compte-rendu soit le plus réaliste possible. Attention pour les âmes sensibles à la version illustrée de photographies de l'auteur, elles sont particulièrement trash.
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J'ai lu ce livre assez rapidement pour mon TFE à l'époque.
J'ai bien pu voyager au côtés de l'auteur dans tout son périple. Je le trouve facile à lire et à comprendre. Assez abordable niveau prix.

Si le sujet des sans abris vous intéresse et que vous avez envie d'en connaitre un peu plus, ce livre est à conseiller. Je suis infirmière en santé mentale et psychiatrie et ce livre m'a aidé à enrichir mes connaissances et à adapter ma façon de prendre en soin mes patients sans abris.
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